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Chartreuse

 

 

Extrait d'OGEE : Dictionnaire historique et géographique de Bretagne. vers 1780.

sous article consacré à BRECH : 

 

          Le 21 octobre U80, l'église de Saint-Michel-du-Champ, qui était une collégiale, fut donnée aux Chartreux, et devint un monastère de cet ordre. Ce fut François II qui y appela ces religieux, qui en prirent possession, après toutes les formalités observées, le jour de la Madelaine 1482. Les premiers moines qui l'occupèrent furent tirés de la Chartreuse de Nantes, qui fit toute la dépense qu'exigeaient ces nouveaux colons, dont le nombre fut fixé, par la bulle de Sixte IV, à douze religieux et un prieur. La dépense que fit la maison de Nantes était très-considérable pour le temps; elle monta à plus de 800 livres; mais cette bonne mère crut ne devoir rien négliger pour l'avancement de ses enfants, qui lui ont sans doute payé avec usure les intérêts de ses avances. Dans les mains de ces austères cénobites , les revenus dotaux de 600 livres ont tellement fructifié, que cette communauté est riche de plus de 40,000 livres de rente. Cette maison magnifique et immense, eu égard au nombre des religieux qui l'habitent, est située dans une plaine assez vaste, que leurs soins ont embellie et défrichée. Des bois fort beaux l'environnent et en font un séjour agréable pour les propriétaires, et une promenade délicieuse pour les habitants d'Auray, qui n'en sont éloignés que d'une demi-lieue. Son église, reconstruite vers le milieu de ce siècle, dans le goût moderne, d'une simplicité majestueuse, inspire le respect en y entrant, comme les approches de la maison et le son de la cloche font naître le recueillement et la mélancolie pour peu qu'on ne les fréquente pas. Les cours, en grand nombre, sont remplies d'ateliers et d'ouvriers de toute espèce à l'usage de la maison. Les cloîtres, les jardins et les autres dépendances générales ont un air de grandeur qui annonce l'opulence. La bibliothèque offre une salle spacieuse, bien boisée et ornée Les logements des religieux, boisée et ornée Les logements des religieux, presque tous réparés ou construits à neuf depuis quinze ans, sont composés d'une salle de compagnie à cheminée, d'une chambre à coucher, d'un réfectoire, d'un cabinet avec une petite bibliothèque, d'une belle galerie ou laboratoire, contenant un tour et divers autres instruments mécaniques, et enfin d'un très-joli jardin à fleurs, avec un puits, et enclos de bons murs garnis d'arbres fruitiers. Chaque cellule a en outre un grenier et différentes réserves de commodité. En un mot, toutes les parties de cette maison forment un ensemble digne de la curiosité des voyageurs qui ont quelques heures à passer à Auray. Mais les agréments extérieurs qu'elle offre à la vue ne peuvent diminuer que très-faiblement l'austérité de la pénitence de ceux qui l'habitent.

Nous joindrons à ce que nous avons dit de ce monastère des remarques politiques sur un usage établi de temps immémorial dans cette maison religieuse, et dont le principe, bon et louable en lui-même, a produit des suites très-fâcheuses. Soit obligation, soit pure charité, il s'y fait tous les mardis une aumône générale. Cette aumône consiste dans un morceau de pain bis de deux livres ou plus, qui se distribue à la porte de la maison, à tout venant, enfant ou vieillard, homme ou femme, de quelque condition et qualité que ce soit. Personne n'est rebuté ce jour-là; et pour avoir part au bienfait, il suffit de se présenter et de tendre la main.

Cette manière de faire l'aumône, outre qu'elle est très-dispendieuse pour la maison n, à qui elle coûte environ un tonneau de seigle, c'est-à-dire environ 200 livres, tous frais comptés, par semaine, et qu'elle produit peu de soulagement, parce que, pour une famille misérable, trois ou quatre livres de pain par semaine sont un faible secours, est sujette à une multitude d'abus plus pernicieux les uns que les autres.

- 1° A supposer que, dans le principe, il ne se rendît à cette distribution que de vrais indigents, il est certain que l'habitude de l'avoir y a bientôt entraîné des usurpateurs du pain des pauvres. 

- 2° Cette habitude est si bien enracinée, que l'on voit, dans l'étendue d'une lieue à la ronde, la journée du mardi, ou du moins l'après-midi entière, perdue pour beaucoup de journaliers pour venir chercher un morceau de pain. Il nous est souvent arrivé de proposer à des hommes ou à des jeunes gens qui y couraient une pièce de 12 sous pour aller à une lieue faire une commission, et nous avons toujours eu le désagrément d'être refusés. 

