Noms de lieux | Noms de personnes |
Blavet
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dernière mise à jour 01/10/2008 13:41:35 |
* Marteville et Varin (1843) : "Blavet (le), rivière qui prend sa source dans les Côtes du Nord, en Bourbriac. Elle traverse les communes de Maël-Pestivin, Peumerit, Saint-Nicolas, Plounévez, Sainte-Tréphine, Plouguernevel, Goarec, Plélauff et Perret; elle entre alors dans le Morbihan, après avoir alimenté vingt-trois moulins à blé, et continue de couler vers la mer, qu'elle atteint à Lorient. Le Blavet est canalisé . Les principaux affluent du blavet sont : le Scorff, le Sar, l'Evel, le Poulglass, aussi nommé Stival et Trévelin, le Bubry, la Lorette, et la Salaün". |
* Anonyme (vers 1860), sous Bourbriac, p. 475-476 :
"... Le Blavet, qui se déverse (au sud) dans l'Océan, a son
point de départ au village de Felhan".
- Landevet (source du Blavet); altitude 306 mètres". |
* M.N Bouillet (1863) : "Blavet, Blabia, rivière de France, naît dans le département des Côtes du Nord, à l'O.S.O de Bourbriac, passe à Hennebon, où il est navigable, et tombe dans la rade de Lorient, à Port-Louis, après un cours de 120 km". |
* Adolphe Joanne (1878) : " Le Blavet, fleuve de 150 kilomètres de longueur, sort de la colline de Landevet (306 mètres), d'où descendent aussi le Guer et divers ruisseaux du bassin du Trieux; sa source est à 5 kilomètres sud-est de Bourbriac, chef-lieu de canton. Il coule vers le sud-sud-est, laisse à 2 kilomètres à gauche le bourg de Saint-Nicolas-du-Pelem, chef-lieu de canton, et reçoit le
Sulon, ou ruisseau de Corlay, à 1,200 mètres en amont de Gouarec. Dans cette petite ville, il recueille le
tribut du Doré et rencontre le canal de Nantes à Brest pour en faire désormais partie intégrante jusqu'à Pontivy, qui s'est appelée quelque temps
Napoléonville. A partir de Gouarec, et surtout du confluent du Doulas, devant les ruines de l'abbaye de Bon-Repos, il s'engage dans une vallée sinueuse, d'un bel aspect, formée par des talus à pic ou des roches de granit ayant jusqu'à 100 mètres de hauteur au-dessus des eaux. Après avoir servi pendant plusieurs kilomètres de limite entre les Côtes-du-Nord (à gauche) et le Morbihan (à droite), et passé à 2,000 mètres en droite ligne de Mûr-de-Bretagne, le Blavet entre définitivement dans le Morbihan pour y baigner Pontivy, Hennebont, Lorient et tomber dans l'Océan par la rade de Lorient ou de Port-Louis.
De Pontivy à la mer, il est navigable, pendant 75 kilomètres, dont 15 de navigation maritime entre Hennebont et Port-Louis : toutefois la navigation y est peu active au-dessus d'Hennebont, et les navires qui remontent jusqu'à cette ville ne tirent que 2 mètres; mais Lorient est un de nos cinq ports militaires en même temps que notre premier chantier de construction, et il reçoit les navires de guerre. Le cours du Blavet dans les
Côtes-du-Nord est de 60 kilomètres. — Parmi les affluents du Blavet, le Doré mérite une mention comme étant
le ruisseau qui remplit les étangs de Glomel, notamment celui du Coron, dont les 2,770,000 mètres cubes sont une réserve pour l'alimentation du canal de Nantes à
Brest".
