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Kerilien / Vorganium

 

 

Extrait de la carte routière Michelin, 1/200000; n° 58.

Le plateau de Kerillien a été marqué en rouge par JC Even

au nord de Plounéventer, et à l'est-sud-est de Lesneven.

La route départementale 32, en jaune, suit le tracé de la voie romaine de Landivisiau à l'Aber Wrac'h

Propos de Miorcec de Kerdanet (1752-1836), repris par Pitre-Chevalier, dans La Bretagne ancienne et moderne (voir infra), page 64, note 1 :

""... dans le seul intervalle de cette route, du Folgoat à Plouguerneau, nous avons découvert  1°, sur les bords de l'étang de Penmarc'h, de grandes briques de la nature de celles que Vitruve appelle Pentadorum, d'un pied six lignes de longueur, sur huit pouces six lignes de largeur; elles sont à crochets et à rigoles; 2° d'autres briques plus petites dans une pièce de terre au-dessus du même étang, vaste enceinte qui parait avoir été le siège de quelque établissement; 3° deux colonnes milliaires, l'une près du Grouanec, d'environ dix pieds de hauteur, et l'autre vis-à-vis du village de Kersoao en Kernilis, toutes deux sur le revers droit de la route. La dernière, qui a cinq pieds seize lignes de hauteur, sur sept pieds six pouces quatre lignes de circonférence à sa base, porte une inscription dont nous n'avons pu déchiffrer que ces mots : CLAUDI USI FILII ARA, c'est-à-dire, autel de Claudius, fils de Drusus. Or ce Claudius est l'empereur Claude lui même, auquel après sa grande victoire dans l'Ille de Bretagne, l'an 47 de J-C, les simples laboureurs érigèrent partout des autels, ainsi que l'apprend Sénèque et certains poètes du même temps cités par Pierre Berthaud, p. 200, 395 et 396 de son livre DE ARA : "Occamis que taces ultra se respicit aras, - Qui finis mundo est non erit imperio". 

Jacques Cambry : Voyage dans le Finistère. Ière édition : An VII de la République; 2è édition : 1813, revue et corrigée par Émile Souvestre; Réédition Coop-Breizh. Spézet. 1993. 

page 42; note de renvoi n° 2, du Chevalier de Fréminville, sous l'article consacré à Saint-Pol-de-Léon (graphie conforme à l'original) : 

" ... Rien ne prouve non plus que l'Occismor des légendaires soit la ville actuelle de St-Pol-de-Léon. Les positions géographiques assignées aux différentes cités Gauloises sont en général si incertaines et si vagues dans les historiens romains, que le modernes érudits ne peuvent, à leur égard, s'accorder entr'eux. Les uns ont voulu qu'Occismor fut à Brest, d'autres l'ont mise à Quimper, le plus grand nombre enfin à St-Pol-de-Léon, où l'on n'a jamais trouvé le plus petit débri antique, antérieur au sixième siècle.

Il y a beaucoup plus de raisons de croire que l'ancienne Occismor, la cité principale des Ossismiens, existait sur un plateau qu'environnent les villages de Kerilien, Coatalec et Kergroas, entre Ploudaniel et Plounéventer. C'est en effet en ce lieu de M. Miorcec de Kerdanet, homme savant et érudit, a découvert de nombreux vestiges d'une très grande cité gauloise qui paraîtrait avoir été saccagée probablement au 3è ou au 4è siècle, lors des irruption désastreuses que firent alors sur les cotes du Léonais les frisons et les danois. Ces vestiges consistent principalement en de nombreux restes de murs et de fontaines en briques plates et à rebord de différentes formes et dimensions, en fragments de vases de terre, de verre et d'airain, urnes cinéraires Gauloises encore remplies, et quelques médailles.

Lorsqu'il s'agit de porter la lumière parmi les ténèbres qui voilent des origines historiques, vagues et éloignées, l'investigateur judicieux doit saisir tout ce qu'il peut y être relatif, ne négliger aucune des traditions qui y ont rapport, quelqu'altérées qu'elles soient, quelque bizarres, quelque ridicules même qu'elles paraissent au premier aperçu. Nous croyons donc utile de rapporter ici celle qui existe sur les lieux, relativement à la ville antique découverte par M. de Kerdanet; nous la donnons tout simplement telle que nous l'avons recueillie dans la bouche des paysans : nous ne prétendons en rien conclure et nous laisserons le lecteur libre d'en tirer telle conclusion qu'il lui plaira. 

