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Ogée : Dictionnaire de Bretagne; 1780. |
* Ogée : Ploërmel; par les 4° 44' 8" de longitude, et par les 47° 55' 53" de latitude (1); à 18 lieues de Saint-Malo, son évêché (aujourd'hui Vannes), et à 12 lieues de Rennes. Quatre grandes routes arrivent à Ploërmel, où l'on trouve une sénéchaussée royale qui ressortit au présidial de Vannes; un gouvernement de place; une communauté de ville, avec droit de députer aux Etats de la province; une subdélégation; une brigade de maréchaussée, une messagerie, deux postes, l'une aux lettres, l'autre aux chevaux; une direction des devoirs, une paroisse, les couvents des carmes, des carmélites, des ursuli- ------------ ------------ L'établissement d'un quartier de cavalerie y serait avantageux pour les troupes, et nécessaire au pays, qui n'a point d'autre débouché pour ses denrées. La sénéchaussée est la troisième dans l’ordre des quatre grandes barres du duché (voy. l’ordonnance du roi Charles VIII, du mois de mai 1494, au chapitre argumentation des gaiges); elle comprend deux cents paroisses et trêves, parmi lesquelles sont Corlai, Baud, Rieux et Saint-Jouan. Outre la sénéchaussée royale, il s’exerce à Ploërmel quatre hautes-justices et deux moyennes, et il s’y tient un marché le lundi : c’est là tout le commerce de cette ville. On ne connaît point l’époque de la fondation de Ploërmel; tout ce qu’on sait, c’est que du temps de saint Armel, dans le Vè siècle, ce n’était qu’un village peu considérable. Ce village s’est accru dans la suite et a formé une ville assez grande, plus importante autrefois qu’elle ne l’est de nos jours. Il est même à croire qu’au lieu de reprendre son ancien éclat, elle diminuera de plus en plus. Elle est mal bâtie, mal pavée, sans alignement ni niveau, et, ce qui est pire que tout cela, elle est pauvre. Par une suite de sa situation malheureuse, le nombre des habitants doit diminuer de jour en jour. On est peu attaché à une patrie où l'on n’a que des maux à souffrir. Les seules villes de commerce sont aujourd’hui susceptibles d’embellissement et d’augmentation; on y accourt de toutes parts dans l’espérance d’y faire fortune, et l’intérieur du pays reste désert. Il est à présumer que Ploërmel était une ville considérable dès le Xè siècle. L’histoire de ces temps reculés n’en fait pas souvent mention, il est vrai; mais elle ne parle pas davantage des autres villes. L’ignorance régnait alors en Europe, et plus encore en Bretagne que partout ailleurs : on savait faire la guerre, combattre, mourir, faire des fondations, donner des biens aux ecclésiastiques, et surtout enrichir les moines; mais on ne pensait pas à écrire les belles actions des grands hommes, à décorer les villes et à faire fleurir les arts. La plus ancienne anecdote que nous ayons sur cette ville est de 1222. Amauri de Craon se révolte, avec les autres barons, contre Pierre de Dreux. Amauri est fait prisonnier, et, pour obtenir sa liberté, il abandonne Ploërmel au duc. Maurice de Craon revendique cette seigneurie en 1289. Le duc nomme des commissaires pour examiner ses prétentions. La sentence des juges est favorable au prince, et Maurice est forcé d’abandonner ses prétentions. 1240. Assemblée des Etats à Ploërmel. Le duc Jean Ier, à la demande des évêques, des barons, et de tout le peuple, chasse les juifs de ses états. Personne, dit l’édit donné à ce sujet, ne pourra être accusé ni condamné pour avoir tué un juif. Le prince jure d'observer cette loi, et se soumet à l'excommunication, et tout son pays à l'interdit, s'il vient à la violer; il veut même qu'on fasse jurer ses successeurs de la garder. Les évêques, les barons et les vassaux jurent tous d'y être fidèles. 