----------- Observation JC Even : La source se trouve au sud-ouest de Bourbriac. |
* V.A Malte-Brun (1882) : "Le Blavet prend sa source dans l'étang du Blavet, commune de Bothoa; il passe dans le département à Gouarec, à Saint-Aignan, et, à quelque distance de cette dernière commune, il entre dans celui du Morbihan (voir l'hydrographie du Morbihan)" |
i Extrait de la carte BAYO : Carto explorateur 3, à partir de la carte IGN 1/25000 La source du Blavet ne se situe pas à Felhan, mais plus haut, à 300 mètres à l'ouest de Kerborn et à 300 mètres au sud de la crête 298 |
* J. Rigaud (1890) : "Le Blavet, qui prend sa source au Felhand, en Bourbriac, traverse l'étang du blavet, passe à Maël-Pestivien et Kerrien, près de Trémargat, où il reçoit le ruisseau de Coz-Milin; passe près de Saint-Nicolas et Sainte-Tréphine, où il reçoit le ruisseau du Sulon; passe à Gouarec, où il tombe dans le canal de Nantes à Brest". |
i Panneau de direction au carrefour de Sant-Houarneau-Coz. La source du Blavet, qui n'est pas nommée, se trouve entre Kerborn et Pen Leguer Vras. |
i Kerborgne n'est pas la source du Blavet, mais celle d'un ruisseau affluent du Trieux. La source du blavet se trouve plus loin, à 300 mètres, sur le côté gauche de la route, à l'endroit d'un ancien village Kergroas aujourd'hui totalement disparu. |
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* A. Dauzat; G. Deslandes; Ch. Rostaing
(1978) :
- Blavet : fl. côtier du Morb. (Blavetum, VIè s.; Blavet, 871), ne peut être le germanique blao, bleu (cf. "le Blavet tout noir", Brizeux), non plus que 2 Var, aff. Argens r. g. Le rad. (pré-latin) est prob. Blab- (cf. Blabia, IIIè s., Notitia Dignitatum, identifié à Port Louis". V. Bloue." -------------- - Borne : n. divers cours d'eau Ardèche, Cantal, Drôme, Jura, H.-Loire, Sav., H.-Sav.; S.-et-Loire, source S.-Marne : rad. pré-latin born-, 'trou de source", "source", par ext. "rivière" (Dauzat, Et. de ling. fr. 222); Bornant, C.-d'Or, aff. Armançon, est un anc. cas régime en -an, V. FURAN; Bourne, Is. et rs. Drôme (Borna 1107) (dér. Bournette, H.-Sav.) est une var. régionale avec o fermé. Borgne, Gard, aff. Gardon-de-St-Jean, représente un dér. *born-ia (ou a subi l'attraction de borgne). |
* Michel Grandin (1993) :
Le Blavet (Blavia). Fiche d'identité : fleuve côtier se jetant dans l'Atlantique; long. 136 km, bassin 2 615 km2, débit 21 m3/s, alt. 282-0 m ; type océanique rapide; puis ria soumise à la marée; un barrage (retenue 51 millions de m3); navigable sur 60 km (vingt-huit écluses), canoë-kayak sur 40 km supplémentaires + 12 km sur la ria; pêche moyenne (gardon, brème, quelques saumons); clair en amont, peu pollué à partir de Pontivy. Arrose Pontivy, Hennebont, l'agglomération de Lorient. *****
Le petit Blavet traverse frileusement ce pays où les pierres parlent, où d'étranges rochers erratiques ne savent plus ce qu'ils doivent à la terre, aux divinités ou à l'homme. Il sent la nécessité de se ressourcer dans le sol. Profitant d'énormes éboulis de granité, il s'y enfonce dans un cheminement infernal, long de quatre cents mètres. S'approcher de ce chaos nécessite deux cents mètres de marche difficile, sur un sentier de sous-bois vite raviné, dans un paysage menaçant qu'emplissent les gémissements de la rivière. Le nom de Blavet, la rivière bleue, aurait une origine franque et non bretonne. Est-ce donc pour fixer la couleur de l'eau que l'on entreprit, en 1923, la construction du barrage de Guerlédan ? La terre et le fleuve furent rétifs à se laisser dompter, et l'inauguration n'eut lieu qu'en 1930. On ne parvint jamais à installer l'ascenseur à péniches qui devait remplacer les dix-sept écluses du canal de Nantes à Brest qui emprunte ici le cours du Blavet, et se trouve coupé depuis 1922. Des doutes subsistent sur la solidité du barrage. Les schistes