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Histoire de Châteaubriant
Istor Kastell-Brien
* OGEE : Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédiée à la Nation bretonne. vers 1780. Châteaubriand; dans un fond, sur la rivière de Chère ; par les 3° 44' 20" de longitude, et par les 47° 43' de latitude; à 12 1ieues de Nantes, son évêché, et à 10 1ieues 2/3 de Rennes. Cette ville est une ancienne baronnie qui appartient à M. le prince de Condé. Elle ne renferme qu'une paroisse sous le nom de Saint-Jean-de-Béré *, qui ressortit au présidial de Rennes. On y compte environ 3000 communiants. La cure est à l'Ordinaire. Quatre grandes routes arrivent à Chateaubriand, où l'on trouve une communauté de ville, une subdélégation, une brigade de maréchaussée, une poste aux lettres, un marché tous les mercredis, les couvents des Trinitaires et des Ursulines, la chapellenie du Lore, présentée par les seigneurs de la Galissonière; celle de Saint-Antoine, par les Bourdons; celle de Jean Chapelle, par la famille de ce nom; celle de Saint-Jean, par le seigneur de Chateaubriand; celle au Duc, par le roi; celle du Légat de la Fuite, par les religieuses de la Fuite, et les maisons nobles et prieurés suivants, dont les justices s'exercent dans la ville. La maîtrise des eaux et forêts, à M. le prince de Condé; Chateaubriand et annexes, baronnie, haute-justice, au même prince; Chavelier [Chauvelière], et Marzelière, hautes, moyennes et basses-justices, à M. de Bechenque; le Bois-Briand, haute, moyenne et basse justice, à M. le Normand de la Baquais [la Baguais]; la Coquerie et Monjonnet, moyennes et basses-justices, à M. Thuillier; la Grée-Courpéan et Bourg-Gérard, moyennes et basses-justices, à M. Kerbondet [Kerbourdel] de la Courpéan ; le prieuré de Saint-Michel-des-Monts*, moyenne et basse-justice, à M l'abbé Fournier, titulaire; Villeneuve, moyenne et basse-justice, à M. de l Biochais, président au Parlement de Bretagne; le prieuré de Béré*, moyenne et basse-justice, à l'abbaye de Marmoutier; le Bois-Verd et la Vallée*, moyennes-justices, à M. de Bouexic [De la Driennais] .En 1380 , on y voyait encore les maisons nobles de la Maroulaye [Maloraye], la Pisardière, la Bitrière, la Goupillière-Choësel*, la Borderie [à M. de la Pilorgerie, en 1788]; la Bagaye [double emploi], la Jarretière, le Pas-Bernier, le Bois-.Anet et les Fougerais. Ce territoire est arrosé des eaux de la rivière de Chère [Cher], qui prend sa source dans la paroisse de Soudan, à une lieue de cette ville, dans les fossés de laquelle elle vient passer, et va se jeter dans la Vilaine. Il renferme le parc de Chateaubriand, d'environ 160 arpents, qui appartient à M. le prince de Condé. On trouve aux environs de cette ville quelques bons terrains, de belles prairies, et des landes. Elle se nommait Cadetes* du temps des Romains, et ne consistait que dans un château qui appartint dans la suite aux comtes de Nantes, et auprès duquel Briand*, premier du nom, comte de Bretagne, et fils d'Etienne de Bretagne, frère du duc Alain IV, fit jeter les premiers fondements de cette ville, qu'il appela de son nom Chateaubriand. L'an 1056, ce Briand, qui avait eu pour apanage tout le pays des environs, fonda le prieuré de Saint-Jean-de-Béré, qu'il donna ensuite à l'abbaye de Marmoutier, du consentement d'Airard, évêque de Nantes. Cette fondation fut confirmée par Geoffroi de Chateaubriand, son fils, et Gasco, fils de Geoffroi, qui acheva de bâtir l'église de ce prieuré, qui se trouve aujourd'hui située dans un des faubourgs, et qui a toujours été l'église paroissiale de la ville. Il s'éleva à l'occasion de ce prieuré, entre les moines de Redon et ceux de Marmoutier, un procès considérable, qui fut terminé l'an 1104, au concile de Nantes, par Gérard, évêque d'Angoulême, légat de Paschal II. Béré resta dans la possession des moines de Marmoutier, qui, pour se réconcilier avec ceux de Redon, leur donnèrent l'île Darré, dans la Loire, et une chapelle sacerdotale de vingt livres, que l'abbaye de Marmoutier devait acheter en leur nom. Connaissait-on alors la simonie ? Très-certainement : elle est d'une date bien plus ancienne ! Cependant la charité nous oblige à croire que ces bons moines ne la connaissaient pas. Ce prieuré était encore desservi, en 1640, par six moines de Marmoutier, annexé à la maison de Fancel, dans le diocèse de Rennes. L'an 1160, Chateaubriand fut érigé en baronnie en faveur de Briand, second du nom [Châteaubriant de Beaufort], qui avait épousé Tréphine Du Guesclin. L'an 1201, fut fondé le prieuré de Saint-Michel*, près Chateaubriand, par Geoffroi, baron de Chateaubriand, qui y fut inhumé l'an 1207. Le 3 mars 1222, il se donna auprès de cette ville une sanglante bataille entre la plus grande partie de la noblesse de Bretagne et Pierre de Dreux, son souverain. Ce dernier remporta la victoire sur les seigneurs de Léon, de Craon et de Vendôme, qui furent faits prisonniers, conduits au château de Touffou, paroisse du Bignon, et gardés étroitement dans une longue captivité. Leur armée était composée en partie de Normands et de Manseaux, qui prirent la fuite : ceux qui résistèrent furent taillés en pièces par les troupes du vainqueur, qui fit payer bien cher à ses prisonniers la liberté qu'il leur accorda dans la suite. En 1235, Louis IX, ou Saint Louis, envoya, dans le comté de Nantes, une armée qui s'empara de Chateaubriand, et ravagea tous les environs. L'an 1243, Geoffroi de Thouars donna à Geoffroi de Chateaubriand les sénéchaussées de Candé et du Lion d'Angers. En 1250, Geoffroi, quatrième du nom, baron de Chateaubriand, partit avec Louis IX, roi de France, pour aller combattre les Infidèles, qui défirent l'armée française et firent le roi lui-même prisonnier. Ce monarque, après avoir payé sa rançon, revint en France avec Geoffroi, dont le retour inattendu causa tant de joie à son épouse, qu'on rapporte qu'elle mourut en l'embrassant. Le 3 septembre 1262 , ce seigneur fonda auprès de son château le couvent de la Trinité, qui fut occupé par un ministre et quatre chanoines. La