1294. Le duc convoque à Ploërmel tous les seigneurs qui doivent lui fournir des hommes en temps de guerre. Ce prince venait d’être nommé général de l’armée anglaise, et c’est pour cette raison qu’il trouva peu de seigneurs à Ploërmel, parce que les Bretons n’aimaient pas faire la guerre contre la France. Le duc Jean II se réserve de vérifier, après la guerre, si les déclarations étaient exactes. L’évêque de Dol suivit le parti de la France, par permission du pape. Pendant que le roi de Sicile, et Philippe, fils aîné et successeur de saint Louis, achevaient le traité de paix avec le roi de Tunis, Edouard, prince de Galles, fils de Henri III, roi d’Angleterre, et Jean, comte de Richemont, fils du duc de Bretagne Jean Ier, se rendirent au Mont-Carmel, où le roi Louis IX avait déjà fait un voyage en 1244, et passèrent, par le moyen d’un sauf- conduit, sous l’habillement de pèlerins, jusqu’à Jérusalem, où ils visitèrent les saints lieux. Le comte de Richemont amena avec lui deux carmes, qu’il avait obtenus du prieur du Mont- Carmel, et les logea dans le faubourg dit aujourd’hui de l'Hôpital, jusqu’à ce que leur couvent fût fondé et bâti. Ces religieux occupèrent d’abord un prieuré, nommé de Villeneuve, qui depuis fut changé en hôpital. On y a vu, pendant long-temps, six cellules, qui avaient été pratiquées dans l’épaisseur des murs de la chapelle, au milieu de laquelle était l’autel, conformément aux règlements que les carmes avaient reçus depuis peu d’Albert, patriarche de Jérusalem, Comme le couvent de Ploërmel est la première communauté de carmes établie en Bretagne, je vais donner un précis de la fondation de ce corps. Aimeri, légat et patriarche apostolique, sous le pape Alexandre III, élu l’an 1159, voyant qu’un grand nombre d’hommes venus d’Occident, pour suivre, disaient-ils, les règles de la vie hérémitique, vivaient dispersés çà et là, par troupe, sans états ni aveu, forma le projet de les rassembler, et les conduisit au Mont-Carmel, lieu célèbre par le séjour qu'y avait fait le prophète Elie. Il leur procura les moyens d’y vivre et de s’occuper utilement. Les Sarrasins, sous la conduite d’Omar, successeur de Mahomet, s’étant rendus maîtres de la Terre-Sainte, défendirent aux carmes de porter des capuchons ou habits blancs, parce que ce vêtement était, parmi ces infidèles, la marque de la plus grande distinction. Les carmes, obligés d’obéir à leurs vainqueurs, prirent des manteaux barriolés, et furent appelés Frères barrés, lorsqu’ils passèrent dans l’Occident. Cet ordre fut réformé, l’an 1205, sous le général Berthold, IIè du nom. Le pape Honoré IV confirma cette réforme en 1285, et ordonna aux carmes de changer leur habit, qui était peu conforme à l'état de religieux. Ils supprimèrent donc leurs barres, et prirent un habit noir sous un manteau blanc. A leur arrivée à Ploërmel, ils plantèrent trois croix de pierre de taille, en forme de celles du saint sépulcre de Jérusalem. On les voit encore aujourd'hui près la chapelle de l'hôpital, que ces moines occupaient d'abord. Sur ces entrefaites, le comte de Richement, sous les auspices duquel les carmes étaient venus en Bretagne, et qui voulait y fonder une colonie de cet ordre, fit commencer (1) l'édifice de leur couvent dans l'endroit qu'il avait choisi en dehors de la ville, près la porte appelée d'En-bas; mais cet édifice, qui devait être d'une grande magnificence, ne fut achevé que long-temps après. L'église avait cent soixante-deux pieds de lisse franche, non compris les chapelles, sur vingt-huit pieds de largeur. Aux deux côtés du grand-autel étaient deux chapelles, celle de Notre-Dame-de-Recouvrane, à droite, et celle de Sainte-Barbe, à gauche. On voyait, dans la première, une image magnifique de la Sainte-Vierge, qui fut rompue en 1592. Au dessous de la chapelle de Notre-Dame, il y en avait une autre dédiée à saint Gildas, ornée de la figure de ce saint abbé. Cette statue était de marbre et très belle : elle fut emportée, dit-on, par un bourgeois de Ploërmel, qui la déposa, en 1511, dans une chapelle du territoire de Taupon, lors de l'incendie qui consuma le couvent des carmes. Au grand autel étaient quatre colonnes de cuivre, avec de petits anges, et une crosse pendante, comme dans les cathédrales, dans laquelle on déposait la sainte hostie. Au dessus étaient les images magnifiques des trois Marie. Celle de la Sainte-Vierge, qui était au milieu, était de marbre blanc. On ne sait de quelle matière étaient les deux autres. Le chœur de l'église avait trente-trois pieds de longueur sur vingt-huit de largeur, orné de soixante-quatre chaires, tant hautes que basses, avec leurs dossiers très-bien travaillés et ornés de