ardoisiers s'effritent dans le lac de retenue que l'on vide tous les dix ans. Alors on nettoie, on colmate, on consolide, tandis qu'un village englouti apparaît au milieu des fonds stériles. Autour de l'insouciance des activités nautiques continuent de régner les mystères de la giboyeuse forêt de Quénécan, et l'ombre de Konomor. Cet intéressant seigneur vivait au-dessus du Blavet, dans son château de Saint-Aignan. Comme tant d'autres, il pillait ses sujets; mieux, il tuait parfois quelques-uns d'entre eux, pour se distraire. Comme on lui avait prédit qu'il serait mis à mort par son fils, il avait trouvé expédient de faire passer de vie à trépas ses quatre premières femmes, dès qu'il avait su qu'elles attendaient un enfant. Il s'apprêtait à faire de même pour la cinquième, Tréphine, lorsqu'elle s'évada. Ensuite, les versions diffèrent, faute d'un officiel récit de Théramène. Pour les uns, Tréphine accouche prématurément dans la forêt de Quénécan ; Konomor la débusque et lui tranche la tête; mais elle la ramasse et le nourrisson marche vers les murs du château qu'un poignée de terre fait effondrer dans le Blavet. Pour d'autres, Tréphine est égorgée par Konomor, mais saint Gildas, qui passe souvent dans la région, la ressuscite. Elle accouche ensuite de Trémeur que Konomor décapite. Là, tout s'embrouille : le méchant expie, bien sûr, mais des mains d'un autre fils de sa première épouse, qui avait pourtant inauguré la macabre série. Le Blavet ne donne aucune explication. C'est sur le Blavet, à Pontivy, qu'en 1790 les Angevins s'assemblent avec des fédérés bretons pour déclarer leur foi dans la France. La ville s'attache ensuite à la Révolution, puis à l'Empire. Napoléon la récompense en l'ornant de grandioses édifices publics, et en y créant un nouveau quartier aux rues quadrillées. Pontivy portera fièrement le nom de Napoléonville sous l'Empire, le premier comme le second. Elle a toujours ses quais de Presbourg, du Niémen et d'Arcole, et son avenue Napoléon-Ier. En juillet 1940, un éphémère gouvernement breton autonome voit le jour à Pontivy. Napoléon ordonna aussi la création du canal de Nantes à Brest et la canalisation du Blavet, qui ne sera terminée qu'en 1825. Toute navigation commerciale y a disparu en 1966, mais la plaisance a pris un brillant relais. Saint-Nicodème possède un bel édifice gothique qui abrite trois fontaines sacrées. Une quatrième, détachée, est consacrée à saint Cornély. Du clocher voisin, haut de 46 mètres, on survole les détours de la rivière, qui ne tarde pas à inscrire sa plus belle boucle, presque refermée autour de la montagne de Castennec, d'où la vue s'égare, en amont comme en aval, vers la mystérieuse vallée. Là s'élevait la ville de Sulim, mentionnée sur la plus vieille carte du monde, la table de Peutinger, entre Vannes et Carhaix. Gaulois et légionnaires romains y adoraient la déesse Sul, d'origine orientale, et ils opposèrent une forte résistance aux missionnaires chrétiens, y compris à saint Gildas lui-même. Au XVIIè siècle, les habitants rendent encore un culte à une statue d'allure égyptienne, Sul peut-être, qu'ils appellent la Dame de Fer. L'évêque de Vannes en prend ombrage et la fait jeter dans le Blavet en 1661. Les paysans l'en retirent en 1664. En 1670, l'évêque envoie des ouvriers pour la faire mettre en pièces; ils lui portent deux coups, prennent peur, et la reposent dans le fleuve. C'est évident, les eaux magiques la rendent indestructible. En 1696, le comte de Lannion, esprit éclairé, repêche la statue, la fait retailler et disposer dans son château de Quinipily. Le château sera détruit, il n'y aura plus de comte de Lannion, mais la Dame de Fer demeure intacte, au centre de l'ancienne enceinte, sous le nom surprenant de Vénus de Quinipily, alors que rien, dans ses formes, n'évoque la déesse de l'Amour. Hennebont, dernier