Une très-grande ville, disent-ils, existait en effet jadis en ce lieu. elle était gouvernée par une reine qu'ils nomment thérèse. Les Romains vinrent l'y assiéger et pressèrent la ville par un long et rigoureux blocus. La reine Thérèse, véritable amazone, résolut pour s'en délivrer, de tenter, à la tente de tous les habitans, le hasard d'une sortie générale. Après une action sanglante sous les murs de cette capitale, l'armée bretonne fur vaincue, mise en fuite, la ville prise et saccagée de fond en combles par des vainqueurs impitoyables. La reine ayant échappé au carnage, réussit à rallier ses sujets et à rassembler à Châteaulin, où elle s'était réfugiée, une armée encore considérable. Les Romains vinrent l'y attaquer, et là, dans une seconde bataille livrée sur les rives de l'Aoun, la malheureuse fut tuée et son armée entièrement défaite.

Telle est la tradition locale qu'ion ne doit sans doute pas prendre au pied de la lettre, mais où il existe très vraisemblablement, comme dans toutes les traditions populaires, quelque fond de vérité. 

Le lecteur au reste pourra consulter, relativement à l'histoire de la ville de St-Pol-de-Léon, ce que nous en avons dit dans le Ier vol. de nos Antiquités du Finistère, p. 14 et suivantes".

Pitre-Chevalier : La Bretagne ancienne et moderne.  Editions Coquebert. Paris. 1844.

Réédition du Choletais. Pierre Rabjeau éditeur.1989. 

Sur cet extrait de carte, l'auteur place Occismor à Kerilien et Vorganium à Morlaix War an tamm gartenn-se, an aozer a lak Occismor e plas Kerilien, ha Vorganium e plas Montroulez.

René Kerviler : Armorique et Bretagne. Honoré Champion. Paris. 1892

Édition originale. Propriété de J.C Even 

Sur cet extrait de carte, l'auteur place Vorganium à Plouguerneau ou Lillia (point rouge)

Le point bleu représente la localisation admise depuis par les chercheurs de Bretagne

War an tamm gartenn-se, an aozer a lak Vorganium e plas Plougernev pe Lilia (pik ruz).

Ar pik glas a ziskouez al lec'h hag a zo bet digemeret abaoe gant an enklaskerien Breizh. 

Albert Grenier : Les Gaulois. Petite Bibliothèque Payot. 1970. réédition 1994. Fig. 28

(fond bleu pour la mer ajouté par JC Even afin d'améliorer le contraste et la lecture)

Sur cet extrait de carte, l'auteur place Vorganium (point rouge) près de Plouguerneau. War an tamm gartenn-se, an aozer a lak Vorganium, pik ruz, e kichenn Plougernev.

Louis Pape : La civitas des Osismes à l'époque gallo-romaine. Librairie C. Klincksieck. Paris. 1978.

Page A-149. Article 29.204 : Plounéventer

- Croix du bourg sur la route de Landivisiau : tuiles (3,5)

- Locmélar : tuiles au N.E de la chapelle (3,5)

- Plateau de Kérilien : important ensemble archéologique qui a fait l'objet de publications nombreuses au XIXè siècle et de fouilles depuis 1962.

A) Observations anciennes : 

La découverte de vestiges romains au début du XIXè siècle, sur un vaste plateau entourant les villages de Kérilien, Coatalec, Kergroas, cours, Kerporziou, Constançou, Pen-ar-Roz, fit placer là, par certains auteurs, la ville d'Ocismor - ou Occismor - que tous les érudits bretons localisaient au gré de leur inspiration. Les deux textes essentiels sur ces observations sont l'œuvre de Miorcec de Kerdanet (1) et de Prosper Mérimée (2); le premier document a été repris très souvent par les auteurs du XIXè siècle, le deuxième est resté presque inutilisé par les auteurs bretons.

Kerdanet avait remarqué l'existence d'une voie romaine jalonnée de milliaires traversant ce plateau; en explorant les champs voisins lors des défrichements du début du XIXè siècle, il fut frappé par "les amas de décombres ... et l'immense quantité de briques et de vases brisés", puis par des restes d'édifices dont l'ancienne distribution était encore indiquée par le gazon qui couvre leurs ruines; "ici, c'était la trace d'une maison élégante avec son petit jardin; là, s'offraient à ma vue les vestiges d'un hôtel avec son corps de logis et ses ailes latérales". Kerdanet crut ensuite identifier "l'emplacement du Temple et de la Cité, près de la fontaine d'Icol; plus haut l'ancien Forum; à quelques pas de là, la place des Constances ..."