sculptures; en un mot, cette église était aussi belle que les cathédrales de la province. Le cloître, qui était assez vaste, était composé de soixante-douze voûtes, et orné de belles peintures. Au milieu était un puits, avec un très beau colombier au dessus. Les bâtiments étaient considérables. Le duc fondateur y avait son logement. Le prince y conduisit les carmes, en 1296. Outre le logement, ce duc leur donna 100 livres de rente, monnaie de Bretagne (2). Cet établissement fut confirmé par le duc Jean III, au mois de novembre 1318; par le duc Jean IV, au mois de novembre 1365, et par le roi Charles VIII, au mois de mai 1492. Les souverains de la province ont accordé plusieurs privilèges à cette communauté, comme de moudre son grain franc, et de ne payer aucuns droits sur les rivières de Loire... --------- --------- Le duc Jean II, comte de Richement, mourut à Lyon le 18 novembre 1305, ou 1306 nouveau style, pendant la cérémonie qui fut faite à l'occasion du couronnement du pape Clément V. Son corps fut porté à Ploërmel, où on lui érigea, au milieu du chœur de l'église, un riche et somptueux sépulcre de marbre noir, sur la table duquel est couchée l'effigie de ce prince, en albâtre. Il est représenté armé de pied en cap, avec: une cote de mailles qui lui descend jusqu'aux genoux, et son écu armoriai, suspendu par une courroie ou baudrier, attaché sur^sa cuisse gcm-che. Ses armes sont d'azur échiqueté d'or, à la bordure de gueules, à un quartier de Bretagne : ce sont les armes que portaient les ducs depuis Pierre de Dreux. A l'en tour, et sur le bord de la table de ce tombeau, on lit, en grosses lettres, l'épitaphe suivante : Cy-gist Jean, jadis duc de Bretagne, qui trépassa à Lyon, sur Rhône, le jeudi dans l'octave de Saint Martin d'hiver, l'an 1305 (vieux style). Priez Dieu pour l'âme de lui. L'an 1309, le duc Artur II, successeur de Jean II, convoqua les Etats
à Ploërœel. Ce fut la première fois que le Tiers-État fut appelé à
cette assemblée nationale, qui d'abord ne fut composée que de la
noblesse. Les évêques et abbés y furent appelés à mesure que les évéchés
furent érigés et les abbayes fondées. Les ducs ne pouvaient faire
aucune levée sur leurs sujets sans le consentement des Etats généraux,
et il leur fallait même le consentement des seigneurs particuliers pour
mettre des impositions sur leurs vassaux. Tous les impôts qui se levaient
en Bretagne étaient regardés comme deniers d'octroi, et chaque duc, à
son avènement à la couronne, jurait de maintenir les Etats dans le duché. Le duc Artur II mourut le 30 avril 1312; son cœur fut déposé dans le tombeau de son père, aux carmes de Ploërmel. L'an 1332, Jean Parisi, évêque de Vannes, augmenta la portion du vicaire perpétuel de Ploërmel de six tonneaux de froment et de deux tonneaux de seigle. Le duc Jean III mourut à Caen le 30 avril 1341; son corps fut porté aux carmes de Ploërmel, où Jean, comte de Montfort, lui fit ériger un magnifique tombeau de marbre, artistement travaillé, avec son effigie d'albâtre, qui le représente avec des cheveux longs, la tête ceinte d'une couronne enrichie de pierreries, le corps armé d'une chemise de mailles habilement faite, et qui paraît sous sa cote d'armes semée d'hermines, avec son écu armorial suspendu à une courroie, son épée, son poignard, et un lion à ses pieds. Ce tombeau est admiré des connaisseurs. On lit autour l'épitaphe suivante : Cy-gist Jeau III du nom, duc de Bretagne, vicomte de Limoges, qui trépassa à Caen, en Normandie, le dernier jour d'avril, l'an mil trois cent quarante-un. Priez Dieu pour lui. Auprès est le tombeau du duc Jean II, aïeul de Jean III. On lit sur ces deux tombeaux quelques vers en style du temps : 1° Pour Jean II Passant, tu vois ici les tombeaux magnifiques 2° Pour le duc Jean III L'autre, de qui tu vois l'effigie marberine, On voyait jadis une enceinte formée par un treillis de fer artistement uni et étroitement entrelacé, pour garantir et conserver ces glorieuses dépouilles (1). --------------- --------------- L'an 1346, on donna le gouvernement de Ploërmel à ce Brembro, qui, par ses violences et ses cruautés, révolta la noblesse de Bretagne. Beaumanoir l'appela en duel, et cette contestation