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Deuxième partie

5. Conclusions générales

 

 

            Époque historique du roman de l'Enfance de Merlin

            La première leçon importante que nous pouvons tirer de cet exposé relatant l'histoire évènementielle est que nous sommes en mesure désormais de donner une datation extrêmes serrée des évènements évoqués dans le Roman de Merlin l'enchanteur, puisque la période historique de celle-ci se cale bien entre la destitution de Vortigern, c'est-à-dire peu de temps après la bataille de Crayford, d'une part et d'autre part la nomination de Jules Népos en qualité de césar pour l'Occident, puis la disparition de l'Empire d'Occident en tant que tel. Cette période historique court du dimanche 1er janvier 456 au samedi 04 septembre 476. (1)

 

             Datation de la Bataille de Carohaise

            La bataille de Carohaise fait partie intégrante et exclusive du Roman de Merlin l'enchanteur. Elle n'est relatée dans aucun autre roman. Sa datation se fait donc dans l'espace chronologique 456/57 terminus ad quo et 474/76, terminus ad quem. (2)

            Le recoupement se fait de la manière suivante :

             - Elle s'est déroulée, selon les Romans, le lendemain du mardi 30 avril, c'est-à-dire le mercredi 1er mai d'une année dans laquelle le césar d'Occident s'appelle Jules. (3)

            - Elle s'est déroulée sous le pontificat du pape Simplicius (pape du dimanche 03 mars 468 au jeudi 10 mars 483). Ceci a pour effet immédiat, concernant les césars, d'exclure Julius Maiorianus et de ne conserver que Julius Nepos. (4)

            - Elle s'est déroulée au minimum entre 16,5 ans et 18 ans après la bataille de Crayford, elle-même datée de 456-457. Ceci confirme l'exclusion de Julius Maiorianus et le maintient de Julius Nepos. (5)

            - Flavius Iulius Nepos a été césar du 09 février 474 jusqu'au lundi 24 juin 474, quand Zénon et Ariadnè étaient empereur et impératrice à Constantinople et quand Simplice était pape à Rome. (6)

             - l'année 474 est du type Ma1 dans laquelle, précisément, le 30 avril tombe un mardi.(7)

             - la nuit du 30 avril, dernier jour de la période d'hiver, au 1er Mai, premier jour de la période d'été, correspond dans la tradition celtique à Beltaine, nuit durant laquelle, dans la tradition païenne, on brûlait des feux en l'honneur de Belenos, dieu celtique du soleil. Beltaine = Bel (Belenos) + tan (feu) , d'où aussi tantad = feux dédié au Père (=Dieu). (8)

 

 

Tableau synoptique

de 455 à 500 après J-C

 

 

            - Conclusion :

la bataille de Carohaise s'est déroulée le mercredi 1er mai 474.

 

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            Datations d'Uther et d'Arthur

 

            De la datation ci-dessus , on peut tirer les corollaires suivants :

            - La bataille s'étant déroulée le mercredi 1er mai 474 et la Pentecôte se trouvant cette année-là au dimanche 09 juin, c'est-à-dire à une date plus tardive, il est donc impossible qu'Arthur ait pu être proclamé roi à la Pentecôte de 474, puisqu'il l'était déjà avant la bataille. Il n'a donc pu être proclamé qu'à la Pentecôte de l'année précédente, c'est à dire le dimanche 20 mai 473. (9)

             - La mort du père d'Arthur, Uther Pendragon, doit en conséquence être placée au 11 ou 12 novembre de l'année précédente, c'est-à-dire le samedi 11 ou dimanche 12 novembre 472. (10)

             - Comme Arthur est âgé de seize ans à la mort de son père, on peut donc situer sa naissance fin 456 / début 457, ce qui correspond parfaitement à la chronologie de la Chronique Anglo-saxonne relative à la bataille de Crayford. (11)

             - De la même façon, à partir de l'indication du fait que Merlin était âgé de sept ans à l'époque de la destitution de Vortigern et donc de huit ans au moins à la naissance d'Arthur, on peut dire qu'il a déjà atteint ses vingt-cinq ans au moment de la bataille de Carohaise et ainsi approcher sa naissance de l'an 449. (12)