En interrogeant les habitants, Kerdanet apprit que "l'on trouvait fréquemment dans les terres de Coatalec et de Kérilien, surtout dans les champs de Brezale et de Bodone, des fragments de vases en bronze, couverts de figures ou de caractères, des médailles en or, en argent, en cuivre, des haches de licteurs, des épées, des patères, des bagues, des chaînes, des bracelets, etc."On avait aussi découvert une coupe en or, et une statue en or qui devait représenter Hercule armé de sa massue et couvert de la dépouille du lion de Némée; selon les paysans, "les pavés qui traversent les deux villages et dont une partie se perd sous les champs cultivés, formaient autant de rues, dont l'une s'appelle encore rue des Constances".

Quelques années après, en 1836, P. Mérimée eut l'occasion de visiter les lieux, il confirme l'existence de la voie romaine qui se prolongeait "presque dans la direction de Lesneven, interrompue quelquefois par des champs cultivés, elle reparaît bientôt avec les mêmes dimensions, le même appareil; la pavé est formé de petits cubes, en général de quatre à six pouces de diamètre " ... "Sur le bord de l voie antique et tout près de la ferme, nous reconnûmes à fleur de terre les substructions parfaitement caractéristiques de plusieurs salles ou même de plusieurs maisons". Mérimée vit une espèce de puits, presque comblé, mais dont une portion d'appareil visible dénotait l'origine antique; on en avait retiré plusieurs vases de verre et des morceaux de poteries, c'était donc une sépulture. Près de ce puits, la terre était parsemée de fragments de briques et de porterie rouge. "Nous ramassâmes même plusieurs morceaux de verre, remarquables par leur épaisseur, leur couleur bleuâtre, leur surface irisée et écaillée ...". Mérimée, après cette rapide visite, conclut que c'était une "mansion" ou tout au plus un village. Kerdanet avait montré à Mérimée ses premières collections : "des débris de poteries rouges, couvertes d'ornements en relief, des morceaux de verre et même des urnes complètes de cette matière; d'autres poteries grossières, quelques instruments de bronze; enfin, plusieurs médailles, la plupart du Bas-Empire". 

Or, nous avons quelques descriptions succinctes des collections de Kerdanet, résultat de quelques fouilles et découvertes des paysans : Le Men (3) parle de plus de 600 tessons de poterie sigillée, Abgrall (6) de vases samiens ornés, de bijoux et ornements en métal dont une clef en bronze et 4 bracelets gravés au burin. Du Chatellier (5) des memes poteries, des fioles en verre, de bijoux. Par recoupement entre les divers auteurs, nous pouvons aussi établir une liste des principales découvertes monétaires : AUGUSTE, TIBERE, NERON en or, GALBA, VITELLIUS en or, VESPASIEN, TITUS, DOMITIEN en or et en argent, TRAJAN, HADRIEN, en or, ANOTONIN, LUCIUS VERUS en or, MARC-AURELE, ALEXANDRE SEVERE, GORDIEN, GALLIEN, CLAUDE II, MAXIME et VICTOR en or, HONORIUS en or (1,2,3,4;5).  

Au cours du XIXè siècle, d'autres observations furent faites, on signale le découverte d'un fut de colonne cannelé, d'une statuette en bronze, d'autres poteries (3); vers 1882, une commission visita le plateau de Kerilien et Lukis (4) en laissa en compte-rendu où nous relevons la présence, partout, de briques, de poteries, dont la sigillée "à sujets noirs sir fond rouge", des monnaies ...;  "ce tous cotés, on apercevait des traces de fondations accusant diverses rues de la ville, parallèles et dirigées du S. au N."; d'après de Coatalec "un fermier reconnut un effondrement dans un de ses champs, et il descendit dans un trou profond de 7 à 8 m et il trouva de nombreux ossements, des monnaies romaines dont une d'or et beaucoup de poteries brisées"; "le  champs cultivés sont tous entourés de ces rues dont nous avons parlé et renferment tous des fondations entre lesquelles se trouvaient des chambres".