causa la bataille des Trente, dans laquelle Brembro fut tué, le 27 mars 1351. Ce combat si fameux se donna entre Josselin et Ploërmel, dans le territoire de la Croix-Helléan. (Voy. la Croix-Helléan.). En ce temps, l'image de sainte Armel était sur la petite porte de ville de Ploërmel. L'an 1386, Jean Barré, homme de très-grande réputation et plein de mérite, était prieur des carmes de Ploërmel. L'an 1412, les administrateurs de l'hôpital de Ploërmel ne voulurent pas souffrir que les chapelains de cet hôpital levassent les dîmes qui lui étaient dues sur le fief de Beaumont. Les chapelains alléguaient pour prétexte qu'ils avaient joui de ce privilège du vivant des sieur et dame de Beaumont. Les carmes intervinrent, et firent cesser la dispute. Ils prouvèrent que la portion de dîmes que Guillaume de Beaumont avait donnée à l'hôpital n'était que pour un temps limité, et que, ce temps étant expiré, ni les administrateurs, ni les chapelains, ne pouvaient plus rien prétendre; ainsi, les carmes demeurèrent possesseurs de toutes les dîmes. Maisons nobles qui existaient, en 1430, dans le territoire de Ploërmel : la Garoulaye, à Jean du Guini; Morfouasse, à Jean Picaud; Saint-Malo, à Jean de Keradreux; la Rouë- Housse, à Guillaume Perotin; la Motte, le Gourher, le Clos, le Clos-Havart, Malleville, la Ville-Jarno, Bouenac, la Ville-Bouquaye, la Gaudinaye, Quehéon, le Bois-Hellio, et la Ville-Court (1). L'an 1441, Yolande, comtesse de Montfort, fille de René, roi de Naples et de Sicile, et d'Isabeau de Lorraine, son épouse, voulant participer à jamais aux prières de l'ordre des carmes, et surtout des religieux de Ploërmel, fonda une messe de Requiem chantée, qui doit être célébrée à perpétuité, entre prime et la grand'messe conventuelle, au grand autel. Les moines sont tenus d'avertir le peuple que la messe va commencer, par le son de la grosse cloche de leur église, qui sonne douze gobets, entre chacun desquels on doit mettre un intervalle suffisant, c'est-à-dire environ le temps nécessaire pour réciter l'Ave, Maria, après quoi on doit faire la sonnerie en grande volée, et célébrer la messe. L'an 1487, le roi Charles VIII assiégea Ploërmel, qu'il prit et fit piller par ses soldats. L'an 1488, le duc François II fit démolir les fortifications de Ploërmel, pour ne pas affaiblir le nombre de ses troupes par des garnisons superflues, et donna, à perpétuité, aux carmes, le droit de... --------------- --------------- ... mouture franche au moulin au Duc, par acte du 17 avril 1488.* L'an 1498, le clergé de Bretagne s'assemble à Ploërmel, à la réquisition du pape, qui demande de l'argent pour faire la guerre aux Turcs. Les évêques de Rennes, de Quimper et de Saint-Brieuc, se trouvent en personne à cette assemblée; les autres évêques n'y assistent que par députés. Ceux de Nantes et de Vannes ont une dispute sérieuse pour la quantité d'argent qu'on devait envoyer à Rome. On convient enfin de donner 25,000 liv. au pontife : c'était Alexandre VI. Le roi Henri II érigea un siège présidial à Ploërmel, en 1551, avec les mêmes pouvoirs, gages, appointements, nombre d'officiers, que ceux érigés à Nantes, Rennes, Vannes et Quimper. Ce présidial fut supprimé en 1552, et uni à celui de Vannes. Par lettres-patentes du mois de février 1555, le roi transporta de Vannes à Ploërmel le siège principal du grand-maître des eaux et forêts. Ces dispositions ont été changées depuis : le grand maître demeure aujourd'hui à Hennebon. L'an 1564, le roi Charles IX, visitant ses Etats, vint en Bretagne avec Catherine de Médicis, sa mère, et Marguerite de France, sa sœur, depuis reine de Navarre et épouse du roi Henri-le-Grand. Ce monarque logea au couvent des carmes, auxquels il fit un présent considérable; mais nous ignorons ce que c'est. Le 15 octobre 1580, les Etats assemblés à Ploërmel réformèrent la Coutume de Bretagne : c'est celle qu'on suit aujourd'hui. L'an l587, les Etats extraordinaires s'assemblent à Ploërmel. Le monastère des carmes, qui faisait tout l'ornement et la gloire de Ploërmel, fut détruit pendant les guerres de la Ligue. La ville, qui était faible de murailles et incapable de résistance se maintint au service du roi, du mieux qu'elle