même année, Louis IX, pour récompenser Geoffroi de Chateaubriand des services qu'il lui avait rendus, lui donna pour armes des fleurs de lys d'or sans nombre, au lieu de pommes de pin qu'il portait auparavant. En 1281, Chateaubriand formait deux paroisses : l'une, sous le nom de Saint-Sauveur-de-Béré, et l'autre, sous celui de Saint-Jean-de-Béré*. Mais les moines, pour n'avoir qu'un vicaire à payer, surent bientôt, par leur adresse ordinaire, les réunir, et des deux n'en faire qu'une seule. En 1423 , il y avait encore dans le prieuré de Béré un prieur et des moines. Robert de Dinan était alors seigneur de Chateaubriand. La chapelle au Duc fut fondée, en 1460, par le duc François II. Il s'en réserva la présentation à lui et à ses successeurs, de sorte que c'est le roi qui la présente. Le 28 juin 1465, le duc de Berri, frère du roi Louis XI, vint à Chateaubriand. Tous les prisonniers furent élargis, et l'on fit de grands divertissements pour honorer l'arrivée de ce prince. Le 4 avril 1485, le seigneur de Pont-Briand eut ordre de se rendre à Chateaubriand en qualité de gouverneur de cette place. En 1487, Jean de Rieux ayant abandonné le parti de Charles VIII, roi de France, partit d'Ancenis à la tête de quelques troupes des ducs de Bretagne et d'Orléans, et marcha vers Chateaubriand, qui lui ouvrit ses portes sans difficulté, dans la pensée où étaient les habitants de cette ville que ce seigneur était encore attaché aux intérêts du roi. Dès qu'il y fut entré avec ses troupes, il se rendit au château, où il trouva François de Laval, son gendre, seigneur de Montafilant et de Chateaubriand, qui était à souper avec quelques antres gentilshommes. Il leur déclara qu'il s'emparait de la place au nom du duc de Bretagne; mais qu'il y était entré comme ami, et qu'il permettait à tous ceux du parti contraire d'en sortir, si bon leur semblait, avec armes et bagages, pour se retirer où ils voudraient. Le 15 avril 1488, le duc de la Trimouille, à la tête de douze mille hommes de bonnes troupes, assiégea, avec une artillerie formidable, cette ville défendue par douze cents hommes, tous excellents soldats, sous les ordres d'Odet-d'Aidie, frère de Lescun. Le siège fut poussé et soutenu avec vigueur. Dès que la brèche fut praticable, on se disposa à donner l'assaut; mais les assiégés, se voyant dans l'impossibilité de résister, demandèrent à capituler, et remirent, après huit jours de siège, cette place au général des troupes du roi, qui en fit démolir le château et la majeure partie des remparts*. En 1524, Jean de Laval, chevalier des ordres du roi, et Françoise de Foix, son épouse, firent rebâtir le château de cette ville à côté de l'ancien, qui, comme nous l'avons dit, avait été démoli par ordre de Charles VIII. Ils donnèrent ensuite cette seigneurie à Henri de Foix, leur neveu, fils cadet d'Odet de Foix, avec une réserve de l'usufruit pendant leur vie. L'acte en fut passé à Lujon, le 18 juillet 1525. Le 9 juin 1531, le roi François Ier, étant à l'Ile-Adam, donna le gouvernement de Bretagne à Jean de Laval, chevalier de son ordre et baron de Chateaubriand. Ce monarque vint l'année suivante en Bretagne, et se rendit à Chateaubriand, où il fut reçu par Jean de Laval et Françoise de Foix, son épouse; il y séjourna six semaines, après lesquelles il partit pour Vannes, où il avait convoqué les Etats de la province. Françoise de Foix était une des belles femmes de son temps; mais sa vertu, qui égalait sa beauté, ne put la mettre à couvert des traits de la calomnie. Varillas et Brantôme rapportent que cette dame fut une des maîtresses de François Ier; qu'il la quitta pour s'attacher à la duchesse d'Etampes; que Jean de Laval, irrité de son infidélité, lui fit ouvrier les veines, et qu'elle mourut cinq jours après l'opération, l'an 1526. Cette date seule détruit une semblable supposition, puisqu'il est prouvé qu'elle ne mourut que le 16 octobre 1537. D'ailleurs, sa vertu se trouve suffisamment justifiée par l'épitaphe que son époux fit grave sur son tombeau, où l'on voit encore, avec son effigie en marbre blanc, dans l'église du couvent de la trinité de Châteaubriand*. Il ne sera peut-être pas inutile de la mettre sous les yeux du lecteur (1).
Sour ce tombeau gît Françoise de Foix, De qui tout bien ung chacun souloit dire, Et le disant, onc une seule voix Ne s'avança d'y vouloir contredire : De grand beauté", de grâce qui attire, De bon sçavoir, d'intelligence prompte, De biens, d'honneur, et mieux qui ne raconte, Dieu éternel richement l'étoffa. O ! viatuer, pour t'abréger le conte, Ci-gît ung rien la où tout
triompha. FF. Cette épitaphe * nous prouve clairement l'étroite union dans laquelle vécurent ces deux époux; et le vicomte de Lautrec, frère aîné de la comtesse, mort en 1528 , n'eût pas chargé Jean de Laval, son beau-frère, de la tutelle de Claude de Foix, sa fille unique, si ce seigneur avait été le meurtrier de sa sœur. L'an 1539, Jean de Laval, gouverneur de Bretagne, le même dont je viens de parler, donna, en don simple et irrévocable, par acte passé à Paris le 5 janvier, à Anne de Montmorency, premier baron et connétable de France, la place, baronnie et châtellenie de Chateaubriand; les baronnies de Candé, île Chanvaux, de Derval, de Jans, de Beauregard et de Guemené-Painfaut; les châtellenies de Vioreau , Nozay, Ville-Auchef, Issé, Teille, et les seigneuries de Rouge et Duteil. An mois de juin 1551, le roi Henri
II donna à Chateaubriand un édit qui renouvelait tous ceux qui avaient
été faits contre les hérétiques, avec pouvoir aux juges présidiaux de
les juger souverainement, et défense d'en admettre aucuns à l'exercice
des offices royaux et à la profession des sciences, sans une attestation
certaine de leurs vie et mœurs. Il ordonna pareillement que les
mercuriales se fissent dans les cours souveraines, et qu'avant toutes
choses on examinât les sentiments et la conduite des juges à l'égard de
la religion. Le 10 septembre 1561, les calvinistes de Bretagne tinrent
leur premier synode provincial à Chateaubriand. On ne sait point qui y présida.