pont sur le Blavet, est au Moyen Âge une solide place forte du duc de Bretagne. Or le duc Jean III meurt en 1341, désignant sa nièce, Jeanne de Penthièvre, mariée à Charles de Blois, comme son héritière. Fureur de Jean de Monfort, demi-frère du duc défunt, qui se prétend souverain légitime. Il est capturé par le roi de France, Philippe VI, qui soutient Charles de Blois. La femme du prisonnier, Jeanne de Flandre, doit fuir Rennes, mais s'enferme dans Hennebont, que Charles assiège en mai 1342. Jeanne de Flandre sort nuitamment avec une poignée de cavaliers et met le feu au camp français. Le siège se poursuit pourtant, et les privations deviennent insoutenables. Mais, comme dans une fiction bien réglée, c'est au moment même où les bourgeois de la ville supplient la duchesse de se rendre qu'on annonce les voiles de la flotte anglaise remontant l'estuaire du Blavet, pour venir au secours d'Hennebont. Deux jours plus tard les Français lèvent le camp. Le salut de Jeanne la Flamme était venu du fleuve. La guerre de la Succession de Bretagne n'était pas finie pour autant. Elle durera encore vingt-deux ans, mais ceci est une autre affaire. Ainsi les eaux du Blavet brassent le sacré, la légende et l'histoire. Elles tracent un chemin cosmique, parcouru par tous les mythes qui hantent la Bretagne. Elles en sont l'esprit, peut-être la vraie divinité". |
i Poterie gauloise. Propriété privée François ROLLAND. Reproduction réservée |
* François Ménez (1990) :
LE BLAVET Rivière de PONTIVY et de HENNEBONT Nulle rivière ne résume plus fidèlement que le Blavet les caractères du cours d'eau breton ni l'extrême variété de ses rives. Plus breton que la Vilaine, qui ne coule qu'à travers des schistes, le Blavet traverse lui-même presque de part en part la Bretagne, dont il reflète tous les aspects et dont il roule les légendes. Né aux confins trégorrois, il passe dans la Haute-Cornouaille du Poher et finit en pays "gwénédour", baignant les trois évêchés bretonnants. Il descend du Pestivien, où sa source est à trois-cent six mètres d'altitude, près de Saint-Houarneau, en Bourbriac, tout près des sources de la Sule, affluent du Tournemire, qui, sur le versant septentrional, porte ses eaux au Trieux. Ce n'est d'abord qu'un chevelu de ruisselets qui, à quelques kilomètres de leur source, se rejoignent dans l'étang du Blavet, petite nappe d'eau très poissonneuse, de plus réduite par l'invasion des joncs et des roseaux. S'égouttant de cet étang, le Blavet, va droit vers le Sud, à travers un pays d'une sauvage beauté, que le petit chemin de fer de Corlay et de Saint-Nicolas-du-Pélem n'a tiré que depuis peu d'années de son complet isolement. Au village de Saint-Antoine, en Trémargat, que domine une chapelle minuscule aux murs de granit niellés de mousse, il s'engage dans une vallée profondément encaissée, longe le vieux manoir de Lampoul-Izella, caché à demi dans ses pommiers, où La Tour d'Auvergne passa plusieurs années d'enfance, et, à quelques centaines de mètres de là, disparaît en bouillonnant dans le Toul-Goullic, chaos prodigieux de roches qui, libérées par l'érosion, ont roulé au fond du ravin. Le Blavet mugit sous l'entassement des blocs granitiques, dans un paysage fantastique que l'imagination populaire a peuplé de korrigans v et de fantômes. Sur les pentes très abruptes qui le dominent, la trace des sentiers anciens se perd sous une végétation touffue de fougères, de coudriers et de genêts hauts comme des arbustes. La solitude du paysage, l'un des plus farouche de l'Argoat, n'est troublée que par quelque intrépide pêcheur, poursuivant de roc en roc la truite qui, dans la profonde nuit des gouffres et dans le tumulte des eaux qui l'assourdissent, se laisse prendre assez vite à l'hameçon. Le Blavet, après plusieurs centaines de mètres de ce cours souterrain, reparaît, apaisé, à