En 1907, Abgrall visite les lieux et insiste sur l'abondance des vestiges dans 10 ou 12 champs entre Kérilien et Coatalec (6), puis note, en 1916, la présence près de Kérilien, d'une pierre quadrangulaire à pans coupés qu'il date de la période gallo-romaine (7); en 1925, on découvrit quelques monnaies à Kérilien dont 2 CRISPINA (8).

De toutes ces indications, il ressort que les auteurs du XIXè siècle avaient pressenti l'importance du site de Kérilien; Kerdanet y voyait une grande ville, Mérimée tout au plus un village; de très nombreuses destructions et fouilles "sauvages" détruisirent une bonne partie des vestiges au XIXè siècle, et nous n'avons aucun compte rendu de ces travaux; on peut même se demander si tous les objets de la collection de Kerdanet sont originaires de Kérilien, certaines confusions ont pu s'opérer entre les provenances, Kerdanet ayant recueilli beaucoup d'antiquités sur le site de Keradennec en Saint-Frégant (cf. 29-248). 

B) Travaux récents : 

Depuis 1955, les travaux ont repris sur le site de Kérilien et de nombreuses études sont en cours sur la poterie, les monnaies, les objets trouvés dans les collections privées. Il est impossible de faire un bilan définitif en ce moment, mais on peut dégager quelques indications générales et mettre en relief les premiers résultats. Cf. Pl. 28 et 29. 

- En 1956-1957, plusieurs enquêtes permirent de procéder à un repérage des vestiges sur le terrain, ce qui s'imposait par suite des destructions massives opérées par les cultivateurs désireux de niveler et d'agrandie leurs champs; elles permirent de constater la présence de tuiles et autres témoins sur 40 parcelles cadastrales représentant 30 ha, de voir un mur de petit appareil (en A-326), d'étudier (A-139)  une portion de bâtiment avec angle maçonné, des plaques d'enduit peint à fond crème et motifs de couleur ocre foncé, de récupérer une partie de la poterie trouvée lors de la démolition d'une butte de 50 de long (en A-274 bis); cette céramique était constituée de tessons à pâte grise et couverte grise ou noire peu lustrée, ornée de motifs simples, lignes verticales droites, obliques ou croisées, et aussi de sigillée du IIè siècle dont les signatures de IUSTUS et de MUXTELLUS, potiers à Lezoux; il y avait aussi dans le lot une statuette de déesse-mère décapitée (11). Cette parcelle A-274 bis avait fourni en 1942 une monnaie de Crispina et un grand  fragment de vase des ANTISTII qui a permis à R. Sanquer (9,21) de faire avancer la connaissance de ces potiers de Lezoux pendant la deuxième moitié du IIè siècle ap. J.C. 

Une base de colonne en granit fut trouvée dans une cour de ferme, ainsi qu'une meule à bras (cette dernière est déposée au Musée départemental de Quimper ) (11). 

Enfin, au carrefour de Kergroas, fut identifié un milliaire anépigraphe en granit, 1,70 m de haut et 2,26 m de périmètre à la base qui forme un rectangle à pans coupés, et 1,47 m au sommet plus cylindrique (10).

De 1962 à 1968, 7 campagnes de fouilles ont permis de mieux connaître une portion du site, près de la ferme de Coatalec (A275-276-277-278-318-323); d'importantes destructions opérées dans ces parcelles ont anéanti nos espoirs de faire une fouille exhaustive, mais les résultats sont appréciables.

L'un des chantiers (A-318) a dégagé un ensemble cohérent de bâtiments inscrits dans un quadrilatère de 60x30 m et séparés en deux par une cour et une rue; les murs en petit appareil atteignent 2,40 m au maximum, certains angles étant constitués de gros blocs de granit; presque toutes les salles se contentaient d'un sol en terre battue et l'usage artisanal ne fait aucun doute : toute une série de fours des Ier, IIè et IIIè siècles a été fouillée; la datation est précise et montre une occupation qui va de l'indépendance gauloise jusqu'au IIIè siècle finissant, en passant par des phases importantes à l'époque d'Auguste, sous les flaviens et les Antonins; ces bâtiments ont subi des remaniements au travers des siècles. la partie sud s'ouvrait par une construction plus soignée, riche en fours, poteries et objets d'ornement; une stèle gauloise en granit, remarquablement taillée, haute de 1,60 m, marquait l'entrée principale de la cour dallée.

Divers indices montrent que ces ateliers avaient une activité diversifiée, travaillant les métaux et la céramique, sans négliger les usages alimentaires.