Le sieur de la Porte-Louveau dit qu'il s'y trouva avec les cinq autres
ministres qui étaient établis avant lui. Ces ministres étaient MM.
Gravier et du Fossé, de Rennes; M. Cabanes, dit Bachelar, de Nantes; M.
de Mondanay, de Vitré; M Lernet, de Chateaubriand, avec des anciens et
diacres des cinq églises, et quelques autres qui n'avaient pas encore le
titre de ministres, par exemple, ceux qui célébraient l'office divin à
Ploërmel, Bain et Nort. L'historien ne fait point mention des ministres
de Blain, de Sion, du Croisic et de Vieillevigne, qui sont les plus
anciennes églises calvinistes, et celles qui ont le plus duré. Les actes
de ce synode sont d'une grande simplicité, comme ceux des deux premiers
synodes nationaux. En quatorze petits articles sont compris les règlements
ou décisions sur les questions proposées, faits par le ministre de Vitré,
par celui de Rennes et par M. de la Parade, qui est seulement nommé. On
ne sait ce qu'était ce dernier, et quel rang il tenait dans l'assemblée.
Il est à croire que c'était un ancien de Chateaubriand. Après ces actes
se trouve un règlement du Consistoire de Rennes, appelé Police, aussi en
quatorze articles : il avait été fait quelque temps avant le synode de
Châteaubriand. On y lit que chaque église calviniste de la province aura
une copie de ce règlement, et s'y conformera jusqu'au prochain synode général,
qui l'examinera et ordonnera ce qu'il trouvera bon. En 1563, il y avait à
Chateaubriand un ministre protestant, qui assista l'année suivante au
synode de la Rochebernard. L'an 1565, le roi Charles IX, étant à
Chateaubriand, réunit plusieurs jurisdictions royales de Bretagne aux sièges
présidiaux et royaux de cette province. Ce prince demeura quelque temps
avec toute sa cour à Chateaubriand, ville assez souvent honorée de la présence
des rois. L'an 1570, Charles IX vint pour la seconde fois à Châteaubriand,
où il fit venir le célèbre jurisconsulte Bertrand d'Argentré, qu'il
voulut voir et consulter. L'an 1589, la ville et château de Châteaubriand,
où le duc de Mercœur avait mis une forte garnison, furent pris par le
moyen de Mme du Bois-du-Tiers, sœur du marquis de Cucé, qui entretenait
des intelligences avec les ennemis du duc. Le Parlement de Rennes députa
deux présidents et un conseiller, qui se joignirent aux députés de la
ville, pour aller porter cette nouvelle à Henri IV. Dans la nuit du 7 au
8 mars 1590, peu s'en fallut que cette ville ne fût surprise par les
troupes du duc de Mercœur, à qui elle avait été vendue par le
capitaine Goderest. La trahison fut découverte, et l'on prit si bien ses
mesures que, lorsque le duc de Mercœur se présenta pour entrer, il fut
repoussé avec perte par la garnison. Le perfide Goderest fut tué dans le
combat, à la tête de sa compagnie. Le 10 février 1595, Châteaubriand
pensa retomber entre les mains du duc de Mercœur par la trahison des
habitants, qui avaient promis d'ouvrir leurs portes aux capitaines de Coëtquen
et de Monbaro. Le 16 avril 1597, cette ville, dont le duc de Mercœur s'était
enfin emparé, fut reprise par Saint-Gilles, officier d'Henri IV. Jacques
de La Courpéan en était alors gouverneur. Le 27 avril 1614, on confirma,
à l'audience de la jurisdiction de Châteaubriand, le contenu d'une
sentence qui condamnait certains sergents de cette jurisdiction à une
amende de 6 livres, et aux dépens d'un appel modéré à 15 livres, pour
avoir refusé de mettre un criminel au carcan. Comme ils prétendaient que
cette action ignominieuse ne pouvait être donnée qu'à l'exécuteur de
la haute-justice, défenses furent faites à tous particuliers de jamais
reprocher aux appelants l'exécution dont on les chargeait. L'an 1643,
furent fondées les Ursulines de Chateaubriand. Le 24 février 1701,
naquit en cette ville le fameux médecin François-Joseph Hunauld. La
terre et seigneurie de Chateaubriand appartint d'abord à la famille de ce
nom; en second lieu, à celle de Laval, d'où elle passa à celle de
Montmorenci; et enfin à celle de Bourbon-Condé, qui en jouit
aujourd'hui. ******* |
* Marteville et
Varin (1843) : CHATEAUBRIANT; cette ville, chef-lieu de sous-préfecture,
a une cure de 2è classe et une desservance; bureau de poste et relai;
brigade de gendarmerie à cheval; bureau de l'enregistrement; chef-lieu de
perception; elle était en 1790 chef-lieu du district de ce nom. — Limit.
: N. Rougée; E. Soudan; S. Erbray; Saint-Aubin-des-Châteaux; O.
Saint-Aubin-des-Châteaux, Rougé. — Princip. vill. : La Galissonnière,
les Rivières, la Brissonnais, les Fougerais, la Briotais; l'Embinais, le
Bignon, la Rouaudière, le Bois-Briand, Chanteloup. — Superf. tot. 3343
h. 93 a., dont les princip. divis. sont : ter. lab. 2150; prés et pat.
443; bois 365; verg. et jard. 50; landes et incultes 131; étang 42; sup.
des prop. bat. 28; cont. non imp. 133. Const. div. 686. Moulins 8.
>>> L'église Saint-Sauveur-de-Béré a maintenant la cure de
deuxième classe; c'est depuis peu de temps que Saint-Jean-de-Béré, réparé,
a obtenu une desservance. Cette église, autrefois paroissiale, est
d'architecture romane et fort remarquable; primitivement elle était
prieuré (Sancti-Joanni de Bairiaco), et avait été fondée par le
premier seigneur Briant, ainsi que le rapporte Ogée, et, selon le père
du Paz, achevée par son petit-fils, qui, mort eu 1114, y avait été
enterré. — Le prieuré de la Trinité (V. ci-dessous, note signée J.