l'air libre. Il laisse, sur sa droite, le village de Tremargat : quelques maisons misérables, revêtues de chaume, serrées autour d'un cimetière aux ifs évidés et d'une antique église, presque en ruines, dont l'intérieur sent l'humidité et la moisissure. Il se grossit de nombreux et minuscules affluents qui lui apportent, à travers des campagnes vertes, le tribut de leurs eaux limpides. Puis, s'étant heurté au premier chaînon de la Montagne Noire, qui lui oppose sa barrière de granit, il s'infléchit vers l'Est, après avoir reçu, à Gouarec, la petite rivière du Doré, qu'emprunté le canal de Nantes à Brest. Alors commence, dans la traversée des schistes, entre les hauts talus du Pélem et de la forêt de Quénécan, la partie merveilleuse de son cours. A chaque méandre, le décor change : l'or des landes, dévalant en somptueuse avalanche des hauteurs de Rosquelfen et du Rohanno, alterne avec la verdure des bois sombres en une région pleine de contrastes attirants. Après Gouarec qui, au débouché du canal, serre au long du halage ses maisons austères, le Blavet s'engage dans une gorge, dominée au Nord, par une haute bordure de collines, au Sud par la forêt de Quénécan, l'une des plus vastes et des plus belles de la Bretagne intérieure, dont les frondaisons s'étagent jusqu'aux sommets du Squel et de Sainte-Brigitte. Il reçoit, à gauche, au point où sa vallée s'élargit entre la colline, surmontée d'une aiguille rocheuse, de Rosquelfen et les pentes adoucies de Saint-Gelven, la Daoulas, qui lui apporte les eaux du haut-pays de Corlay et dont le cours est plein de charme agreste. Au confluent des deux rivières, entre Gouarec et Mur, se dressent encore les ruines de l'abbaye de Bon-Repos que le vicomte Alain III de Rohan fonda dans ce calme paysage, au XIIe siècle, pour les moines de l'ordre de Citeaux. L'abbaye connut des siècles de vie prospère où elle fut, aux lisières du Vanne-tais, un centre civilisateur. Mais aujourd'hui, de toute une belle histoire, il ne reste que quelques murs que le lierre a envahis. L'abbaye, pillée, a vu ses pierres dispersées : du granit de ses ruines on a bâti le clocher de Saint-Mayeux, des murs d'églises, de fermes, de maisons d'éclusiers, où l'on reconnaît, enchâssés, des blocs armoriés. Tout au long de cette vallée, le souvenir des Rohan, qui en furent les maîtres, est cependant demeuré vivace. On le retrouve aux ruines de l'ancien château des Salles, qui, sur l'autre rive du Blavet, font face à celles de Bon-Repos et d'où se dégage une même impression de grandeur mélancolique. Elles se mirent dans un vaste étang, que domine la chapelle de Guir-Mané, et sur les bords duquel on rencontre ces macles, en forme de petites croix de Saint-André, formés par la pénétration de deux cristaux de même nature, en lesquels, "divinement et miraculeusement" se reconnurent les armes primitives des Rohan. Poursuivant sa trouée par les gorges, le Blavet coule au long de pentes abruptes, sous les futaies de Quénécan, mêlant au murmure des pinèdes le mugissement sourd de ses écluses. Ayant reçu, auprès de Mur-de-Bretagne, le fougueux ruisseau de Poulancre, dont la vallée, longeant les bois du Quéllenec, a le pittoresque d'une combe jurassienne, le Blavet entre définitivement dans le Morbihan qu'il limitait depuis les ruines des Salles. A un resserrement de ses rives boisées a été construit le puissant barrage de Guerlédan, qui retient ses eaux en un beau lac, long de dix kilomètres, vert ou doré, suivant les saisons, du reflet des bois qui le bordent et qu'il a en partie ennoyés. Ainsi s'est constituée, entre Cauray et Saint-Aignan, une petite mer intérieure -la petite mer blanche du Blavet - qui, loin de nuire, comme on l'avait craint, au pittoresque du paysage, lui a donné une beauté nouvelle, la beauté d'un miroir d'eau où le ciel breton, l'un