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Débarquement royaliste * Dilestradeg ar roueelerien
* Marteville et Varin (1843) : La presqu'île de Quiberon a été le théâtre d'un des plus douloureux combats qui aient ensanglanté, pendant la révolution, le sol de la Bretagne. En 1795, les puissances étrangères, voulant ranimer en Bretagne et en Vendée une guerre civile qui était pour eux une puissante diversion, fournirent aux émigrés armes, argent, munitions et flotte, puis les jetèrent sur les côtes sud de notre ancienne province. Le débarquement se fit à Carnac le 27 juin 1795, sans nulle opposition; au contraire, les émigrés furent presque aussitôt rejoints par un parti d'environ 4000 royalistes, sous le commandement de Georges Cadoudal. 89,000 fusils, de l'artillerie, des vêtements pour 60,000 combattants, des munitions de guerre et de bouche, beaucoup d'argent; le régiment d'Hervily, de 1200 hommes; celui de du Dresnay, de 703 hommes; celui d'Hector ou de la marine, de 700 hommes également; un corps de 600 artilleurs, commandés par M. de Roselier; une brigade de 18 ingénieurs; M. l'évêque de Dol et 50 prêtres; des commissaires des guerres, intendants, etc. (Mémoires de M. de Vauban) (1) : telle était la composition du corps d'invasion, renforcé de plusieurs milliers de soldats enrôlés sur les pontons anglais, et qui devaient former une troupe bien peu décidée. M. le comte d'Hervilly, avec 1e titre de maréchal général des logis, commandait les troupes régulières à la solde de l'Angleterre; mais M. le comte de Puisaye était regardé par les émigrés comme le chef principal de l'expédition. Cette incertitude sur la personne du commandant supérieur fut la cause dissolvante de l'entreprise; et dès le premier jour, une querelle assez vive qui eut lieu entre le général d'Hervilly et M. de Puisaye, fit présager ce qui devait arriver de ce manque d'accord. (Ibid). A la nouvelle du débarquement, une véritable panique s'empara des autorités républicaines, et un mouvement général se fit vers Rennes. C'était pour les royaliste l'instant d'agir. Si, profitant d'un premier moment de stupeur, ils eussent marché jusqu'à la Mayenne, recrutant toutes les bandes qui couraient le pays, ils se fussent bientôt trouvés en ligne avec une force qui, pour être... ------------- (1) M. le comte de Vauban a publié, en 1806, un ouvrage bien curieux et intitulé "Mémoires pour servir à l'Histoire de la guerre de la Vendée" C'est à cet ouvrage, qui est devenu fort rare, et dont l'on assure que les exemplaires ont été vivement recherchés pour être détruits, que nous empruntons la partie de ce récit qui est antérieure a 1a journée de Quibéron. Pour le surplus, les mémoires et le rapports de Tallien et de Hoche nous mettront à même d'offrir un résumé impartial de cette terrible affaire. ------------- ... rompue, n'eût demandé rien moins qu'une armée. Ce fut l'avis de M. de Puisaye; mais M. d'Hervilly, qui ne partagea pas ce plan de campagne, s'y opposa nettement en exhibant des pouvoirs spéciaux, qui, au nom de l'Angleterre, lui donnaient l'entière autorité sur les troupes à la solde de cette puissance. M. de Puisaye demandant qu'il en fût référé au gouvernement anglais, un cotre fut expédié, et l'armée envahissante resta l'arme au bras à attendre une réponse. Bientôt, plus de 10,000 paysans la vinrent rejoindre, et l'on commença seulement alors à débarquer les vivres, magasins, etc. dans la presqu'île de Quiberon, et à les y établir. (Ibid.) Cette presqu'île, qui a environ 4500 mètres de longueur, sur une largeur moyenne de 2300 mètres, n'est reliée a la côte de Bretagne que par une langue de terre ayant tout au plus 80 à 90 m. de large. C'est en cet endroit qu'avait été élevé, dans le XVIIè siècle, le fort dit de Penthièvre, destiné à battre la côte ouest de la presqu'île, et à protéger l'excellente baie qu'elle abrite du côté de l'est. Ce fort, s'il eût été défendu avec résolution, eût singulièrement paralysé les projets des royalistes. Au lieu de cela, il se rendit sans coup férir, et sa garnison s'enrôla lâchement dans les rangs de ceux qu'elle devait combattre. Cependant l'armée royaliste avait commencé un mouvement en avant, pris Landévant, Auray, et marché sur Vannes. Mais le temps d'arrêt qui résultait de la discussion née entre les chefs avait donné le temps aux républicains de se rassurer et de se mettre en état de repousser invasion. Hoche accourait avec les généraux Humbert et Lemoine; réunissant en chemin toutes les forces disponibles, et se faisant rejoindre en poste par ceux qu'il laissait derrière lui : dès le 7 juillet (27 messidor an III), il avait repris l'offensive et attaquait les royalistes sur tous les points. Ceux-ci manquant