A 80 m plus à l'est (en A-277) sur un espace un peu moindre, 50x22 m, un autre chantier a permis de compléter nos connaissances : dans une construction particulièrement soignée, un autre exemple de salles était voué à un usage artisanal, pour le travail de la céramique, du verre, du bronze, du fer; certes, là aussi il n'y avait que des sols en terre battue ou en dallages grossiers, mais la disposition des lieux, l'existence au sud d'une façade à portique construite avec harmonie, montrent un plan régulateur et l'importance des constructions. la fouille en profondeur fit retrouver dans une partie en ruines, sous les murs du IIè siècle, un état antérieur datable de l'époque de Néron-Domitien.

Un troisième chantier, situé à l'ouest des deux autres (en A-323), a révélé un édifice différent, sans doute siège d'une habitation d'exploitant agricole, mesurant 17,60 x 12 m; le plan en est clair, une entrée sise au sud donne accès à une petite cour bordée sur trois cotés par une galerie rudimentaire d'où on accède aux salles situées au nord et à l'ouest; celles-ci comprennent des pièces d'habitation, où l'on accède par deux marches, au sol pavé ou cimenté avec grand soin, et des pièces réservées à des usages plus communs, ateliers, entrepôts ou étables. Là encore, un état antérieur existait, les murs de l'époque Néron-Domitien avait été soigneusement arasés pour permettre d'augmenter la superficie habitable. 

Ces trois principaux chantiers et la récupération d'objets trouvés lors des travaux agricoles ont fourni un très abondant matériel archéologique. La poterie commune est représentée par une masse considérable de céramique carbonifère décorée de motifs simples, lignes droites, sinusoïdes, croisillons, feuilles de fougères ... très caractéristiques de l'art des Osismes. La poterie plus fine en terra nigra est remarquable par la qualité de sa pâte et son brillant, elle comprend surtout des bols et coupes du Ier siècle, toute la production semble sortir du même atelier, qui pourrait bien avoir été situé à Kérilien même, car un motif analogue - une large spirale intérieure et extérieure - décore tous ces vases qui paraissent entre une imitation de la céramique campanienne. Toutes les variétés de poteries fines existant en gaule se rencontrent à Kérilien, fine granitée, godronnée, décorée à la barbotine, vases noirs incisés dont certains sont des exemplaires uniques; ces vases viennent en partie des ateliers du centre de la gaule, mais certains doivent être de fabrication locale, parfois héritiers de traditions celtiques. L'étude d'une partie de la poterie sigillée confirme l'importance des échanges commerciaux avec l'ensemble de la gaule; ainsi, sur 634 tessons d'une série représentative, 243 soit 38% n'ont pu être attribués avec certitude, 320 soit 51,6 % viennent de Lezoux, 30 soit 3,8% de la Gaule du sud, 41 soit 6,7% de la Gaule de l'est. Les potiers de Saint-Rémy en Rollat, Montans, Banassac, La Graufesenque, Blickwiller ne sont pas absents de la liste des fournisseurs même si ceux de Lezoux l'emportent nettement, parce qu'ils dominent le marché du IIè siècle. En effet, si l'on considère non plus les provenances mais les périodes de production des vases de forme 37, on constate que le Ier siècle fournit 16%, le IIè 62%, le IIIè 10% (le reste, soit 12% n'étant pas datable) et pour cette forme 37 Lezoux fournit 82% du total ! Ces statistiques et l'absence de poterie des ateliers de l'Argonne, montrent bien quelle fut la grande période de l'activité du commerce à Kérilien; mais on doit corriger quelque peu cette impression, car la progression de la poterie sigillée dans l'ouest armoricain a été lente, ne démarrant qu'avec le règne de Claude, jusqu'alors la sigillée était un objet de luxe. Elle a su évincer du marché la poterie en terra nigra dont la belle époque va d'Auguste à Trajan, et elle a, semble t-il, bien résisté à la concurrence du verre, très bien représenté à Kérilien qui en produisait beaucoup.