P.) renfermait, outre le tombeau de Geoffroy IV, son fondateur, ceux de
Jeanne de Beaumanoir, fille du héros des Treille, morte en 1398; de François
de Laval, mort eu 1503, et de Françoise de Rieux, sa femme, morte en
1532; enfin celui de la fameuse Françoise de Fois (Voy. ci-dessus). Tous
ces tombeaux ont été détruits pendant la révolution. La simple pierre
d'ardoise qui portait l'épitaphe de Françoise fut retrouvée à Châteaubriant
en 1818, servant, dans une cuisine , de pierre d'évier; elle fut acquise
par le procureur du roi, qui la mit à orner une de ses fenêtres. Nous
ignorons ce qu'elle est devenue depuis. — On voyait encore du temps du père
du Paz le vitrail où était représentée la mort touchante de Sibyle,
femme de Geoffroy IV. — Les armes de la ville de Châteaubriant n'étaient
pas pareilles à celles des barons : elles étaient d'azur, à trois
fleurs de lys d'or (deux et une), brisées en cœur d'un bâton raccourci
et péri en bande. — La Vallée, dont parle Ogée, est en Louisfert (Voy.
ce mot). — Hunaut, médecin célèbre, mort a Paris en 1742, était né
à Châteaubriant en 170l ; son père, qui suivait la même carrière,
avait aussi quelque réputation. — Ogée indique comme une seule maison
La Goupillére-Choësel; c'est une erreur, la Goupillère appartenait au
prieuré de Béré, et Choësel aux moines de la Trinité. — La
superstition qui règne toujours dans les campagnes donne aux êtres
imaginaires, auteurs de tout ce qui arrive de malheureux, des noms divers.
Aux environs de Châteaubriant, on attribue aux sorciers de Montoir tout
ce qui, aux yeux des paysans, a quelque chose de surnaturel. — II y a
foire le premier mercredi après la Trinité, le 14 septembre, le premier
mercredi après la Toussaint; le lendemain quand un de ces jours est férié.
— En 1793, l'armée républicaine, marchant de Rennes sur Angers, apprit
à Châteaubriant que les Vendéens étaient maîtres des faubourgs de
cette dernière ville. Rossignol, furieux de cette nouvelle, voulut faire
guillotiner Kléber. Mais celui-ci triompha de cette colère, et prit le
commandement de l'armée. — Deux ans plus tard, les insurgés de Châteaubriant
reçurent communication, à la sollicitation de Puisaye, des conférences
de la Mabilais. — En l'an 8, Châteaubriant fut pris par Sol de Grisolle
et les insurgés sous son commandement. — Géologie : phyllades;
psammites et grès quartzeux alternant. Du quartz agathe pyromaque avec
polypiers a servi a paver la chapelle Saint Nicolas, et un rendez-vous de
chasse qui est dans le parc de Châteaubriant. On ignore d'où peut venir
cette roche. — Archéologie : Dom Morice, Preuves, t. 1, col.
108, 128 , 154, 420 , 421, 426, 1001, 1002 , 1010 ; t. 2, col. 1002 , 1551
; t. ï , col. 83,186, 200 , 239, 458 , 463 , 584, 585 , 586 960,1034,
1705,1707, 1774,1751. - Alb. de Morlaix, p. 431. — On parle le français.
>>> D'après l'histoire généalogique du P. du Paz et la réformation de la noblesse de Bretagne de 1668, les seigneurs de Châteaubriant tireraient leur origine de la maison de Bretagne par Brient, quatrième fils d'Eudes, comte de Penthièvre et de Goëllo. Mais cette origine n'a point été admise par dom Morice dans son tableau généalogique des princes bretons. Cet Eudes ou Eudon était fils de Geoffroy Ier , et d'Havoise de Normandie. Il mourut en 1079, laissant cinq enfants légitimes de sa femme, Agnès de Cornouailles, et trois enfants naturels. Parmi ces derniers on trouve bien un Brient, qui se signala parmi les Bretons que Guillaume emmena à la conquête de l'Angleterre, et s'y établit; mais il n'y a rien de commun entre ce Brient et celui qui, dès la fin du Xè siècle, avait donné son nom à Chateaubriant. En effet, dans l'extrait donné par dom Morice, Pr. l, 401, de trois chartes de Marmoutier, concernant la fondation du prieuré de Bairé-lez-Châteaubriant, ou trouve que ce Brient ou Brien possédait, dans le pays Nantais, un château qui, de son nom, était appelé Chateaubriant; que son père se nommait Tihern, sa mère Innoguent, sa femme Adelende ou Hildeblende, ses fils Gaufrid ou Geoffroy, Teher et Guy. Testibus Brientio fitio Tiherni matreque Innoguendi.....voluntate et assensu auctoritatis matris meœ Innoguent et conjugis mece Adelendis, nec nonet filiorum meorum, Gaufridi videlicet atgue Teherii, simulque Guidonis concedens,.. Ces chartes, sans date, ont été placées par les Bénédictins sous l'année 1050. Mais si cette date convient à celle où Geoffroy est nommé comme ayant succédé à son père Brient, Gaufredus posteà, filius Brieni, qui jam defuncto successerat patri, il faut de toute nécessité reculer les deux autres de plusieurs années. Brient était mort avant sa mère. Une charte du cartulaire de Redon, placée sous l'an 1062 (dom Morice, Pr. I, 418), et ayant pour objet un procès entre les moines de Redon et ceux de Marmoutier pour le prieuré de Bairé, prouve qu'il ne vivait déjà plus alors, nunc jam defuncto; et l'on y voit figurer sa mère Innoguent, qui y explique les donations qu'elle et son fils avaient faites antérieurement à l'abbaye de Marmoutier. On voit clairement que Brient, fils de Tihern et d'Innoguent, mort avant 1062, ne peut être confondu que par erreur avec Brient, fils bâtard d'Eudon, compagnon de Guillaume à la conquête d'Angleterre, en 1066. Geoffroy succéda à sou père Brient, et la seigneurie de Chateaubriant fut conservée dans cette branche aînée jusqu'à Geoffroy VIII, du nom, qui fut tué en 1347, au siège de la Roche Derrien, tenant le parti de Charles de