* Benjamin Jollivet (1859) : "Au sud de la commune, la colline dont nous venons de parler s'arrête
tout-à-coup, le pied posé, à 100 mètres de profondeur, sur le bord d'un étang qui subsistait au quinzième siècle, mais dont il ne reste plus qu'un vivier et un ruisseau. Elle présente, de ce côté, un flanc presque à pic, dont on a corrigé l'escarpement par un immense escalier en pierres de taille, depuis longtemps en assez mauvais état. C'est par cet escalier que l'on se rend de Lannion
à l'église de Brélévenez, qui semble une dépendance de la ville chef-lieu, une succursale au service de l'un de
ses faubourgs, et c'est sur la pointe extrême de la colline qu'est placé le temple qui nous occupe, au milieu d'un cimetière aux murs peu élevés, formant esplanade et terrasse. De là,
la vue embrasse un paysage admirable, dans lequel les beaux jardins de feu M. le Baron occupent
le premier plan, avec la partie nord de Lannion, c'est-à-dire, avec ses quais, son église St-Jean, sa place du Marc'halla, etc., etc.
L'abside, partie antique de l'église de Brélévenez, appartient à l'architecture romane,
du onzième au douzième siècle, époque des premières croisades; mais
les autres parties sont de beaucoup postérieures. La nef, le portail et le clocher seraient du quinzième siècle, si l'on en croit Fréminville (1). Sur le flanc méridional de cet édifice, s'élèvent trois piliers, dont la partie inférieure sert de contrefort au bas-côté; ils s'élancent ensuite, isolés, jusqu'à la hauteur
de l'arête de la toiture; celui du droite et celui de gauche, un peu moins élevés que celui du centre, sont tronqués carrément; le troisième est chaperonné. Le portail, en ogive surbaissée, est couronné par un pignon formant combles deux égouts;
il est orné de moulures en partie simples, en partie festonnées, et se trouve placé entre le second et le troisième pilier. La tradition locale veut voir dans cet arrangement un emblème de la Trinité, adopté par l'ordre du Temple dans la construction de ses églises; mais si l'on a égard à la position de l'église sur une montagne escarpée, on pourrait tout aussi
bien voir dans ces trois piliers une représentation du calvaire. Cependant nous nous hâtons d'ajouter que tout concourt a faire accepter comme à peu près incontestable désormais, à savoir : que cette église a été construite par les religieux du Temple et pour les besoins de cet ordre célèbre, dont la puissance et les immenses richesses
attirèrent la persécution des grands de l'époque, bien plus que les honteuses turpitudes et les crimes dont ils furent accusés (V. préface du t. 2). Les Templiers, en effet, possédaient des domaines dans la paroisse de Brélévenez, et l'on a découvert, dans l'intérieur d'une des chapelles de l'église elle-même, plusieurs pierres tombales sur lesquelles étaient gravés les croix et les insignes de l'ordre du Temple (1)
Une crypte placée sous le chœur et éclairée d'un demi-jour, renferme un groupe de statues en bois représentant Jésus enseveli. A l'intérieur de la
grille en fer qui sépare ces statues du reste du caveau, nous avons remarqué un certain nombre d'épingles jonchant les dalles, et jetées là par la piété des fidèles.
Ce n'est pas la seule offrande faite à l'église de Brélévenez. Le jour du pardon de saint Leu (la paroisse a un autre pardon le dimanche de la Trinité), on y conduit les petits enfants pour les préserver de la peur, et ceux-ci ne manquent jamais de faire l'acquisition, avant de partir, d'un beau coq de plâtre ou d'un évêque tout couvert d'or. Les parents, eux, apportent au saint, en présent, des œufs et des poulets, que l'on dépose dans une mue placée à cet effet dans l'une des chapelles latérales de l'église. De petits navires, appendus à la voûte du temple, témoignent encore de la piété des marins de cette côte et de leur fidélité à accomplir les vœux faits aux jours du danger, dans ces moments solennels où la mer soulève ses flots comme des montagnes, où l'homme s'avoue vaincu et demande secours au
ciel.
Il y a peu d'années, ce précieux débris du moyen-âge, qui offre encore plus d'un sujet de
sérieuses études aux véritables antiquaires, était à l'intérieur
tout couvert d'un affreux badigeon. M. Landouar, recteur actuel de Brélévenez, a
fait disparaître tout cela avec une parfaite entente de l'art. Les travaux
exécutés sous sa direction ont complètement rajeuni celte église à l'intérieur et mis à découvert
une admirable rosace en pierre, à droite en entrant.
Examinons maintenant l'énorme bénitier en granit qui se trouve incrusté dans le mur, à
gauche de la porte d'entrée. Il a un décimètre de profondeur seulement, un mètre 50 centimètres le long, 80 centimètres environ le largeur, et porte cette inscription : Hœc mensura bladiinunc requiritur. Ainsi point de doute sur ce point; ce bénitier n'est autre chose que l'ancienne mesure nommée Prœbendarium, en usage dans le douzième siècle.
Avant de quitter l'église de Brélévenez, et comme encouragement donné à un ouvrier du pays, dont le talent n'est pas contestable, nous mentionnerons un devant de tribune, de jolis panneaux à sujets servant de décoration à l'orgue et un chemin de croix parfaitement sculptés.
Clisson fit fortifier l'église Brélévenez dans le quatorzième
siècle". |