Les vases étudiés provenant des fouilles de 1962-1968 ont livré les estampilles suivantes : ALBINIS, 3 ATILIANUS, 3 BANUUS, CENSORINUS, CERIALIS, CINNAMUS, COMICUS, COSAXTIS, GRESTUS, IULIUS, 2 MASTUCA, MAESUS, MALLEDO, MAPILLUS, 3 MUXTULLUS, 2 PATERNUS, SACER, VALERIUS, VICTOR; en outre, beaucoup d'autres vases ont pu être attribués, malgré l'absence de signatures, à des potiers connus tels ALBUCIUS, BUTRIO, CASURIUS, DIVIXTUS, DOECCUS, LAXTUCISSA, QUINTILIANUS, SATTIO.

Les monnaies retrouvées sur les chantiers couvrent également la même période, 1 statère Osisme en or, 1 quart de statère fourré de la fin de l'indépendance, 1 quinaire et 2 bronzes d'AUGUSTE, 1 DOMITIEN,  1 denier et 3 bronzes de TRAJAN, 4 HADRIEN, 1 denier et 1 bronze d'ANTONIN, 1 MARC-AUR7LE, 1 COMMODE, 1 VALERIEN, 1 POSTUMUS et 17 petites monnaies de la période de l'empire gaulois. 

On doit encore noter la présence de nombreux fragments de statuettes en terre blanche, déesses-Mères et Vénus, 1 statuette en bronze de Jupiter, des objets de parure, colliers de perles de verre, fibules, bagues en bronze, morceaux de boucles, spatules à fard, disques en bois de cerf, et, l'objet le plus remarquable, une phalère en bronze ajouré de 0,08 m de diamètre représentant 3 animaux stylisés, sans doute des tritons, et analogues à celles que l'on trouve en Rhénanie et en Pannonie surtout, mais aussi au Maroc, et dont la qualité artistique doit être soulignée (12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 26bis)

Plusieurs collections privées possèdent également des objets recueillis à la suite des travaux agricoles sur le site de Kérilien mais sans qu'il soit souvent possible de localiser avec précision ces découvertes; l'inventaire de ces collections est en cours, nous pouvons déjà signaler les composantes de la série de tessons ramassés par M. de Kerdanet, signatures de ATILIANUS, CAMPANUS, ATEPOMARUS, SENILIS, COTU..., et différents fragments de vases des ateliers de La Graufesenque et Lezoux (25, 26).

Une autre série de signatures provenant de la prospection en surface du plateau de Kérilien a été étudiée par M. Hartley et publiée par R. Sanquer (27) : de Lezoux, années 155-195 ap. J-C., on note les signatures ATLILIANUS, 2 BANNUS, CALETUS, CASURIUS, CENSORINUS, DOECCUS, JULIUS NUMIDUS, LUCINUS, OLLOGNATUS, MARTIUS, 6 PATERNUS II, SAMILLUS, SENILIS; de Montans une signature de DONICATUS, 40-65 ap. J-C.

Enfin, les enquêtes menées sur le terrain depuis 1962, laissent espérer la possibilité de mettre au jour un théâtre dont la cavea est les bâtiments de la scène sont encore visibles avec des murs d'excellente facture ornés de chaînages de briques (23). 

Le site de Kérilien s'étendait aussi sur la commune voisine de Saint-Méen (cf. 29-255) où se trouvait une importante nécropole". 

(Fin de l'article 29.204 consacré par Louis PAPE au site de Kerilien en Plounéventer)

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Les références des notes de cette page seront données à qui le souhaitera.

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i

Carte 28 de l'ouvrage de Louis PAPE

Pour obtenir un agrandissement, vous pouvez cliquer directement sur la carte. 

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Louis Pape : La civitas des Osismes à l'époque gallo-romaine. Librairie C. Klincksieck. Paris. 1978.

Page A-1113. Article 29.093 : Kernilis

- Kerscao : en face du village, sur le bord de la route Lesneven-Plouguerneau borne milliaire célèbre de l'époque de CLAUDE, en forme de pyramide tronquée, haute de 1,85 m (B)  (en réalité la borne devait être sur le territoire de Guissény, mais la tradition veut qu'on la désigne sous le vocable de borne de Kerscao, elle est au Musée archéologique de Quimper). cf Pl. 43.

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Dessin publié dans la Revue Archéologique. 1874.

Échelle du dessin ci-contre : 1/20è

Fond gris-vert ajouté par JC.Even, afin d'améliorer le contraste.