des plus sensibles et des plus mobiles qui soient, fait courir la procession de ses nuées. Le Blavet, après le barrage, reprend son cours paisible, entre des rives élargies. Il traverse un pays calme, où l'on rencontre, à chaque pas, le souvenir de Comorre, roi du Poher, dont la légende a fait un monstre chargé de tous les forfaits. Les ruines du puissant château qu'il habitait, avec la douce Triphine, fille du roi Wéroch, se voient encore, à Castel-Finans, sur la rive droite du Blavet, en Saint-Aignan, où le fleuve, avant le confluent de la Poulancre, se dispose à prendre la direction du Sud, dans sa traversée du Vannetais. Et les traces de Triphine, fuyant le Barbe-Bleue breton, se retrouvent elles-mêmes, dans les bois de Quénécan, au long de la voie romaine où, pour dépister ceux qui la poursuivent, elle a retourné les fers de son cheval... Voici le lieu ou, entendant sur ses pas les abois du lévrier de Comorre, elle s'est réfugiée, défaillante, dans la hutte d'un berger. Et voici l'église, édifiée à l'endroit précis où, malgré ses sanglots, Comorre abattit son glaive sur sa tête... Et les murs de Castel-Finans s'écrouleront sous la poignée de terre de Gildas le vengeur, dont, en aval de Pontivy, nous retrouverons à Bieuzy l'ermitage. Ayant doublé l'éperon tragique, où les ruines de l'ancien château s'effacent aujourd'hui sous les broussailles, le Blavet, du Sourn à Corboulo, continue de développer dans les schistes ses méandres, descendant, au long d'une voie d'eau vraiment royale, vers Pontivy. Au charme, à la richesse de la campagne qu'il baigne, semée de fontaines, de chapelles, d'agglomérations pimpantes et qui fait songer aux pays tourangeaux, on pressent l'approche d'une petite capitale. Et c'est une capitale, en effet, que Napoléon, au lendemain des insurrections chouannes, et pour en empêcher le retour à jamais, rêva d'instituer à Pontivy, où le Blavet pénètre, après avoir prêté passage à la route qui, à travers le pays vert, mène de Cléguérec à Neuillac, et laissé sur sa droite la petite chapelle du Stival. De cette vieille ville qui est, au plein cœur du plateau de Rohan, le centre géographique de la Bretagne, il voulut faire un centre administratif et stratégique, en la reliant, par de larges voies droites, aux villes bretonnes de la côte et en la rejoignant, par le canal, à deux villes françaises de vieille date : Nantes et Brest. Ce rêve ne se réalisa que d'une façon bien imparfaite. Le canal, creusé à grands frais, sillonné de rares péniches, ne répond guère à l'idéal que l'Empereur avait conçu. Et Pontivy, malgré le charme du Blavet et de la nature qui l'enveloppe, n'est, au cœur de l'Argoat, qu'une sous-préfecture assoupie. Inférieure à ce grand destin pour lequel elle n'était point faite, elle garde cependant, de cette entreprise vouée à l'échec, une dualité qui demeure aujourd'hui son caractère dominant : bretonne par sa ville basse, ses vieux quartiers, son château du XVe, qu'y construisit Jean II, comte du Porhoët, elle est française, - Napoléonville déchue, - par ses avenues mélancoliques et désertes, tracées au cordeau, ses monuments : tribunal, lycée, casernes, qui opposent leur morose architecture à la fantaisie pittoresque des maisons à pignons aigus, à fenêtres à meneaux et à pilastres, à étages encorbellés, qui donnent un tel charme aux rues de la Cendre, du Pont, du Fil, du Cuir à poils, évocatrices des vieilles corporations. Le Blavet, sorti de Pontivy, reprend son cours au milieu des mêmes verdures riantes, baignant le château de Rimaison qui domine de ses ruines l'une de ses boucles. Il se resserre ensuite entre deux chaînes de collines qui parfois tombent à pic sur ses rives, jusqu'à Saint-Nicolas-des-Eaux où il contourne, en un curieux lacet, la butte, chargée d'histoire, de Castennec. De ce Belvédère d'où l'œil