put, sans le secours d'aucunes troupes, jusqu'à ce que le sieur de Trévégar y entra, avec quelques soldats, pour la conserver plus sûrement au roi. Le lendemain de l'arrivée de ce capitaine, Saint-Laurent et la Chenaye-Vaubonnet, partisans du duc de Mercœur, se présentèrent avec cinq ou six cents hommes de guerre devant le portes de cette ville; la garnison était trop faible pour résister, et demanda sur-le-champ à capituler. L'ennemi entra dans la ville, se saisit des effets les plus précieux des habitants, et en sortit chargé de butin. Saint-Laurent se rendit à Josselin, qu'il traita comme Ploërmel. Quelque temps après, le baron du Pont, premier mestre-de-camp de l'armée du roi en Bretagne, entra en cette ville, et y mit une garnison sous le commandement du capitaine la Fontaine, qui avait pour lieutenant François James, sieur de Ville-Caure ou Ville-Carre. La Fontaine mourut, et Ville Caure lui succéda, sous l'autorité du baron du Pont. Mais ce dernier, ayant été blessé d'un coup d'arquebuse, au camp devant Ancenis, se fit transporter à Rennes, où il mourut le 17 mars 1590. Après la mort de ce baron, le gouvernement de Ploërmel fut donné par le roi à N.... de Guemadeuc, sous l'autorité duquel le sieur de Ville-Caure continua d'exercer la charge de capitaine, ayant pour lieutenaat le sieur de Cahideuc. Ville-Caure, qui avait juré la ruine lu couvent des carmes, chercha les moyens de satisfaire sa passion : il fit approuver ses coupables desseins à Cahideuc, qui s'en rendit l'exécuteur, et à Pierre Roger, sieur de la Perouse, calviniste, et seigneur du Crévei par son mariage avec Robert de Quelenneuc, fille de Guillaume de Quelenneuc, sieur de la Ville-Jubault, qui avait acheté la terre du Crévei. Ce Roger désirait plus que personne la ruine de ce couvent, d'autant plus que son intérêt l'engageait à détruire cette maison. Il était obligé de payer, par chaque année, quarante mines de blé de rente, qui avaient été léguées aux religieux, en 1337, par Jean de Derval, seigneur du Crévei. Ces trois officiers, abusant de l'autorité qu'ils avaient à Ploërmel, firent mettre le feu à l'un des dortoirs de ce monastère, situé du côté de la ville. Ils espéraient que, dans le tumulte occasioné par l'incendie, il leur serait facile d'enlever les titres des moines, si toutefois ils pouvaient échapper aux flammes. Cette première entreprise ne réussit pas : les habitants, qui aperçurent le feu au bout du dortoir, accoururent promptement au secours et éteignirent l'incendie. Le mauvais succès de cette entreprise ne les rebuta point : quelques jours après ils envoyèrent une partie de la garnison, composée d'Anglais et de calvinistes, mettre pour la seconde fois le feu à ce dortoir, et achever de consumer ce qui était resté du premier incendie. Les soldats exécutèrent les ordres de leur général, et déjà le feu menaçait l'église et le corps du logis de la grande salle, lorsque le peuple vint au secours et sauva ces deux édifices. Ce fut alors que Cahideuc montra tout son acharnement contre les carmes. Un des soldats de sa garnison, qui était catholique, et qui, en cette qualité, ne voulait pas se prêter à allumer l'incendie, fut tué sur-le-champ par ce cruel capitaine. Quelques personnes d'autorité, qui se trouvaient pour lors à Ploërmel, empêchèrent pourtant qu'on ne détruisît totalement le couvent. Mais comme ce n'était pour ainsi dire que des calvinistes, la haine qu'ils avaient pour les églises, les prêtres et les religieux, les porta à avancer leur perte, dans l'espérance de profiter de leurs dépouilles. Ils ne volurent pourtant pas agir ouvertement; ils se contentèrent de poursuivre l'exécution de leurs mauvais desseins par des voies secrètes. Ces moyens, qui faisaient traîner l'affaire en longueur, furent encore abandonnés. Ils eurent recours à l'autorité légitime, et cachèrent leurs noirs projets sous le prétexte spécieux du bien public. Ils présentèrent au prince de Dombes une requête, dans laquelle ils s'efforçaient de prouver que, pour mettre la ville de Ploërmel en état de résister au seigneur de..., qui avait formé le dessein de la soumettre au duc de Mercœur, il était nécessaire de la faire fortifier, et surtout de