Blois contre Montfort. Il ne laissa point d'enfants d'Isabeau d'Avaugour, sa femme. Louise de Chateaubriant, sa sœur, femme de Guy XII, de Laval, lui succéda et mourut aussi sans postérité; et ce fut Charles de Dinan, leur neveu à la mode de Bretagne, à qui passa la baronnie de Châteaubriant. Son fils Jacques ne laissa qu'une fille, la belle Françoise de Dinan, la plus riche héritière de la province, qui, après la mort de l'infortuné Gilles de Bretagne, son premier mari, épousa Guy, XIVè du nom, comte de Laval. Jean de Laval, son petit-fils, fut le dernier baron héréditaire de Chateaubriant. Il mourut en 1542, et comme il ne lui était point resté d'enfants de Françoise de Foix, il donna, eu 1539, cette belle et grande seigneurie à Anne de Montmorency, de la maison duquel elle est passée aux princes de Conde, et de ceux-ci aux d'Orléans. Une seconde branche s'était formée vers le milieu du XIIIè siècle, par Brient de Chateaubriant, fils de Geoffroy IV, et elle prit le nom de Beaufort, à cause de Jeanne, dame de Beaufort, qui épousa Briant. Cette branche était réduite, en 1669, à la personne de Christophe de Chateaubriant, sieur de la Guerrande. Il obtint, le 7 septembre de la même année, un arrêt qui le déclarait noble d'ancienne extraction. On croit que c'est à cette branche que se rattache la famille du célèbre vicomte de Chateaubriant. Enfin un autre fils de Geoffroy IV et d'Amaurice de Thouars, sa deuxième femme, Jean de Chateaubriant forma la branche des Roches Baritault. Cette branche s'est propagée dans l'Anjou et dans le Maine. Il n'en restait en 1668, lors de la réformation de Bretagne, que le comte des Roches-Baritault, fils puîné de Philippe de Chateaubriant, lieutenant-général du Poitou, devenu fils unique par la mort d'Isaac, sou frère aîné, qui ne laissa point d'enfants. Ogée, eu affirmant que Chateaubriant se nommait Cadetes au du temps des Romains, ne fait que répéter, sans critique, l'une des conjectures de nos vieux érudits du XVIè siècle, qui, trouvant dans la majeure partie des manuscrits et éditions des Commentaires de César ce mot Cadetes placé parmi les noms des cités gauloises attenant à l'Océan, et appelées, dans leur propre langue, Armoriques, et ne voulant rien laisser passer sans explication, ont cherché dans toute la Bretagne où placer ce Cadetes, et ont donné, on ne sait pourquoi, la préférence à Chateaubriant. Au reste, ce château qui, vers la fin du Xè siècle ou le commencement du XIè, reçut, comme nous l'avons déjà dit, le nom qu'il a conservé, paraît avoir existé bien longtemps avant cette époque; et l'on peut raisonnablement conjecturer qu'il a été dans l'origine un camp romain, quand on saura qu'une voie antique, partant de Blain, passe très-près et au midi de Chateaubriant, se dirigeant au nord-est vers le Bas-Maine, et probablement à Jublains, qu'on croit avoir été l'ancienne capitale des Diablintes. Placé sur une éminence au-dessus de la ville, il était entouré de profonds fossés que la Chère remplissait de ses eaux, et flanqué de quantité de tours. On distingue encore le très-ancien château, et celui que fit bâtir, dans la première moitié du XVIè siècle, Jean de Laval, dernier baron de Chateaubriant. Cette nouvelle enceinte, ajoutée à la première, a donné à l'ensemble une vaste étendue. Le vieux château était assez resserré, comme toutes les anciennes forteresses. « Le donjon, bâtiment solide et fort élevé, a été découronné. La tour de ce donjon avait été recouverte; mais le défaut d'entretien, pendant la révolution, a tout à fait ruiné la flèche, qui n'existe plus. ».....La pose des assises de pierre (des vieilles tours) est symétrique, et le ciment est si dur que la pierre résiste moins que lui à l'action des outils. On y voit encore l'ancienne chapelle et la salle des gardes, longue de 30 mètres, sur 10 mètres de largeur. " (Mém. manusc. de M. Connesson, anc. maire de Châteaubriant.) Ogée fait remonter la démolition du vieux château à l'époque de sa prise par les troupes du roi Charles VIII, en 1488. Cela n'est pas probable. Jean de Laval n'aurait pas fait édifier, près d'une ruine qu'on ne lui aurait pas permis de réparer, le beau château qui a reçu plusieurs fois les rois de France, et sur la porte duquel il avait fait placer l'inscription suivante, qui atteste le soin et le temps que lui coûta cette construction : DE MIEULX EN MIEULX, POUR L'ACHEVER JE DEVIMS VÏEULX. 1538. Il est à croire que cette démolition n'a été faite que sous le règne de Henri IV, qui, après avoir appaisé les troubles de la Ligue en Bretagne, ordonna le démentèlement d'un grand nombre de places fortes dans la province. Elle pourrait encore avoir eu lieu sous Louis XIII, en 1632, quand Richelieu eut fait décapiter, comme rebelle, Henri de Montmorency, seigneur de Chateaubriant. Ce château, confisqué dans la Révolution sur
le prince de Condé, ne fut pas aliéné nationalement. Il fut donné,
sous l'Empire, à la Légion-d'Honneur, puis vendu par la caisse
d'amortissement, en 1807. Le château neuf et une partie de l'ancien
furent acquis par M. Connesson, ancien maire; la grande salle des gardes
et le pavillon y attenant, par M. Bernard du Treil, ancien sénéchal du
prince, député et sous-préfet. Les acquéreurs y firent des réparations
considérables, et n'hésitèrent pas cependant à en faire la remise au
prince de Condé, lors de son retour eu France. Le duc de Bourbon l'a
vendu, vers 1822, partie à la ville de Châteaubriant et partie au département.