             - Par voie de conséquences, on peut avancer que la naissance de Viviane, qui n'est âgée que de douze ans à l'époque de sa rencontre avec Merlin, doit se situer vers l'an 462. (13)

 

                Motifs de la Bataille de Carohaise

 

            L'ensemble des renseignements et des recoupements historiques ainsi obtenus nous permet de dire désormais que la bataille de Carohaise prend sa place dans le cadre de la guerre des Wisigoths, qui a sévi entre 467 et 475, opposant les Wisigoths d'Aquitaine au reste des peuples de la Gaule et de l'Espagne.

             En effet, comme nous l'avons vu, les Wisigoths sont rentrés dans le cadre de l'empire romain par le traité (foedus) de 418 par lequel ils reconnaissent l'Empire et l'empereur qu'ils s'engagent à servir en toute loyauté, en échange d'une souveraineté sur une partie de l'Aquitaine.

             Cette souveraineté fait du roi wisigoth le suzerain de tous les habitants de cette portion d'Aquitaine qui lui est soumise, aussi bien les Wisigoths et leurs alliés barbares que les gallo-romains de toute hiérarchie ou condition sociale, politique, militaire, ou religieuse. Ainsi, des responsables militaires gallo-romains de haut niveau se sont trouvés, bon gré mal gré, aux ordres du roi wisigoth, autant que les Gallo-romains du peuple et tenus, par obligation de traité, de lui obéir et de se battre pour lui. (14)

            Ce foedus a une première fois été remis en cause par Théodoric Ier, ce qui lui a permis paradoxalement d'agrandir son territoire et donc d'étendre ses compétences politiques et militaires sur la Novempopulanie, de la Garonne aux Pyrénées, en 455. (15)

            Théodoric II en tire la leçon et s'octroie la Narbonnaise jusqu'au Rhône, en 461- 462. (16)

            Le chemin est tout tracé. Par la suite, c'est le roi wisigoth Euric lui-même qui, profitant du désordre politique dans l'empire d'Occident, décide en 467, de rompre ce traité avec l'Empire (17). Son intention est d'établir à partir de sa base d'Aquitaine une hégémonie politique wisigothe et arienne sur la majeure partie de la Gaule. Quand on observe ses avancées sur une carte, on peut très bien admettre que son intention est de s'emparer du diocèse des Septem prouinciarium (la Septimanie), englobant l'ensemble des Aquitaines, des Narbonnaises et de la Viennaise. (18)

            Confiant en ses forces politiques et militaires, Euric décide d'attaquer dans toutes les directions : Aquitaine, nord de la Gaule (Belgique), l'Armorique. (19)

            La première cible est Bourges, capitale de l'Aquitaine Ière. L'empereur Anthemius appelle à la rescousse Riothame à la tête d'une armée bretonne de l'Ile de Bretagne, auquel doit se joindre l'armée franque du comte Paul, afin d'assurer la protection du Berry et de contrer les intentions expansionnistes du roi wisigoth sur ce secteur important. Peine perdue, la jonction entre Bretons et Francs ne se fait pas à temps et Euric écrase Riothame et ses Bretons à Déols en 469. Riothame se réfugie avec ses rescapés chez ses alliés Burgondes. Sans coup férir, Euric s'empare à la fois de Bourges, du Berry, de la Touraine et du reste de l'Aquitaine Ière. Plus au sud, le champ lui est également libre pour s'emparer de Béziers et de Nîmes. (20)

            En 471, une deuxième armée romaine, conduite par Anthemiolus, le fils de l'empereur, est taillée en pièces sur le Rhône, dans la Viennaise. Les Burgondes, alliés à l'empereur, parviennent cependant à faire reculer les Wisigoths à l'ouest du fleuve. (21)

            En 473, Euric lance à nouveau ses attaques sur la Provence. Tour à tour les grandes villes du sud tombent : Arles, Avignon, Marseille ... (22)