suit, jusqu'aux brumes de Quistinic, la belle coulée de la rivière, les Romains, pour affermir leur conquête, avaient fait un observatoire d'où ils surveillaient, de Vorgium à la Petite mer, toute l'étendue du pays des Vénètes. De leur station de Sulim, qui fut le Pontivy romain, quelques vestiges demeurent : des débris de colonnes et de chapiteaux, une borne milliaire du temps de Tribonien et la barbare Vénus de Quinipily qui frappa si fort Mérimée lors de son voyage en Bretagne. Le Blavet, après Bieuzy, large comme un fleuve, s'en va d'un trait à travers un vieux pays qui a gardé tout son caractère jusqu'à ce que, s'étant grossi du sar qui, dans une région sauvage, lui apportr les eaux de la Montagne Noire, il se heurte, au voisinage de Baud, à la pointe occidentale contournée par l'Evel des Landes de Lanvaux. Il prend alors la direction de l'Ouest, dessinant ses derniers méandres au long de vallées mélancoliques et presque désertes, entre Inzinzac et Languidic, dans une contrée ancienne que se disputèrent âprement, au temps de la chouannerie, les Bleus et l'Armée royale. Il gagne ainsi Hennebont, où commence l'estuaire et qui mire dans la coulée claire du Blavet ses maisons du passé, étagées sur sa double colline. Hennebont, point extrême où remonte la marée, a le double aspect de tous ces petits ports bretons nichés au fond vert des rias. Ce fut jadis une forteresse féodale, l'une des plus importantes de Bretagne et dont Froissard pouvait dire "On avait plus grande joie en ce temps-là de la prise et saisine d'Hennebont que de tels quarante chasteaux du duché..." Jeanne de Flandre s'y retrancha au temps de la guerre de Succession et, en grand danger d'y être capturée, ne dut son salut qu'aux six-mille archers anglais de Gautier de Mauny qui, venus par le Blavet, forcèrent Blois à lever le siège. De ce passé batailleur, Hennebont garde ses portes d'En-Bas et de Bro-Eroc, sa Ville-Close, avec son dédale de ruelles aux pavés inégaux, bordées de très vieilles demeures, son puits ferré, son Abbaye-de-la-Joie dont la chapelle, où prièrent jadis les moniales, est réduite au rôle prosaïque de fenil, et sa flèche, dont le couchant enflamme les lichens, de Notre-Dame-de-Paradis. Mais tout voisin de cette ville médiévale, recueillie dans ses souvenirs, est l' Hennebont moderne des haras et des Forges de Lochrist, qui font retentir la vallée du bourdon sourd des usines. C'est sous cette rumeur de peuple au travail que rouleront désormais les eaux du Blavet, jusqu'aux chantiers de Caudan et de Lanester, où elles s'en vont rejoindre, pour former la rade de Lorient, les eaux du Scorff, doux au cœur de Brizeux. Bâti, comme l'a dit Stendhal, "par la main de la Raison" l'ancien port de la Compagnie des Indes n'a pas la poésie exaltante des vieux ports comme Brest ou Saint-Malo, riches de traditions maritimes et où il semble que coure, plus héroïque, le souffle de l'aventure. "Dans notre Lorient tout est clair ; dès qu'on entre, La platitude de ces vers de Brizeux traduit cependant à merveille la banalité de Lorient et ce qu'il y a de froid, d'un peu gris, de trop strictement rectiligne dans les rues de ce port de guerre, dans ses quais à marées, dans ses constructions géométriques, dans son triste frigorifique de la Perrière. Rien ne semblait marquer Lorient pour le beau destin qui fit d'elle, au temps de Law, une grande ville marchande. Jaillie, il y a trois siècles des grandes landes du Faouëdic, face à l'îlot à feu de Saint-Michel et au couvent de Locmiquélic, elle se trouva d'emblée grand port de commerce, porte des mers du Sud et des Iles, pleine d'un parfum épicé de rhum et de cannelle. Le déclin est depuis lors venu, mais de cette époque, Lorient garde aux pierres de ses quais, comme aux syllabes de son nom, un peu de la grande féerie orientale. Il s'y ajoute un charme