Cette acquisition, qui assure la conservation de cette belle ruine, est
due à l'administration éclairée d'un préfet qui a laissé à Nantes
les plus honorables souvenirs, le comte de Brosses. >>> Chateaubriant, chef-lieu d'un des arrondissements du département de la Loire-Inférieure, occupait autrefois le centre d'un assez vaste territoire privé de routes. C'était par des voies sinueuses, encaissées, impraticables durant la plus grande partie de l'année, que s'exportait à grands frais le surplus d'une agriculture arriérée. depuis puis trente ans la réparation des anciennes routes et le percement de nouvelles voies de communication, a donné un aspect nouveau à ce territoire, une vie nouvelle à son agriculture. Des rapports directs et fréquents avec Nantes, Rennes; Laval, Angers, Vitré, Redon et Ancenis ont relié ce territoire avec les populations voisines de la Loire, de la Vilaine et les habitants industrieux du Maine. L'agriculture a profité la première de ce progrès. Une grande partie de ces vastes landes, dont la vue attristait le voyageur, ont été partagées, encloses et défrichées. La faculté d'exporter le surplus des céréales à des frais modérés, jointe à la facilité d'importer des engrais, a stimulé la production. Il n'est peut-être point de contrée où l'influence des voies de communication sur l'état de l'agriculture ait été plus prompte et plus féconde en heureux résultats. Châteaubriant a conservé jusqu'ici son enceinte de murs presque intacte. Le château, vendu à divers propriétaires, a subi quelques transformations qui n'ont pourtant pas dénaturé complètement son caractère féodal. Le vieux donjon, assis sur un monticule, présente toujours ses pans de murailles, crevassés et tapissés de lierre. Dans la cour d'honneur ou voit encore les restes d'une galerie à colonnade, en belle pierre bleue, qui rattache la façade principale des bâtiments à un pavillon d'une architecture hardie et élégante. Un escalier en spirale, conduisant aux anciens appartements que la tradition désigne comme ayant été habités par Françoise de Foix, est digne d'être visité. La plupart des ornements qui décoraient la chambre dite de Françoise de Foix, ont disparu avec le temps. On remarque encore, toutefois, des restes de dorures sur les boiseries du plafond, ainsi que sur le chambranle en bois sculpté de la cheminée. Des vestiges de fresque, représentant l'histoire de l'Enfant prodigue, existent aussi sur le mur du fond de la galerie à colonnade. L'ancien château, celui des Brient, facile à distinguer de la partie plus récente et plus ornée, n'a subi que bien peu d'altérations depuis un demi-siècle, et même depuis la fin du XVIè siècle, époque à laquelle le pouvoir central et monarchique jugea prudent de démanteler cette vieille demeure féodale, de briser cette armure qui pouvait au besoin abriter une poitrine ennemie. La solidité des premières constructions a résisté aux atteintes des siècles, à l'abandon et même au mauvais vouloir des hommes, les pierres, ébranlées et désunies par la sappe, sont restées disjointes, mais n'ont pas roulé à terre. Des tours jumelles, tranchées du haut en bas parle milieu, montrent encore d'un côté leur distribution intérieure avec tous ses détails, et de l'autre leur forme extérieure intacte, comparable à deux tubes rapprochés. A voir, du côté de la cour, à quelle terrible et profonde blessure ont survécu ces géants, on dirait des combattants de l'Arioste qui chevauchent encore à travers la mêlée, après avoir été pourfendus par un fer ennemi. Si l'intérieur de la ville a conservé eu partie l'aspect et la distribution du moyen-âge, beaucoup de constructions modernes, commodes et élégantes, se sont élevées depuis le commencement de ce siècle. Le couvent de la Trinité, où reposaient les restes de Françoise de Foix, n'offre plus de traces de son ancienne destination; la chapelle a disparu; les cendres de Françoise de Foix ont été dispersées. Le prieuré de Saint Michel-des-Monts a été transformé, ainsi que le couvent de la Trinité , en une habitation moderne. Il ne reste plus de vestiges de là Chapelle-aux-Ducs. Saint-Sauveur de Béré a été soigneusement respecté. La chapelle, réparée avec goût, existe intacte. Saint-Jean de Béré, autrefois église paroissiale de la ville, et un des plus anciens oratoires de la province, vient d'être de nouveau , après un long abandon, érigé en succursale. Cet acte de réparation a sauvé d'une ruine certaine un édifice qui porte des caractères précieux d'une haute antiquité. L'industrie manufacturière n'a pas jusqu'ici acquis, à Châteaubriant, autant de développement que l'industrie agricole, dont les progrès ne tarderont pas à transformer le territoire voisin de la ville. Les anciennes manufactures de drap et de serge ont peut-être souffert de la diminution de ces troupeaux de moutons qui couvraient autrefois les pâturages ou plutôt les terrains incultes de ce territoire. L'industrie des laines, ancienne dans le pays pourrait cependant y prospérer. Quelques capitaux , l'introduction des procédés nouveaux et des machines perfectionnées, ranimeraient la fabrication. La préparation des peaux destinées a la ganterie n'occupe plus un aussi grand nombre d'ouvriers qu'autrefois. Des produits similaires, tirés d'Espagne, et préparés dans le midi, principalement à Annonay, jouissent dans le commerce d'une plus grande faveur. La diminution des troupeaux de chèvres conséquence des progrès de l'agriculture, est aussi un des causes de la décadence de cette industrie. Des mou lins à farine perfectionnés, des fours à chaux, quelque grandes tanneries, sont aujourd'hui les principaux établissements industriels de Châteaubriant. La vente et l'entreposage des produits agricoles forment le principal commerce du pays. Le passage des voitures de roulage, des diligences, le transit des marchandises, le séjour momentané des voyageurs, sont d'une grande importance pour cette ille. Placée au point d'intersection d'un grand nombre de routes, tout ce qui peut activer ce mouvement, relier plus intimement ce pays, soit au bassin de la Loire, soit à celi de la Vilaine, achèvera le progrès de ses diverses industries. Perfectionner l'agriculture, préparer à ses produits des débouchés nombreux et faciles, tel est le but vers lequel doivent converger tous les efforts des habitants e ce territoire. (J. P). |
* Adolphe-Laurent