            Gondebaud, prince burgonde, allié aux Bretons, tente alors une opération de pure politique, en plaçant Glycère sur le trône d'Occident, le lundi 05 mars 473. (23)

            Le puissant Euric n'en a que faire et refuse de reconnaître Glycère. Ayant, par la prise du Berry et de la Touraine sub-ligérienne garanti ses ailes et ses arrières jusqu'à la Loire et aux Pyrénées, il dirige maintenant ses attaques en règle sur l'Auvergne, légitimiste et catholique, tentant de pousser ses conquêtes jusqu'au Rhône. L'Auvergne est quasiment encerclée. Clermont subit plusieurs sièges difficiles, de 473 à 475 mais réussit malgré tout, sous la conduite de Sidoine Apollinaire et avec l'aide des Burgondes, à résister vaillamment aux armées d'Euric. (24)

            Le paroxysme de l'affaire est atteint lorsque Léon Ier, empereur de Constantinople, déclare qu'il ne reconnaît pas Glycère en tant qu'empereur d'Occident, se mettant ainsi de fait dans le camp d'Euric ! Après le décès de Léon Ier, survenu le vendredi 18 janvier 474, son successeur Zénon confirme le même refus et nomme son parent Jules Népos césar en Occident avec pour mission de supprimer Glycère. (25)

            Cette attitude hostile des empereurs de Constantinople vis-à-vis de Glycère et donc des Burgondes et des Bretons, n'a pour autre effet en définitive que de conforter et de légitimer le sentiment et les prétentions d'Euric, qui est devenu par ses conquêtes le roi le plus puissant d'Occident. (26)

            Afin de parer à une éventuelle contre-attaque bretonne sur ses arrières, Euric décide de s'attaquer alors à l'Armorique, au nord de la Loire, dans le but également d'extirper les unités militaires bretonnes qui sont affectées à la garde des côtes du nord-ouest et particulièrement celle installée chez les Osismes, à l'extrême ouest de l'Armorique. Cette mission est confiée à trois des officiers supérieurs de son armée, Claudas, Frolle et Ponce Antoine, ce dernier constituant, de part sa notoriété, une certaine forme de caution 'romaine'. L'attaque est dirigée sur Carohaise / Carhaix, capitale de la cité des Osismes, sur une partie de laquelle sont stationnées des unités bretonnes. Les Curiosolites se rangent du côté ossismo-breton. Cela se passe au printemps 474. (27)

            Les troupes d'Euric essuient un échec devant Carohaise, le mercredi Ier mai 474 et se retirent. De son côté, Clermont tient toujours, mettant Euric en échec de ce côté-là aussi. Par ailleurs, Vincentius, général d'Euric, échoue dans sa tentative contre l'Italie.

            Finalement, Jules Népos, désormais Auguste lui-même depuis le 24 juin 474, négocie avec Euric : il lui reconnaît la souveraineté sur l'ensemble de l'Aquitaine, de l'Océan jusqu'à la Loire, au Rhône et aux Pyrénées. Dans cette négociation il sacrifie la valeureuse Auvergne à Euric en échange de la Provence. Cette conclusion, honteuse pour l'Empire, a lieu en mai ou juin 475. (28)

                En conclusion, la bataille de Carohaise se présente donc avant tout comme un épisode militaire périphérique dans la lutte défensive menée par les légalistes et catholiques gaulois et leurs alliés bretons et burgondes contre les visées expansionnistes des Wisigoths sur l'ensemble de la Gaule.

 

            Épilogue

 

            Au cours du repas de la victoire offert par Léodagan à son peuple et à ses alliés, le jeune et valeureux Arthur, roi de (G)Bretagne, croise le regard de Guenièvre, princesse de Carhaix ...

            Merlin, lui, s'en est allé à Brécilien. Ce n'est pas bien loin : une demi-heure de cheval environ. Il va y rencontrer Viviane ...

            C'est sur ces notes d'amour que s'est faite l'alliance entre la (G)Bretagne et l'ouest armoricain, pour donner naissance à la Bretagne armoricaine. Nous en sommes les descendants.

 

notes des conclusions

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