proprement breton : celui des coiffes, des "cols bleus", de la Tour des Signaux dominant la ville, des auberges à matelots qui sentent le cidre et le muscadet, des croiseurs au repos dans les replis d'une rade dormante qui, à haute mer, ne manque pas de majesté ; de l'horizon ouvert, aux lointains entrevus de Groix et de la petite mer de Gavres, sur les grands fonds de l'Océan et les routes mouvantes de l'Amérique. Lorient, c'est encore, outre son port, sa couleur bretonne, plus prenante à certaines heures et en certains quartiers, outre ses souvenirs d'une grande époque coloniale, la douceur d'un estuaire fertile en beaux détours que l'on découvre, avec tout leur charme mélancolique, de l'embarcadère de Pen-Mané ou des légers surplombs de Kernel. Le Blavet, avant de finir, se resserre entre le fort de Kernével et la citadelle de Port-Louis, qui est, au débouché de l'estuaire, comme un îlot plein de la tristesse des villes embaumées. Les hautes lames, aux marées d'équinoxe, battent ses remparts, entre la tour de Nesmond et la tour des Prisonniers, et le vent secoue les marteaux, aux portes des vieux hôtels de la rue du Four et de la route de Locmalo, demeurées telles qu'au temps des officiers rouges et du gouverneur de Brissac. Une mélancolie règne sur l'esplanade et sur l'anse du Diasquer, qui découvre à mer basse sa vasière. Des mails plantés d'arbres, au long de l'Océan, donnent vue sur le chenal, ponctué d'îlots : les Trois Pierres, les Truies, les Errants, et sur la petite mer de Gavres, qu'égayent les voiles rouges et blanches des sardiniers. C'est par un soir d'été ou des débuts d'automne qu'il convient de voir Port-Louis, quand Groix s'éclaire, au loin, des derniers rayons du soleil, tombant derrière les dunes de Gavres. C'est l'instant où à la faveur du crépuscule qui s'épand et du silence que ne rompt plus que le murmure marin, des colloques mystérieux nous lient aux vieux murs de la citadelle, qui ont une âme et des yeux aussi. Alors Port-Louis reprend, pour une heure, dans la tristesse de son esplanade et de ses mails déserts, toute sa couleur et son caractère du passé, du temps de la Compagnie des Indes, des subrécargues et des officiers à catogan. Et tel gros chalutier, remontant le chenal jusqu'aux quais de la Perrière, fait songer, dans la lumière incertaine du crépuscule sur l'Océan, à quelque flûte lourde des trésors des Iles ou à l'une des nefs de Gilbert de Mauny, voguant à pleines rames, avec ses archers génois, au secours d'Hennebont assiégée". ******* |
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i Le site de Sulim / Castennec, en Bieuzy, dans la boucle du Blavet Cliché Google-maps |
Sources; Bibliographie :
* A. MARTEVILLE et P. VARIN, continuateurs et correcteurs, e, 1843, du : Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, par OGEE, vers 1780 * Anonyme : Dictionnaire des communes des Côtes du Nord. vers 1860. * M.N BOUILLET : Dictionnaire Universel d'Histoire et de Géographie. Hachette. 1863. * Adolphe JOANNE : Département des Côtes du Nord. Hachette. 1878. * V.A MALTE-BRUN : La France illustrée. 1882. * J. RIGAUD : Géographie historique des Côtes du Nord. Imprimerie Francisque Guyon. Saint-Brieuc. 1890. Réédition La Tour Gile. 1995. * Albert DAUZAT, Gaston DESLANDES; Charles ROSTAING : Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France. Éditions Klincksieck. 1978. * François MENEZ : Rivières bretonnes. Calligrammes. Cercle culturel Quimpérois. 1990. * Michel GRANDIN : Rivières de France. Histoires et portraits. Éditions François Bourin. 1993. * Éditions BAYO : Carto Explorateur 3. Données topographiques et logiciel de navigation. Cartes 1/25 000 sur CD. IGN Paris 2003. * Google earth : photo satellite : http://maps.google.com/maps?f=q&hl=fr&q=Bourbriac&ll=48.448788,-3.242683&spn=0.00333,0.004699&t=h&om=1 |