- 3° Les femmes sont dans l'usage, pour avoir plus de morceaux, d'y conduire tous leurs enfants, et jusqu'à leurs nourrissons, quand elles en ont; et il n'y a guère d'habitants d'Auray qui n'aient mendié tandis qu'ils ont été en nourrice. Il résulte de là que ces enfants, forcés à tendre la main pendant quelques années chez les religieux, prennent goût au métier, et finissent par la tendre tous les jours et à tout le monde. 

- 4° Enfin, le goût et l'habitude de la mendicité se sont tellement fortifiés par de pareilles distributions en argent, établies chez des particuliers d'Auray riches et pieux, qui suivent pour modèles les révérends Pères Chartreux, que rien n'est si commun aujourd'hui que de voir des laboureurs riches vendre leurs possessions, des artisans leurs effets, et les uns et les autres en cacher soigneusement le prix, pour embrasser l'honnête profession de mendiant. Les facilités que toutes ces aumônes mal entendues et mal faites donnent à ces êtres inutiles et destructeurs, pour vivre sans peine et sans travail, en ont peuplé la ville d'Auray. Il n'y en a point dans la province où l'on voie autant de pauvres, tous venus des campagnes voisines; et c'est une de ses plus grandes calamités. Nous n'en avons point parlé à l'article Auray, parce que nous voulions rapprocher les effets de la cause. Des conséquences aussi nuisibles à la culture et à l'industrie, dans un pays déjà appauvri par d'autres causes, sont bien suffisantes pour nous garantir du reproche d'indiscrétion que les personnes attaquées dans les abus que nous blâmons pourraient être tentées de nous faire; et nous osons nous flatter que les amis du bien public nous sauront gré d'avoir combattu cette manière d'exercer la charité, inutile à celui qui la fait, parce qu'elle est mal placée, et nuisible à celui qui la reçoit, puisqu'il pourrait s'en passer, et se procurer par son travail une subsistance honnête et facile. D'ailleurs, la publicité et l'ostentation dont ces aumônes sont accompagnées ne les rendent-elles pas contraires à l'esprit de l'Évangile, qui veut que la main gauche ignore ce que donne la droite ? Ne sont-elles pas condamnées par l'économie politique, qui n'y aperçoit que l'aliment de l'oisiveté et de la fainéantise, et la source d'une multitude de désordres secrets qui troublent sans cesse le repos de la société (1) ?

La paroisse de Brech fut annexée à la mense capitulaire par Yves de Pont-Salé, évêque de Vannes, en vertu d'une bulle du pape Pie II, datée du 7 octobre 1452. Le 14 mai 1702, il y eut une lettre et arrêt du Conseil, portant suppression du droit de chauffage qu'avaient les Chartreux d'Auray dans la forêt de Lanvaux, moyennant la somme de 200 livres de rente pour indemnité de ce privilège.

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* Marteville et Varin (1843) :

" La chartreuse est occupée aujourd'hui par des sœurs de la Sagesse et par u institut de sourds-muets pour toute la Bretagne, sous la direction, pour les hommes, des frères du Saint-Esprit. Cet établissement rend chaque jour  d'immenses services".

" Les restes des émigrés faits prisonniers à Quiberon, et fusillés peu après non loin de la Chartreuse, avaient été recueillis dans cette église. Depuis on a élevé en ce lieu un monument expiatoire contigu à la nef de l'église : c'est un édifice de 13 mètres de long sur 9 mètres de large, ayant jour sur l'église, dont il n'est séparé que par une grille ; à l'intérieur est un mausolée en marbre blanc, orné de sculptures qui rappellent les événements de 1795. Sur le portail on a gravé en lettres d'or les mots : Gallia mœrens posait. L'inauguration de ce monument, dont la première pierre a été posée le 24 septembre 1823, par Mme la duchesse d'Angoulême, a eu lieu le 15 octobre 1829. — Cette princesse a en outre acheté de ses propres deniers le champ où furent fusillés les émigrés de Quiberon, et une chapelle expiatoire y a été élevée par souscriptions. Cette chapelle a 14 mètres sur 11; son frontispice porte en lettres d'or l'inscription : In memoriâ aeternâ erunt justi. Ce lieu a pris depuis le nom de Champ des Martyrs"