Joanne (1874) : Châteaubriant Châteaubriant, Castrum brienti, est situé à 64 kilomètres de Nantes, sur la Chère, aux confins de la Bretagne et de l'Anjou. Cette ville doit son origine et son nom à un château fort fondé en 1015 par un comte de Penthièvre nommé Brient ou Brion. A ce château se rattache le souvenir de deux femmes célèbres à différents titres : Sybile, femme de Geoffroy IV, et Françoise de Châteaubriant. Geoffroy, ayant été fait prisonnier pendant la septième croisade avec le roi saint Louis, resta pendant plusieurs années en Egypte. Lorsqu'il revint dans son pays, on ne l'attendait plus. Avertie par un messager, sa femme Sybile accourut au-devant de lui, se jeta dans ses bras et expira de joie. Geoffroy fit peindre cette scène sur les vitraux de l'église des Pères de La Trinité. L'histoire de la seconde dame est beaucoup moins édifiante. Elle était fille du vicomte de Lautrec et avait, par l'entremise de la reine Anne, épousé Jean de Laval, comte de Châteaubriant, en 1509. François Ier la vit et en fut épris. La comtesse devint une favorite très puissante; mais le désastre de Pavie et la captivité de Madrid laissèrent au roi le temps de l'oublier; il la délaissa pour la duchesse d'Etampes. Elle supporta sa disgrâce avec dignité et rentra en Bretagne. On dit, c'est une tradition populaire, que son mari, pour se venger, la fit enfermer avec sa fille, âgée de sept ans, dans une chambre du château. Cette chambre était à peine éclairée et tendue de noir. L'enfant mourut; Françoise allait la suivre quand Jean de Laval, témoin invisible de cette double agonie, entra dans la chambre, accompagné de deux chirurgiens et de plusieurs hommes masqués, et fit saigner sa victime aux quatre membres jusqu'à ce que mort s'en suivît. Est-ce vrai? Il nous est permis de ne pas le croire. La comtesse mourut en 1537, et son mari lui fit élever, dans l'église du couvent de la Trinité, un magnifique mausolée avec une épitaphe, composée par Marot, et cette fière devise : Point de plus, prou de moins. Jean déshérita néanmoins les parents de sa femme, et le domaine de Châteaubriant passa aux Montmorency. Henri II et Charles IX séjournèrent dans ce château. Pendant les guerres de Vendée, il fut occupé par les chouans. Il a beaucoup souffert, mais on peut encore en visiter une grande partie. On y remarque un bel escalier de pierre, des cheminées et des boiseries richement sculptées dans le goût de la Renaissance. Trois tours de l'ancien château sont également conservées. Châteaubriant a des fabriques d'étoffes, des confiseries d'angélique, des poteries, des tanneries, et fait le commerce des bestiaux, des grains et des engrais. |
* A. Robida (1890)
: p. 295 et suiv.
"La ville de Châteaubriant au pied de son double château, a dès longtemps brisé sa ceinture de murailles particulières et s'est un peu répandue par les brèches qu'elle y a faites; c'est une petite bourgeoise qui dédaigne ses atours de jadis et change peu à peu chaque pièce de sa toilette, mais pas toujours, pas souvent au bénéfice de sa beauté. Ainsi font toutes nos villes, à l'exception de celles qu'une heureuse pauvreté met à l'abri des tentations d'une fausse coquetterie. Une petite rivière longe les maisons de Châteaubriant; elle baigne encore sur un point un fragment d'anciennes murailles bien modifiées, amalgamées avec les maisons arrangées en un très joli tableau. C'est sur le boulevard de la Torche : Un petit pont de pierre aux toutes petites arches, donne entrée en ville devant les prairies-et les maisons éparpillées du faubourg campagnard de Saint-Jean-de-Béré. Murailles couvertes d'herbes, morceaux de tours apparaissant au-dessus des maisons accrochées aux bouts de rempart, petit pont de bois jeté dans le fossé, portes ouvertes dans la muraille pour descendre à des pierres où des laveuses battent leur linge, tout cela se reflète dans l'eau tranquille, - mais pas pour longtemps, hélas! car on comble le large fossé qui n'aura bientôt plus qu'un mince ruisseau coulant presque invisible au pied des murs. Ces murailles se retrouvent encore sur d'autres points, mais sans grand aspect pittoresque. Quelques façades curieuses brillent aussi
çà et là parmi les vieilles maisons de Châteaubriant, donnant bonne figure à quelques carrefours de la Grande-Rue, rue du Pélican ou rué de Couëré. Sur une vaste place irrégulière s'élève comme à Redon un clocher isolé, mais un clocher peu joli, un clocheton quelconque planté sur une tranche d'église, ancien portail plaqué de colonnes de l'ancienne église Saint-Nicolas démolie. Ce clocher va disparaître aussi, on achève la nouvelle église, bel édifice gothique dont l'abside complètement terminée est flanquée à droite et à gauche à côté de curieux petits porches, de belles sacristies à pignons portant en leur milieu un coffre de cheminée en encorbellement à l'extérieur. La colline aux deux châteaux s'élève en pente douce du côté de la ville, elle est plus abrupte vers le faubourg de la Torche que baigne un petit étang. Là, de grands arbres moutonnent et grimpent jusqu'en haut de l'escarpement sous les murailles ruinées. C'est le côté du vieux château, une ligne de courtines et de tours criblées de trous, montrant le ciel à travers leurs brèches. Bel aspect romantique de la grande ruine, des tours ouvertes dans leur partie supérieure, à tous les vents, crevassées et embroussaillées à leurs sommet et habitées dans leur partie inférieure, ainsi qu'on le voit avec surprise aux fenêtres d'en bas. Arbres et vieilles tours dominent la nappe herbeuse de l'étang de la Torche; le tableau serait complet si les arbres, fort beaux d'ailleurs, sous lesquels circule un petit sentier grimpant, ne masquaient en partie la ruine. Le château neuf est à la suite, sur la crête de la colline, enchâssé aussi dans l'épais feuillage d'une promenade tracée au-dessous au revers des anciens fossés. Sur la campagne, le château neuf élève par-dessus les arbres de grands corps de logis et de hauts pavillons flanqués de tours rondes, percés de fenêtres à croisillons de pierres et garnis sur leurs combles de lucarnes à frontons ornementés. La promenade tourne à la base des tours, un petit chemin plonge dans le vert sombre, dans les profondeurs mystérieuses sous les vieux arbres. Les flancs tournés vers la ville sont aussi masqués, non par des arbres, mais par des maisons dont les jardins occupent ce qui reste des fossés.