faire démolir le couvent des carmes, qui, se trouvant près des murs et hors de la ville, était très-mal situé pour la conservation de la place. Les religieux, informés de ce qui se passait, résolurent de prévenir, s'il était possible, l'orage qui les menaçait. Ils députèrent au prince Julien Pléard, leur prieur, qui lui représenta qu'il était faux que le couvent, dans la position où il était, pût porter préjudice à la ville, puisque le pignon de leur église, qui était l'endroit le plus élevé du monastère, était encore trop bas pour nuire en aucune façon; qu'il dominait seulement la basse-ville, qui avait été bâtie depuis peu, mais que cette raison ne pouvait engager à le détruire, puisque le prince de Dombes avait donné lui-même des ordres pour la démolition de cette nouvelle ville, qui était située hors des murs de Ploërmel, et dont la position était favorable aux ennemis pour s'emparer de la ville fortifiée. Comme les requêtes du sieur de Guemadeuc et des religieux se contredisaient, le prince ordonna que les juges de Ploërmel et leurs officiers aviseraient avec les capitaines à ce qu'il y aurait à faire pour la défense de la ville, et que, s'il était expédient de démolir le couvent, on dressât procès-verbal de son état actuel, pour que le roi pût le faire rebâtir à ses frais à la fin de la guerre, et donna des ordres pour conserver et mettre en lieu de sûreté les matériaux et merrains qui en sortiraient. Celle ordonnance fut rendue à Rennes, le 24 janvier, signée Brasset. Cette requête entérinée et l'ordonnance du prince de Dombes étaient trop favorables aux desseins des capitaines pour que les carmes pussent espérer de conserver leur communauté. En conséquence, ils n'attendirent pas que leurs ennemis envoyassent des ouvriers pour travailler à la démolition. Aussitôt que leur prieur fut revenu de Rennes, ils firent descendre la grande vitre du grand-autel, qui était située à l'orient, et firent mettre les panneaux dans leur chapitre, et ôter et abattre ce qui paraissait plus préjudiciable à la ville; mais comme les juges et le procureur du roi de Ploërmel s'étaient retirés à Rennes, le procès-verbal ne fut point dressé dans le temps ordonné par le prince de Dombes : il fut fait à la hâte, au mois de juin 1592, parce que les capitaines pressaient la démolition générale de l'église et du couvent, dans la crainte que le duc de Mercœur, qui venait de faite lever le siège de Craon en Anjou, et de battre l'année des princes de Dombes et de Conti, au mois de mai dernier, vînt attaquer Ploërmel. En conséquence, le gouverneur envoya pour faire la démolition de l'église (le couvent avait été détruit ci-devant) trois cents Anglais, qui ôtèrent la charpente de l'église, et en abattirent ensuite le pignon et les autres murs, de manière qu'en peu de jours tout fut démoli. Les autels, qui étaient au nombre de dix-sept, furent détruits et mis au pillage par ces étrangers, qui, non contents d'avoir démoli l'église, cassèrent et brisèrent les vitrages, tant des deux pignons que des chapelles particulières, et les tuyaux de l'orgue, pour en tirer le plomb, qu'ils employèrent à faire des balles pour leurs mousquets; ils entrèrent même, pendant la nuit, dans l'endroit où avait été mise la charpente, tant de l'église que du bâtiment, et y mirent le feu, de sorte que tout fut réduit en cendres. Heureusement que les images des saints et les chaires du chœur avaient été transportées à Saint-Armel, avec les ornements et les vases sacrés. Le dommage le plus considérable fut la ruine de deux riches tombeaux en marbre, des ducs Jean II et Jean III, qui furent ruinés par les Anglais, qui, en descendant la charpente de l'église, prenaient plaisir à jeter dessus les plus grosses pièces de bois et les plus grosses pierres, lors de la démolition des murs : on en transporta les morceaux dans l'église du prieuré de Saint-Nicolas, ordre de Saint-Benoît, situé hors de la ville. Le gouverneur et les autres officiers des troupes firent couper, par leurs soldats, tous les arbres fruitiers des jardins et vergers des pères carmes, pour en faire du bois de chauffage pour l'hiver. le 8 février 1592 (1), la garnison de Ploërmel, renforcée de plusieurs