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Patrick Galliou : L'Armorique romaine. Les Bibliophiles de Bretagne. Braspars. 1984

page 46 : "une voie reliant Suindinum (Le Mans) à la pointe nord du Finistère (L'Aber-Wrac'h ou la pointe Saint-Mathieu, par Jublains (Noviodunum), Corseul, Saint-Brieuc, Guingamp, Morlaix et Kérilien-en-Plounéventer. Cet itinéraire, que l'on a parfois - à tort selon nous - considéré comme tardif (Pape, 1978, 211), permet d'atteindre le nord de la Gaule". 

 

Carte présentée à la page 47 de l'ouvrage de Patrick Galliou.

Couleurs ajoutées par JC Even

Les trois gros points rouges =  les trois "capitales" gallo-romaines : 

Vorgium / Carhaix, Darioritum / Vannes, Fanum Martis / Corseul. 

Le petit point rouge, au nord-ouest : Vorganium / Kerilien en Plounéventer. 

page 60 : "Le nom celtique que portent ces agglomérations(Condate, Reginca, Vorganium, Duretie, Darioritum, etc.) montre d'ailleurs fort bien qu'à une exception près (Carhaix), elles ne durent nullement leur naissance au conquérant romain, mais se modifièrent, au fil des ans, à partir de fondations indigènes".

page 76 : " Au centre du plateau du Léon, zone densément peuplée à l'époque romaine, Kérilien-en-Plounéventer, Finistère), dont le nom antique était probablement Vorganium (Fleuriot, 1955; Merlat, 1955), recouvrait une partie du plateau triangulaire entouré presque entièrement par les vallées de gros ruisseaux. De nombreuses découvertes faites au siècle dernier et les récents travaux de L. Pape (Pape, 1968; Pape, 1970) - qui n'ont malheureusement pas encore fait l'objet d'une publication  exhaustive - montrent que le site fut régulièrement occupé de la fin de La Tène aux premières décennies du Vè siècle. L'agglomération semble avoir été, dans une phase initiale qui parait s'étendre des dernières années de l'Indépendance aux premières décennies du second siècle, une bourgade de commerçants et d'artisans travaillant et vendant le bronze, le fer et peut être le verre, dont les ateliers, les entrepôts et les habitats étaient disposés sans grand ordre sur le plateau. Les fouilles de L. Pape ont montré que cet ensemble, couvrant une superficie d'environ 1000 sur 500 m, avait subi d'importantes modifications au début du second siècle, et que le réseau des rues et de nombreux bâtiments avaient été réalignés suivant des axes de direction est-ouest et nord-sud. Il n'est pas impossible, comme le pense le fouilleur, que cette régularisation du plan doive être mise en relation avec la construction d'un théâtre sur les franges occidentales de la ville (Pape, 1978, 93). On constate, en effet, qu'au nord du village de Kergroas, le flanc d'une colline fur excavé de manière à dégager une cavea de 80 mètres de diamètre avec orchestre et scène appuyée par des contreforts; divers éléments donnent à penser que cet édifice date du second siècle. 

Il est certes tentant, si l'on ne prend en compte que ce dernier bâtiment, de classer le site de Kérilien-en-Plounéventer dans la catégorie des conciliabula, ces grands sites ruraux où les populations des campagnes se réunissaient à l'occasion de fesses religieuses ou profanes, mais il faut bien admettre que cette hypothèse est infirmée par la  présence d'ateliers et d'habitats permanents. L'agglomération de Vorganium, vers laquelle convergent cinq voies, apparaît plutôt comme le centre politique, administratif, religieux et commercial d'un pagus occupant l'actuel pays du léon. Cette "petite ville" semble avoir connu une certaine prospérité - on remarque néanmoins l'absence de mosaïque et de matériaux luxueux (marbre, etc.) - dont on peut situer l'apogée aux premiers et second siècles de notre ère; par la suite cette bourgade semble progressivement décliner pour n'être plus habitée au IVè siècle que par de petits groupes épars. On remarquera enfin que le site, vraisemblablement déserté au début du Vè siècle, ne fut pas réoccupé par la suite".

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page 196 : "Le grand dieu européen du ciel, connu par les gaulois sous le nom de Taranis, fut adoré en gaule romaine sous le nom de Jupiter, et on le représenta en général sous les traits d'un homme d'age mur, barbu, debout ou trônant, tenant un sceptre à la main et le foudre - ou la roue, ou des esses, symboles du tonnerre et de l'éclair - de l'autre. De telles figurations sont cependant curieusement rares en Armorique, où l'on ne connaît qu"une seule statuette de ce type - d'ailleurs incomplète - découverte à Kérilien-en-Plounéventer, tandis qu'un monument mis à jour à Pluherlin (Morbihan) est dédié à Jupiter Optimus Maximus, divinité latine appartenant à la triade capitoline". 