L'entrée principale donnant accès dans la grande cour est ici sous la grosse tour de la prison actuelle, à côté de la gendarmerie qui occupe les tours voisines à l'angle du château neuf, mais il y a plus loin une autre entrée par un escalier filant entre les maisons et aboutissant à l'une des anciennes portes du vieux château. On se trouve là dans une première cour, devant des bâtiments fort abîmés, puis soudain l'intérieur de la grande cour apparaît, lumineux, ensoleillé, avec sa grande ruine, son donjon troué, crevassé et lézardé, et son château neuf brillant au fond sous un coup de lumière, derrière les arcades d'une sorte de cloître Renaissance. C'est un superbe tableau que cet ensemble de vieilles tours éventrées du moyen âge et d'élégantes constructions de la Renaissance, juxtaposées, se dressant à des plans divers parmi les verdures désordonnées. Cette grande cour occupe le sommet du plateau entre les deux châteaux; en avant surgit du fond du fossé le gros donjon carré du vieux château, très atteint, très ébréché, ruiné tout à fait dans sa partie haute et dressant au-dessus les débris d'une tourelle à pans coupés. Des arcades cintrées, parfois drapées de lierres dessinant comme une galerie de cloître, ferment la cour du château neuf; à travers la petite colonnade se montrent les corps de logis élégants et les grands combles des pavillons du château de la Renaissance. Ce vieux donjon des sires de Châteaubriant, d'une des neuf baronnies primitives de Bretagne, est le plus ancien morceau du château bâti au XIè siècle par Briant, fondateur également du prieuré de Saint-Jean de Béré, fils d'un cadet du duc de Bretagne, Alain III, duquel Briant ville et castel prirent le nom. L'un de ses descendants fut le Geoffroy de Châteaubriant qui combattit à côté de saint Louis à Mansourah en Terre-Sainte, et reçut du roi cette magnifique devise pour ses armes : « Mon sang teint les bannières de France. » Geoffroy venait de se marier, quand il se croisa avec les autres Bretons, malgré les supplications de sa femme Sybille, à qui la légende attribue le don de seconde vue. Longtemps on le crut mort, il était seulement captif. Tiré des mains des Sarrazins, il revenait après des années à son castel de Bretagne, sans avoir pu annoncer son retour; mais Sybille n'avait pas besoin de messager, un beau matin, elle se leva troublée et annonça que son seigneur et maître était proche, elle fit baisser le pont et partit par les champs. Un chevalier s'avançait de son côté en grande hâte, c'était le croisé. Comme Sybille serrait enfin son époux dans ses bras, elle fléchit soudain les genoux et tomba morte devant lui. Dans les guerres qui troublèrent les dernières années du dernier duc de Bretagne François II et les premières années de la petite duchesse Anne, dont plusieurs hauts et puissants seigneurs, parmi lesquels l'archiduc Maximilien, déjà veuf de Marie de Bourgogne, et le duc d'Orléans, qui l'épousa plus tard en deuxièmes noces, se disputaient la main et rêvaient surtout d'obtenir les domaines, en attendant qu'un cinquième ou sixième larron, Charles VIII, roi de France, survînt, rompant un mariage déjà contracté par procuration avec la fille de ce même Maximilien, et prît pour lui la duchesse et le duché, Châteaubriant fut assiégé et pris en 1488 par l'armée française, commandée par la Trémouille. L'artillerie de la Trémouille ouvrit de fortes brèches au vieux château, dont le démantèlement s'acheva peu après la Ligue.
L'histoire de la célèbre comtesse de Châteaubriant, Françoise de Foix, femme du sire de Laval, est obscure et la légende a, dit-on, fortement brodé autour. Françoise fut longtemps la maîtresse de François 1er et la reine de la cour brillante du roi-chevalier, lequel roi-chevalier, tombé au retour de sa captivité de Madrid dans les fers de la duchesse d'Etampes, osa, pour les offrir à la nouvelle favorite, redemander à l'ancienne ses bijoux, que la comtesse de Châteaubriant renvoya aussitôt en lingots. Après sa disgrâce, la comtesse retourna au manoir de Jean de Laval; comment osa-t-elle y rentrer, comment y fut-elle reçue par son mari, on ne sait. C'est alors que la légende apparaît. Elle raconte la longue et féroce vengeance du mari. Jean de Laval tint sa femme d'abord cruellement enfermée dans ce château qu'il s'occupait à orner et embellir, lui faisant expier dans une sévère solitude ses années brillantes et coupables. Cette existence de recluse dura sept longues années. Puis un jour le roi François, allant à Vannes faire voter par les Etats l'union complète du duché à la France, visita en son château le sire de Laval, gouverneur de la province. Il fallut bien alors permettre à Françoise de sortir de sa chambre close et lui laisser faire les honneurs du castel. Cette visite fut fatale à la malheureuse femme. François, dit-on, se sentit à sa vue repris par son ancien amour. Françoise allait-elle quitter sa prison et rentrer en triomphe à la cour ? tout était possible. Jean de Laval résolut d'y mettre bon ordre. Il réintégra Françoise au fond de sa tour, dans une chambre murée cette fois, sinistrement tendue de noir et éclairée seulement par des cierges. Au milieu de cette chambre, pour compléter la mise en scène, Françoise avait sous les yeux son cercueil tout préparé. Après six mois de captivité dans ce lugubre séjour, Françoise vit un matin entrer dans sa chambre son mari accompagné d'hommes masqués. Sur un signe du maître, ceux-ci saisirent la pauvre femme, la renversèrent et la maintinrent, puis deux chirurgiens lui ouvrirent les veines aux bras et aux jambes, pendant que le mari, les bras croisés, regardait froidement la vie de la pauvre femme couler avec son sang. Cette dramatique expiation n'est pas prouvée heureusement. C'est une légende sans doute, mais qui cache probablement un peu de vérité sous ses exagérations et sa mise en scène; légende qui restera pour toujours attachée aux vieilles pierres du manoir élégant et riant de Châteaubriant où l'on montre encore des appartements occupés par Françoise, sans doute avant la chambre funèbre; légende que l'on se raconte à soi-même sans y croire, en songeant dans la belle cour d'un pittoresque si poétique, ensoleillée et fleurie, où chantent tant d'oiseaux dans le bruissement des feuillages, devant la calme façade du château neuf. Réalité ou fiction, peu importe : dans tous les cas, le sire de Laval eût été un bourreau bien hypocrite, lui qui fit élever à sa femme dans la chapelle du couvent de la Trinité de Châteaubriant un tombeau sur lequel il fit graver ces mots encadrant, des vers louangeurs de Clément Marot : Prou (beaucoup) de moins — Peu de telles — Point de plus. à moins, ce qui est bien possible, que cette épitaphe bizarre, inscrite par le bon seigneur, n'eût tout simplement des sous-entendus ironiques et injurieux. |