habitants, fit une sortie et attaqua un corps de troupes espagnoles, qu'elle battit, et auquel elle enleva un grand nombre de prisonniers et un butin considérable. Le duc de Mercœur se ressentit beaucoup de cette perte. Sur la supplique des carmes, la communauté de ville s'assembla le dimanche 18 octobre 1592, et résolut de présenter une requête au roi, pour le supplier d'assigner un logement commode à ces religieux. Sur cette réponse, le prieur se rendit à Rennes, et présenta une requête au prince de Dombes, qui avait pris le nom de duc de Montpensier depuis la mort de son père. Ce prince expédia la requête, et ordonna aux habitants et capitaines de Ploërmel de préparer un logement aux moines dans les prieurés de Saint-Nicolas ou de Taulpon. Le prieur, à son retour, signifie cette ordonnance aux capitaines et à la communauté de ville. Il fut décidé de leur donner celui de Saint-Nicolas, parce qu'il ne parut pas décent de les envoyer à celui de Taulpon, qui était hors des murs de la ville. En conséquence, les capitaines des troupes et les habitants les conduisirent et les accompagnèrent jusqu'au prieuré de Saint-Nicolas, où ils entrèrent le 22 novembre, environ cinq mois après la démolition de leur monastère. — Les corps des ducs Jean II et Jean III... --------- --------- ... étaient restés dans leurs tombeaux, quoiqu'ils eussent été brisés et détruits, comme on l'a rapporté ci-dessus. Les carmes, qui avaient eu avis que quelques soldats avaient commencé à creuser pour parvenir à ouvrir leurs châsses, dans lesquelles ils s'imaginaient trouver quelques joyaux d'un grand prix, présentèrent une requête aux juges de la ville, pour les supplier de s'opposer à l'insolence des soldats, et obtenir la permission de faire tirer les corps de ces deux princes hors du lieu où ils reposaient, et de les transporter solennellement et processionnellement au prieuré de Saint-Nicolas : ce qui leur fut accordé. Ce transport se fit le 21 juin 1593, avec beaucoup de solennité. Le duc de Mercœur, qui voulait, à quelque prix que ce fut, s'emparer de Ploërmel, donna ordre à quelques-uns de ses capitaines de s'y rendre le jour du Vendredi-Saint, et de tâcher de la surprendre pendant l'office. Il en serait venu à bout, si Jean Perret, qui s'était par hasard absenté du sermon pour des affaires particulières, n'eût aperçu par sa fenêtre, qui donnait sur le jeu de paume, six hommes habillés en paysans, qui s'avançaient sur le pont et qui attaquaient les soldats de la garde. Cette scène fixa heureusement son attention : il regarda et aperçut plusieurs autres personnes cachées dans le jeu de paume et sous le pont. Il cria aussitôt aux armes, descendit promptement de sa chambre, et se posta auprès de sa maison, qui joignait la porte de ville, pour s'opposer à l'ennemi. Pierre d'Esquier et Pierre Perret, sieur des Crolais, sénéchal de Ploërmel, se mirent promptement à la tête du peuple, et repoussèrent, à l'aide de la garnison, l'ennemi, qui perdit en cette occasion environ deux cent cinquante hommes tués, blessés ou prisonniers. En mémoire de cette victoire, on fit dès le jour une procession, qui depuis ce temps a toujours été faite. Ce fait est prouvé par la lettre du capitaine Ville-Caure au maréchal d'Aumont, datée de Ploërmel, le 21 avril, jour du Vendredi-Saint de l'an 1594. Le 8 juillet 1600, le provincial des carmes, étant arrivé à Ploërmel pour y faire la visite du couvent de son ordre, conféra, pendant son séjour dans cette ville, avec les habitants, pour la reconstruction du monastère. Il trouva tout le monde disposé à y contribuer; mais on était en doute du lieu où on devait le bâtir. Après bien des discussions, il fut arrêté qu'on le placerait dans le même endroit, et sur les anciens fondements du premier, qui étaient restés dans leur entier. Il ne restait plus qu'à chercher de l'argent pour une entreprise aussi considérable. La Providence y pourvut. Les Etats, assemblés à Rennes au mois de décembre 1597, avaient taxé les ecclésiastiques, les gentilshommes, officiers de justice, bourgeois et habitants de Ploërmel, à la somme de 4,000 écus, pour leur part de celle de 200,000 écus, qui devait être levée dans la province pour fournir