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page 252 : " Bien que nous connaissions mal l'histoire des villes armoricaines au cours de cette période, quelques fouilles menées à Quimper ... Carhaix ... Kérilien-en-Plounéventer ... Rennes ... nous ont révélé des niveaux d'abandon datables des années 280. Tout permet de penser que les misérables restes des belles agglomérations d'antan s'abritaient derrière de hautes murailles qui les protègent quelques temps encore, du bruit et de la fureur des temps".

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page 271 : 

Bernard Tanguy : Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses du Finistère; Chasse-Marée - Ar Men, 1990, sous article consacré à Plounéventer : 

"C'est à Kerilien, à 6 km au nord du bourg (de Plounéventer), qu'était située la ville gallo-romaine de Vorganium, toponyme dérivé de Vorgium, ancien nom de Carhaix (v. ce nom). Important carrefour routier, sans doute lieu de marché en même temps que centre administratif, Vorganium fut ruiné au Bas-Empire. En dépit de l'existence sur place d'un lieu-dit Tachen-ar-C'hohi "la place de la Cohue", on ne peut dire si la vocation économique du lieu survécut à sa destruction".

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Louis Pape : La Bretagne romaine. Edilarge S.A; Editions Ouest-France, Rennes; 1995. p 86 : 

"Le granit, souvent utilisé pour tailler les milliaires, s'abîme au bout de plusieurs siècles, rendant délicate la lecture; la célèbre borne de Kerscao en Kernilis (29) a suscité de multiples et sévères controverses entre les érudits du XIXè siècle parce qu'elle ne permet pas de lire parfaitement la distance exprimée ici en milles rimai,s, on distingue certainement VI mais rien n'exclut qu'à l'origine ne figura VII ou même VIII ou VIIII ! quelques érudits cherchèrent même à accréditer une autre hypothèse; le V ne serait que la partie supérieure d'un X et la barre I celle d'un L, on aurait pu alors lire XL ou XLI ou XLII ..., ce qui n'est pas la même chose; en fait, ils voulaient prouver que le point de départ de l'itinéraire VORGAN(ium) était bien Carhaix connu dans d'autres documents sous le nom de VORGIUM. Dans l'état actuel de la recherche historique, il convient de ne pas retenir cette dernière hypothèse et d'accepter la lecture VI à éventuellement VIIII milles et l'existence d'une ville ou station routière portant le nom de Vorganium distincte de Carhaix-Vorgium; j'ai proposé dans ma thèse la possibilité de placer Vorganium à Kerilien en Plounéventer (29) car VIIII milles soit 13,320 km correspondent à la distance réelle entre Kerilien et la borne de Kerscao qui a fort peu de chances d'avoir connu un déplacement (elle pèse plus de 2 tonnes), soit 13,500 km".

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Didier Audinot : Dictionnaire des cités disparues en France, des origines à la Révolution. 1997.

Plounéventer, page 240.

La ville perdue de Vorganium

"Des érudits locaux pensaient au XIXè siècle que la ville antique tant recherchée se trouvait sur le plateau de Kérilien. Y aboutissent de très nombreuses voies romaines, et les vestiges découverts sur place par les agriculteurs laissent supposer cette localisation comme juste. Sur 30 hectares de terrain, les plus beaux éléments mobiliers qui avaient été collectés l'ont été en surface, à la suite de simples prospections visuelles effectuées après des travaux agricoles. Parmi eux, des bracelets de bronze, des monnaies, parfois en or".

Une ville romaine sous la lande

"Les complets vestiges d'une importante cité gallo-romaine se trouvent enfouis sous les landes de Kerilien, Coatalec et Kergroas. Les sables y délivrent des objets antiques saupoudrant d'importantes substructions".

.......... Etude étymologique comparée ..........

 

* Albert Grenier : Les Gaulois. Petite bibliothèque Payot.1994. réédition.

p. 141 : "Vorgium (Carhaix), Vorganium (vers Plouguerneau), sont formés de la même racine que vergo-bretus, magistrat suprême chez les Eduens".

* JC Even : 

On pourra trouver des études comparatives à la page consacrée à Carhaix.

photos en préparation; skeudennoù war ar stern

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