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Morlaix

J.B. Ogée; vers 1779


Dans un fond, sur la route de Rennes à Brest; par les 6° 9' de longitude, et par les 48° 35'43" de latitude; à 4 lieues 1/2 de Saint-Pol-de-Léon; à 10 lieues 3/4 de Tréguier, et à 37 lieues 3/4 de Rennes. Cette ville, qui se nommait Julia du temps de César, est une des plus anciennes et des plus célèbres de la province. On y remarque trois paroisses, qui sont : Saint-Martin, Saint-Mathieu et Saint-Melaine; les couvents des Capucins, des Jacobins, des Récollets, des Bénédictines, des Ursulines, des Carmélites, un hôpital, un Hôtel-Dieu, et 9800 communiants. Les cures des deux premières paroisses sont à l'alternative, et celle de la dernière doit être présentée par l'évêque de Tréguier, depuis la réunion de l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes à l'évêché de la même ville.

Morlaix a un gouverneur (1), qui est M. le baron des Bruyères-Saint-Michel; une jurisdiction royale sous le présidial de Quimper, une jurisdiction des traites; une communauté de ville, avec droit de députer aux États; un consulat, un siège d'amirauté, une subdélégation, une brigade de maréchaussée. Outre cela, on y trouve une superbe manufacture de tabac; deux postes, dont une pour les lettres; deux marchés par semaine, les jours de vendredi et de samedi, et plusieurs moulins à papier. Sa position est très-avantageuse; elle est située entre trois montagnes assez hautes et deux rivières qui la partagent en deux cités, et qui vont tomber dans un beau bassin qui est à l'entrée de la grande place. La partie de la ville qui est du côté de l'est dépend de l'évêché de Tréguier, et celle qui est du côté de l'ouest, de l'évêché de Saint-Pol-de-Léon (1).  

Ses armes sont d'azur, à la nef ou navire équipé d'or, aux voiles éployées d'argent, mouchetées d'hermines, avec cette devise: S'ils te mordent, mords-les. Cinq grandes routes, qui y arrivent de tous les endroits de la Bretagne, ne contribuent pas peu à y faire fleurir le commerce, qui est considérable. Les principales marchandises qu'on y trouve sont des toiles, du fil, du suif, des cuirs, du papier et autres denrées. Le seul commerce des toiles de Morlaix monte quelquefois à cinq et six millions par an. Elles se fabriquent toutes dans les évêchés de Saint-Pol-de-Léon et de Tréguier, et les seuls habitants de Morlaix ont eu, de tout temps, le privilège de les acheter des manufactures, pour les vendre aux Anglais et aux autres nations de l'Europe. Jurisdictions qui s'exercent en cette ville : l'Amirauté, haute-justice, à M. le duc de Penthièvre; Morlaix et Lanmeur, haute-justice, à M. de Saint-Tropés, engagiste; Bodistes, haute-justice, à M. de Locmaria; Kerohant, haute-justice, à M. Morand; Penzez, haute-justice, idem; Kergariou et Coatgral, haute-justice, à M. de Locmaria; Chrechonvel, moyenne-justice, à Mme de Lannion.

On prétend que la chapelle de Saint-Jacques, qui est située près de la halle, est le plus ancien monument de Morlaix, et qu'elle fut bâtie dans le deuxième siècle, ce qui parait au moins douteux. On regarde aussi comme très antique la croix qui se voit au carefour de la Fontaine : on y allume une bougie toutes les nuits.

Hoël II, fils d'Hoël-le-Grand, roi de Bretagne, épousa la fille d'un roi d'Angleterre, de laquelle il eut une fille, appelée Eléonore, qui prit en mariage le fils du seigneur de Léon. Hoël donna pour dot à sa fille les ville et château de Morlaix, avec le droit de bris en ses terres et celui de donner les brefs de sortie à ses vassaux. Le château de Morlaix, qui dès lors était fortifié, était situé sur un des coteaux qui environnent la ville.

L'an 1098, Hervé, vicomte de Léon, confirma à l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes la permission qui lui avait été donnée par son père Guyomar, de prendre tout le bois mort de la forêt de Cuburien, pour le service et l'utilité des moines de Saint-Melaine de Morlaix. Il donna aux mêmes religieux la chapellenie de Bouvret, avec les dîmes des paroisses des environs.

La confrérie de la Trinité fut fondée, l'an 1110, dans l'église paroissiale de Saint-Mathieu. Toutes les églises de Morlaix étaient alors desservies par des moines.

Le prieuré de Saint-Martin  fut fondé, l'an 1128, par Hervé, vicomte de Léon, qui donna un terrain situé auprès de son château pour construire une église, un cimetière, un monastère et plusieurs maisons : le tout fut confirmé par les évêques de Tréguier et de Saint-Pol-de-Léon. Ce prieuré fait aujourd'hui une des paroisses de la ville, et dépend de l'abbaye de Marmoutier, ordre de Saint-Benoît.

