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Guillaume de Saint-André : Chronique de l'Etat breton (fin XVè)

vers 401 à 448

Texte original Traduction de Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe

Et puis apres l'an mil troys cens

Quarante et sept, furent dolens,

en juingn le vingtiesme jour,

Car ilz eurent trop pou d'honneur

A la Roche-Derrien en Treguier,

Ou mourut maint bon chevalier,

Maint bon vassal, maint bon baron

Et maint escuier de renon

Furent mors, prins et desconfis,

Les uns armés, autres ez liz.

Ce fut la nuyt a la chandelle :

La bataulle y fut moult belle;

Car contre un, à mon avis,

Des gens Jehan, y avoir sis

Des gens Charles armés tres bien;

Tout fut conquis, n'en faillit rien.

La moururent en bataille

Chevaliers de moult belle taille,

Gens d'estat et de noble affaire,

Si ne pouoint de la retraite.

Mais pour que je ne pourroye

Touz les nommer ne ne suroye,

Te nommrtay des principaulx

Qui la souffrirent tant de maulx

Que mors chaïrent en la pace

De coups de hache ou de masse :

Premier le sire de Laval,

Rohan, Montfort, Rougé, Derval,

Le sirz de Cjeteaubrient,

Moururent la en un momement;

Moult fut grande l'occision

Et maint un mené en prison.

Prisonnier fut Charles, pour voir,

Et le sire de Beaumanoir.

Fouir lors estoit grant druesse

Et grant bien corner de retraiste;

Mais le gibier estoit amer,

Point ne pouoint se reclamer,

Car prouesse s'est essoree

Et de haye estoit muee.

Et quant cuidoient estre alegez,

On leur mectoit aux piez les gez;

Bien leur sembloit avoit du pire,

Car trop pou leur tenoit de rire.

On mena Charles en Angleterre,

Com prisonnier de droite guerre,

Et maint autre de sa partie

Furent menez, n'en doute mie.

Encore après, l'an 1347, ils souffrirent en juin, le vingtième jour, car ils retirèrent peu d'honneur à La Roche-Derrien, en Trégor. Là mourut maint bon chevalier. Maint bon vassal, maint bon baron et maint écuyer de renom furent mis à mort, faits prisonniers ou mis en déroute, les uns portant leurs armes, les autres dans leur lit. Ce fut la Nuit à la chandelle : la bataille y fut bien belle, car, contre un seul cles gens de Jean, il y avait, à mon avis, six des gens de Charles, et bien armés ! La réussite fut totale, il n'y manqua rien. Là moururent, en la bataille, des chevaliers de taille, des gens de haut rang et de noble charge qui ne purent de là faire retraite. Mais comme je ne pourrais ni ne saurais tous les nommer, je te nommerai seulement, parmi les principaux qui endurèrent là tant de maux, qui tombèrent morts en la place, sous les coups de hache ou de masse : le sire de Laval, en premier, [les sires] de Rohan, de Montfort, [le sire] de Rougé [et] de Derval, le sire de Châteaubriand moururent là en un moment.

Fort grande fut la tuerie et l'on en mit beaucoup en prison. Charles fut fait prisonnier, c'est la vérité, et aussi le sire Beaumanoir. Fuir était d'une grande nécessité et cela faisait grand bien de corner la retraite, mais le gibier ressentait de l'amertume : ils ne pouvaient s'appeler à l'aide, car Prouesse s'était envolée et muée en Détresse. Et, alors qu'ils avaient cru se retrouver tout légers, on leur mettait les liens aux pattes : ils semblaient bien être dans la pire des situations et n'avaient nulle envie de rire ! On mena Charles en Angleterre, comme prisonnier de juste guerre, et maint autre de son parti fut emmené aussi, n'en doute nullement !