d'unité, et partagés en autant d'opinions qu'il y avait de chefs, résistèrent courageusement, mais sans ensemble; ils durent plier bientôt sur tous les points, se retirer en désordre vers la presqu'île, où le comte d'Hervilly semblait paralysé, autant qu'il paralysait lui-même la bonne volonté des principaux officiers. Deux jours plus lard, les forces royalistes se trouaient acculées dans la presqu'île avec une masse de femmes et d'enfants qui avaient fui devant les républicains, a l'annonce de cruautés commises dans le pays. Trente mille âmes étaient ainsi renfermées sur cette langue de terre, cernées de manière à pouvoir bien difficilement retenir à l'attaque, mais du moins couvertes puissamment par ce fort Penthièvre, qu'il fallait littéralement traverser pour parvenir à eux, et ayant en outre le secours des vaisseaux anglais, qui balayaient la plage de leurs feux. Les vivres étaient rares; il fallu mettre les femmes elles enfants a quatre onces de riz, par jour; les troupes soldées par l'Angleterre recevaient la ration entière, mais les royalistes volontaires n'avaient que demi-ration. Ils réclamèrent; M. d'Hervilly leur répondit qu'ils pouvaient avoir ration complète, à condition de s'engager dans les troupes soldées, c'est-à-dire de se mettre exclusivement sous ses ordres. « Alors on comprit que si l'on n'avait pas aidé le pays (c'est-à-dire les insurgés de Bretagne), que si l'on n'avait pas mis les royalistes en mesure d'aller en avant et de faire la guerre qui leur était propre; qu'enfin si l'on avait croisé les chefs et les opérations, c'était pour se former une armée soldée qui eût agi directement sous les ordres de M. d'Hervilly. (Ibid.) » M. de Puisaye, qui attendait toujours que l'Angleterre se prononçât entre lui et le comte, agit cependant en cette occasion et fit donner à tous la ration entière. Pour diminuer le nombre de bouches, on exécuta des débarquements sur divers points. M. de Tinténiac, principalement, fut jeté sur la côte avec 8000 hommes, et, faisant une percée vers le centre de la Bretagne, prit diverses petites villes, enleva des garnisons, etc. Toutefois, cette diversion, qui eût pu être utile, M. de Tinténiac la rendit presque nulle en se portant jusqu'à Saint-Brieuc, et il se fit tuer à Coétlogon en combattant vaillamment. Georges Cadoudal ramena alors la petite armée dans le Morbihan, et en eut le commandement. De son côté, H. de Lantivy débarqua près de Quimper avec 2500 hommes, et, vers le 12 juillet, le nombre des volontaires royalistes renfermés à Quiberon n'était plus que de 2000. A cette époque, une sortie, faite par forme de reconnaissance, apprit aux émigrés qu'ils avaient devant eux environ 9000 hommes de troupes régulières. Le 14 arriva cependant un nouveau convoi de bonnes troupes, au nombre d'environ 1000 hommes, commandées par le comte de Sombreuil, et réparties sur un grand nombre de transports apportant encore des secours. La réputation de ces troupes et celle de M. de Sombreuil déterminèrent M. de Puisaye à solliciter de M. d'Hervilly, qui projetait une attaque générale, d'attendre qu'au moins ce renfort fût débarqué. C'était aussi l'avis de l'amiral anglais Waren; mais d'Hervilly ne voulut rien entendre, et la sortie fut réglée comme il suit : on devait débarquer à Carnac 1200 royalistes, secondés par 200 soldats anglais et des embarcations armées de canons; attaquer et surprendre les batteries de la côte, et faire ensuite une diversion sur les derrières de l'ennemi, vers leur camp de Sainte-Barbe, tandis que M. d'Hervilly l'attaquerait de front. Tout éprouva successivement du retard; quand il fallut partir, au lieu de 1200 hommes il n'y en avait que 800 d'embarqués, et au lieu d'arriver sur la côte pendant la nuit, la petite expédition de débarquement s'y présenta en plein jour, et y trouva 1800 républicains prêts à la recevoir. Elle débarqua cependant, mais, presque aussitôt, force lui fut de reprendre le large. "Les royalistes, comprenant qu'il n'y avait rien à faire, se rembarquèrent avec précipitation, et se conduisirent fort mal; tous trempaient leurs fusils dans la mer, pour ne pas être obligés de s'en servir; jamais mauvaise volonté ne fut plus manifestée. (Ibid.)" Évidemment les projets des royalistes avaient été trahis; Hoche dit formellement, dans son rapport, que deux transfuges l'avaient prévenu de cette attaque. Aussi, ce ne fut pas seulement sur la côte de Carnac qu'on trouva les républicains sur leurs gardes, mais encore à Sainte-Barbe. Quand toute l'armée, sous le commandement de M. d'Hervilly, se présenta de son côté devant les lignes de Hoche, elle fut si chaudement reçue, et le général royaliste dirigea si imprudemment son attaque, que l'insuccès le plus