aux dépenses que le roi ferait avec son armée en Bretagne. Comme le roi ne fit pas un long séjour dans cette province, cette somme de 4,000 écus ne fut pas employée; de sorte que les habitants de Ploërmel prirent la résolution de ne point la rendre aux particuliers, et de la faire servir à la construction du couvent. Le 15 janvier 1601, le provincial de l'ordre des carmes passa l'acte de ce consentement avec les habitants de Ploërmel; mais comme la plupart des gentilshommes qui avaient contribué à cette répartition ne se trouvèrent point pour lors à la ville, le corps de ville fut chargé de leur faire agréer la destination de cette somme; ce qu'ils firent généreusement. Il fut encore décidé que les personnes qui avaient droit d'enfeu et de chapelle dans l'église de ce couvent seraient appelées pour se voir condamner à les faire rebâtir, à leurs frais, comme elles étaient auparavant, faute de quoi elles perdraient leurs droits et privilèges, et qu'il serait permis aux carmes de les donner et transporter à d'autres qui voudraient les faire rebâtir. Les Etats de la province avaient accordé 200 écus pour contribuer aux frais de cet édifice La noblesse du pays et les habitants de la ville ne donnèrent la somme ci-dessus aux carmes qu'à condition qu'ils diraient tous les ans, au 21 avril, une messe pour la prospérité des bienfaiteurs et la conservation de la ville : ce qui s'exécute fidèlement. Lorsque ce nouveau monastère fut achevé, les religieux quittèrent, en 1620, le prieuré de Saint-Nicolas, et allèrent prendre possession de leur maison, où ils firent transporter leurs meubles. Ils exhumèrent, pour la seconde fois, les corps et ossements des ducs Jean II, Jean III et autres, et les placèrent dans le chœur de leur église, dont la dédicace se fit, le 24 avril 1622, par l'évêque de Saint-Malo. — En 1646, les tombeaux des ducs Jean II et Jean III furent transportés au haut du grand autel, du côté de l'Evangile, où on voit un écusson aux armes de Bretagne. — Mathurine Berthelot, religieuse du tiers-ordre des carmes, née à Ploërmel d'une honnête famille, mourut, en odeur de sainteté, le 6 décembre 1669, âgée de trente-trois ans, et fut inhumée devant l'autel de Notre-Dame, dans l'église des carmes du Bon-Don, près Vannes. — 1676. Les Ursulines de Ploërmel font enfermer leur enclos de murs. Dans cet enclos se trouvait une maison qui appartenait à Jean le Petit, qui l'avait donnée à ces religieuses, à leur arrivée à Ploërmel. — Au commencement du mois de décembre 1690, le roi d'Angleterre, Jacques II, partit de Saint-Germain, pour venir en Bretagne faire la revue de ses troupes, nouvellement venues d'Irlande. Ce prince arriva à Ploërmel la veille de Noël, vers les six heures et demie du soir. N..... du Chênevert, maire de Ploërmel, pria les carmes de le loger; mais ces religieux, craignant l'embarras, refusèrent de recevoir ce monarque chez eux; de sorte que François Perret, sieur de Lezonnet, sénéchal de la ville, fut obligé de le loger vers le minuit. Il était accompagné du duc de Berwick, son fils naturel; du seigneur de Molac, gouverneur de Nantes; du capitaine de ses gardes, et d'un jésuite, son confesseur, qui allèrent entendre la messe de minuit chez les pères carmes. Le lendemain de Noël, Jacques partit pour Saint-Brieuc, Saint-Malo et Dinan, où le reste de ses troupes avait pris des quiartiers d'hiver. — Le 23 mai 1693, la noblesse du Perche arriva à Ploërmel pour y séjourner. Celle d'Anjou, de la Touraine et du Maine, fut envoyée à Vannes, Saint-Brieuc et autres villes, pour la garde des côtes de Bretagne,| où l'ennemi menaçait de faire une descente. — Le siège royal de Ploërmel, haute-justice, à M. le duc de Penthièvre; Bois-Helio, haute-justice, aux carmes de Josselin; la Gaudinaye, haute-justice, à M. de Coëtlogon; Gourher et annexes, haute-justice, à M. de Bavalan; le Crevi, haute-justice, à M. de Brilliac; Lezonnet, jurisdiction qui appartient à M. le président de Cornullier, et s'exerce dans la salle du Palais, à Ploërmel; la jurisdiction de Malleville, à M. de Carcado; Morgand, à M. de Lambily; Quehéon, à M. Picaud de Quehéon. Saint-Jean-de-Villenart est une commanderie de l'ordre de Malte. ****** |