L'an 1179, le duc Geoffroi entra dans le pays de Léon, à la tête de son armée, pour soumettre Guyomar, qui s'était révolté. Ce prince prit et fit fortifier Morlaix. L'an 1180, les officiers du duc Geoffroi eurent une grande dispute avec les moines du prieuré de Saint-Melaine de Morlaix, au sujet d'un four à ban dépendant de ce prieuré, que les officiers voulaient s'approprier. Après bien des contestations, le procès fut jugé à l'avantage des moines, par Derien, bailli de Morlaix.

Le duc Geoffroi, IIè du nom, mourut à Paris, l'an 1186. Dès que la nouvelle en eut été répandue en Bretagne, Guyomar, vicomte de Léon, et Hervé, son frère, tentèrent de reprendre Morlaix, que le duc leur avait enlevé en 1179; mais les fortifications et la garnison qui défendaient cette place rendaient cette entreprise très-difficile, et ils n'auraient jamais pu y réussir si quelques-uns des habitants n'avaient conspiré en leur faveur. Par le moyen de cette trahison , ils entrèrent dans la ville, dont ils chassèrent la garnison et plusieurs personnes de la maison du duc, qui les y avait laissées, comme dans une place sûre, pendant son voyage de Paris.

L'année suivante, 1187, Henri II, roi d'Angleterre, s'étant constitué tuteur du jeune duc Artur, vint en Bretagne, prit les ville et château de Morlaix après cinquante jours de siège, et rétablit dans cette place la garnison et les personnes que le duc y avait laissées lorsqu'il partit pour Paris. Pendant ce siège, Henri II fit beaucoup de parties de chasse dans les environs, qui étaient alors pleins de bois très-peuplés de gibier.

En 1234, Etienne, évêque de Tréguier, se joignit aux habitants de Morlaix, pour les encourager dans le dessein où ils étaient d'établir un couvent de Dominicains dans leur ville. Le général de l'ordre, qui était à Paris, ordonna, en 1235, au provincial de prendre des religieux dans les couvents de Nantes et de Dinan, pour les mener à Morlaix, où ils furent très bien reçus. Pierre de Dreux et Alix, duchesse de Bretagne, son épouse, donnèrent leur palais, avec les jardins et vergers qui en dépendaient, pour cet établissement. 

Le 15 août 1295, le duc de Bretagne donna la chapelle Notre-Dame-du-Mur, située auprès de son château de Morlaix, à huit chanoines, et y fit transférer la confrérie de la trinité, fondée, en 1110, dans l'église priorale de saint-Mathieu.

L'église Notre-Dame-du-Mur est la plus considérable et la plus belle qu'il y avait dans cette ville : sa structure est singulière.

Le duc fit reconstruire, la même année, les murs de clôture du parc au Duc (1).

En l342 (2), Charles de Blois fit réparer à neuf les dortoirs du couvent des Dominicains, et donna permission à ces religieux de prendre dans ses forêts tout le bois dont ils auraient besoin pour la réparation de leur monastère (3). Le 15 août 1365, le duc Jean IV posa la première pierre du portail de l'église collégiale de Notre-Dame-du-Mur, fondée, le 15 août 1295, par le duc Jean II. L'an 1372, le duc Jean IV mit dans les ville et château de Morlaix une garnison anglaise, qui traita si mal les habitants qu'ils prirent le parti de se joindre à la noblesse du voisinage pour se défaire de leurs tyrans. Ils firent entrer secrètement dans la ville plusieurs compagnies Françaises, qui passèrent au fil de l'épée les trois cents hommes de la garnison (4). Le duc de Bretagne fut si offensé de cette trahison, qu'il résolut, en 1374, de prendre la ville et d'en punir les habitants. Ceux-ci, qui ne se croyaient pas en état de résister, renvoyèrent la garnison française, brisèrent toutes les portes de leur ville, et députèrent au duc Jean IV, qui était à Saint-Pol-de-Léon, pour tâcher de fléchir sa colère. Cette ambassade ne fut pas heureuse : les envoyés furent saisis et détenus prisonniers, et le duc s'avança, avec son armée, vers Morlaix, dans l'intention de livrer cette ville au pillage. Les habitants, qui furent avertis de l'arrivée de ce prince, se crurent perdus, et prirent un parti désespéré : ce fut d'aller au devant de leur souverain, et de se jeter à ses pieds, en criant miséricorde. Ce dessein fut exécuté, et le duc ne put être insensible aux cris de tout ce peuple qui demandait grâce. Il leur accorda leur pardon, à condition qu'ils lui livreraient cinquante des plus coupables. Jean IV alla loger au château de Cuburien , qui appartenait au vicomte de Rohan; et, dès qu'on lui eut livré les coupables qu'il avait demandés, il sortit de ce château, auquel il fit mettre le feu (1), et fit son entrée, dès le matin, à Morlaix. Dans l'après-dîner du même jour, il fit aussi dresser des potences sur les murs du château, et pendre les coupables, à la vue de tout le peuple qui avait été convoqué, à son de trompe, pour assister à cette terrible exécution. Personne n'osa désobéir en cette occasion; tous les habitants de la ville s'y rendirent, sans exception. Cette vengeance affreuse ne fit pas honneur à Jean IV, et ne fit qu'augmenter la haine de ses sujets. En sortant de Morlaix, il y laissa une garnison anglaise de huit cents hommes, qui ne manquèrent pas de venger sur les habitants la mort de leurs compatriotes égorgés par les Français. Leurs cruautés multipliées engagèrent, en 1376, les habitants de Morlaix dans une nouvelle révolte. Ils ouvrirent encore leurs portes aux Français, qui égorgèrent une grande partie de la garnison et chassèrent l'autre. Le duc était en Angleterre lorsqu'il apprit cette nouvelle. Dans le premier mouvement, il jura de ruiner la ville de Morlaix et d'en exterminer les habitants; mais les affaires qui survinrent à ce prince ne lui permirent pas d'exécuter sa résolution. Il rentra en possession de cette place, par le traité de paix conclu avec le roi Charles VI, en 1381 (2). L'an 1445 (3) fut fondée la chapelle de Notre-Dame-des-Vertus, auprès de l'église de Saint-Martin : cette chapelle ne fut dédiée qu'en 1556. En 1458, Alain, vicomte de Rohan, fonde un monastère dans la forêt de Cuburien, pour les Cordeliers, qu'il rappela de l'Ile-Verte, où ces religieux manquaient de tout. Le 25 avril 1468 , Christophe du Châtel-Tremezan, évêque de Tréguier, dédie, avec grande solennité, l'église collégiale de Notre-Dame-du-Mur. Le couvent des Dominicains de Morlaix fut réformé par les pères de la congrégation d'Hollande, qui prirent possession de ce monastère, le 25 août 1481. En 1488, Henri VII, roi d'Angleterre, envoya à Morlaix des troupes, qui y furent reçues par Jean de Coëtquen et quelques autres seigneurs qui gardaient la place pour la duchesse Anne (1). En 1489 , l'église et le clocher de Saint-Melaine sont rebâtis à neuf aux frais des paroissiens. Deux ans après, l'église de Saint-Mathieu est dédiée par
Jean Callouët , évêque de Tréguier. En 1499 , érection de la confrérie de la Chandelcur en l'église de Notre-Dame-du-Mur. L'an 1500, Anne, reine de Franco, fit construire , dans le port de Morlaix, un vaisseau de guerre, nommé la Cordelière, dont elle donna le commandement à Hervé de Porzmoguer, gentilhomme breton En 1505 , la reine Anne ratifia la fondation faite par ses ancêtres, d'un prévôt et de huit chapelains, dans l'église de Notre-Dame-du-Mur , à laquelle elle fit présent d'une somme pour l'entretien de deux enfants de choeur, et ordonna , dans le même temps, d'augmenter les fortifications des ville et château de Morlaix. Sur la fin de l'année 1506 , cette princesse arriva à Morlaix, et logea au convent des Dominicains, où l'on avait fait de grands préparatifs pour sa réception. Dans le cimetière de ce couvent était un arbre  généalogique de la maison de Bretagne , depuis Conan Mériadec jusqu'à la reine Anne. Au haut de l'arbre  était une jeune fille qui le représentait elle-même, et qui lui fit une harangue lorsqu'elle passa. La ville lui donna un petit navire d'or, enrichi de pierreries , et une hermine apprivoisée , qui portait un collier de  diamants. La reine reçut avec joie cette hermine, qui lui fit un peu de peur; car, comma elle la tenait sur son bras. elle lui sauta sur le sein. Le seigneur de Rohan , qui était auprès d'elle, la rassura, on lui disant : 
Que craignez-vous, Madame, ce sont vos armes ? Ce discours lui plut beaucoup.

Le 23 septembre 1518 , le roi François Ir arriva à Morlaix, et y fut reçu avec beaucoup de magnificence.

En 1522, uno flotto anglaiso arriva sur los
cétos do Brotagno, oil ollo paraissait vouloir
fairc uno closcente. L’ennemi fut socondé (lans
sos projcts par un traitro, qui était lo capitziino
do la ville do Morlaix. Lo l1Z1SHI'(l voulnt quo
ccttc Xillc so t1'ouv;it, un C€l'l’L1l1lj0Hl‘, pro-squo
sans habitants, parcc que la noblcssc (lu pays
s’élait assembléo 51 Guingamp, ot quo lo peuplo
était allé 51 la foiro (lo Noyal—Pontivy, qui, on
co temps-151, durait huitjours. Lo capitaino pro-
fita (lo cotto occasion, ct avortit los Anglais do
vonir £1 Morlaix, qu’ils trouvoraiont sans do-
fense, avoc promesso do so joindro 51 oux pour
pillor. L’ennomi no so fit pars prior : il vint
promptomont , et fit sa dosconto 51 l’ondroit


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noinmé Ifzvizfcra/I021, £1 qnclque distance de la
ville. Les .~lnglais se déguisérent, les uns en
I11al‘Cll£11l(l5 et lcs autres en paysans. Quclques-
uns se rendircnt sur-le-champ an clizlteau et
clans les faub0111'g's; mais la lnajeure partie resta
cacliée clans le bois cle Stivelle. Ils awaieni (lOn-
né 01-dre de conduire, é la marée du soir. un
cle leurs bateaux £1 Fentrée de la ville , pour y
charger le butin; mais ce projet manqua, parce
que la 1-iviére se trouva bouchée. vis-é-vis le
convent dc Saint—Frang0is, par une quinzaine
cl’arbres avec l€"L11‘5_l3I‘31]Cll6S, que des paysans
_v jctércnt. Ceux qui conduisaicnt lc batcau,
n’a§'ant pu passer, 111l1‘€11lZ pied-é. terrc, ct al-
lérent rejoindre leurs cainarades, afin dc pro-
fitcr du pillage. lls no pénétrcrent zlans la ville
qua vers le minuit. et _v répanclirent llalarme.
Le pctit nombre (l’l1abitants qui s’§' ti-oumit prit
la fuitc, ii Fcxceptioii cle deux ecclésiastiqucs,
qui lcvcrent lcs ponts de la porté dc .\'0t1*e-Dam e.
ct <l’unc scrvaiite, qui rcsla scule (lans la mai-
son (lc son maitre . qui était située (lans la
grantlc ruc. Celte fille. remplic rle courage, clos-
ccndit it la cave, qu’elle fit remplir (l’eau, en
onvrant un petit canal qui con1n1uniq11ait £1 la
ri\"iL'1'e_; clle cn Ota ensuite la trappe, qui élait it
l’ent1-ée cle cette maison, et laissa sa poi-te Z1
tlcmi fcrmée; dc sortc quc, quancl lcs _-lnglais
voulurent entrer, ils tonlbérent clans la cave et
q’y noycrclit an n0n1l)re cl’enYiron quatre-vingts.
L0 rcstc dc 1:1 villa fut pillé sans aucnne réser\"e,
et les églises elles-nlérnes ne furent pas c3par-
gnées. Ycrs la pointe clujonr, une partie dcs en-
nemis se 1-etira avec son butin et quelquc pri-
sonniersg nmis il en resta environ scpt cents Z1
boirc ct ii inanger clans les caves ct (lans les
nmisons qui étaient sur le quai de Trégllier.
Ap1~<‘~s qu’ils em-ent bu et mangé avec excés , ils
se rendirent clans le bois cle Stivelle [Stircl] , oh
ils s’emlorn1i1-ent. Sur ces entrefaites. le sei-
giicur (le Laval, informé dc cc qui so passait,
arriva avec un corps cle troupes, ct se rendit
(lans le lmis , oh il assomma tous ccs étrangers
ct rcprit le butin. En mémoire dc cette action ,
la fontaine (lc la ville qui se voit 51 l’el1trée du
bois cst appcléc la fonfaine ales Anglais [Feuntcun
ar Sao.-on] , parce qua, cejour-lit. scs eaux fu-
rcnt teintcs dc leur sang*.
La prciniérc picrre dc l’église des C01-delicrs
(le CHl)L11‘l€‘ll fut posée le ll 111{ll‘S '1-527, et clé-
(liéc lc I25 juin 1531, sous l’invocati0n dc Saint-
Jeal1-l’E\'angéliste.

Le 12 mars 1535 le nommé Alain Guezennec, étant à la messe de l'église de Saint-Melaine, courut à l'autel, an moment de l'élévation , arracha la sainte hostie des mains du prêtre, la jeta par terre et la foula aux pieds. Ce scélérat fut brûlé vif, quelques jours après, dans le carrefour qui est vis-à-vis cette église.

Le 27 décembre 1535, une barque pleine de monde, qui voguait entre le convent de Saint-François et le château de Keranroux, fut sub-



***

à suivre.