complet acheva de jeter le découragement dans cette petite armée. M. d'Hervilly se présenta en ligne sur trois colonnes formées d'environ 3000 hommes de troupes de ligne et 600 chouans, ayant trois pièces de huit, cinq de quatre. Ces colonnes, dit Hoche, s'avancèrent dans la plaine, serrées en masses et marchant dans le meilleur ordre; mais elles se présentaient, dit de son côté M. de Vauban, diagonalement à la ligne de l'ennemi, qu'elles prolongeaient à demi-portée de fusil. Les républicains avaient leurs avant-postes sous les hauteurs de Sainte-Barbe, et leur ligne à mi côte, défendues par une artillerie bien disposée; ils étaient de 16 à 18,000 hommes. (M. de Vauban). «Le général républicain Humbert, suivant ses instructions, reploya sa troupe jusque sous le feu de la ligne; les royalistes, croyant qu'il fuyait devant eux, le poursuivirent, gardant toujours l'ordre profond; mais quand ils furent à portée de pistolet, quatre batteries, prenant des prolongements sur leurs colonnes, les foudroyèrent. « M. le comte d'Hervilly, qui, dit M. de Vauban, de chaleur et d'ardeur avait souvent le malheur de perdre la tête, quitta, après les avoir imprudemment engagées en avant, les colonnes de droite et son artillerie, et courut faire battre la retraite à son régiment, qui n'avait pas encore souffert. Alors on vit en même temps battre la charge à droite et la retraite à gauche.... La retraite de d'Hervilly indigna les soldats et les mit en fuite. Alors commença une déroute épouvantable; des 18 canons on en perdit 5; sur 72 officiers, le régiment de la marine en laissa 53, tués ou blessés, sur le champ de bataille. Les ennemis envoyèrent à notre poursuite 200 dragons ou hussards; leur ligne sortit ensuite, et nous poursuivit avec la plus vive ardeur et le plus grand acharnement. Presque tous les hussards et dragons furent tués, tant ils s'aventurèrent; mais nous avions affaire à un nombre si grand d'ennemis, qu'il paraissait inévitable qu'amis et ennemis n'entrassent ensemble dans les forts. » En ce moment l'expédition de Carnac revenait de son débarquement manqué; les Anglais mirent leurs chaloupes canonnières en batterie, et, prenant la plage en écharpe, arrêtèrent l'élan des républicains. » (Ibid.) Telle fut cette journée du 28 messidor (16 juillet). Nous disons telle fut, car, lorsque l'on compare cette relation à celle de Hoche, on voit avec étonnement que de part et d'autre on a rendu compte des événements d'une façon analogue; mêmes pertes, mêmes résultats sont annoncés, ou ne diffère que sur le chiffre des combattants. De part et d'autre sur ce point on veut que les adversaires fussent incomparablement les plus nombreux. Les régiments de la marine et de Dudresnay étaient anéantis; le découragement était partout, et la plupart des troupes régulières, soldats enrôlés sur les pontons anglais, et qui ne tenaient, que bien faiblement à la cause royaliste, pour ne pas dire aucunement, car ils ne s'étaient enrôlés que pour sortir de prison, se mirent à déserter. M. d'Hervilly avait été mortellement blessé, et M. de Puisaye avait déclaré qu'il prenait le commandement; et pourtant M. d'Hervilly continuait à recevoir les rapports et ne donnait aucuns ordres. Il était évident pour tous qu'ils étaient déjà prisonniers de guerre dans la presqu'île; et l'on parlait hautement de capitulation, quoique Hoche ne semblât nullement en mesure de tenter d'enlever la presqu'île de vive force. On s'observait de part et d'autre; les patrouilles s'interpellaient quelquefois; mais, du 28 messidor au 2 thermidor (du 16 au 21 juillet), il n'y eut aucun engagement. Les désertions augmentaient en grand nombre du côté des royalistes, et, s'il faut en croire M. de Vauban, le fort Penthièvre, ce seul boulevart qu'ils pussent opposer aux républicains, était à peine gardé. Aussi, quand ceux-ci, affrontant le feu des chaloupes anglaises et comptant sur quelques intelligences qu'ils s'étaient ménagées dans la place, tentèrent, par une nuit sombre et ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, d'escalader ce rempart de Quibéron, ils l'enlevèrent presque sans coup férir. Ce fut un instant terrible que celui où l'on apprit dans toute la presqu'île que le fort Penthièvre était aux mains des républicains ! « M. le comte de Puisaye, dit M. de Vauban, ne voyant que des troupes dispersées, surprises, qui ne croyaient pas à son autorité, au moment où il en fallait une active et absolue, crut que, s'il ne pouvait pas sauver la presqu'île, il devait du moins sauver sa correspondance avec l'Angleterre, avec nos princes, et surtout la secret et la destinée des affaires de Bretagne (1). Il alla trouver M. le comte de Sombreuil, seul officier supérieur breveté par le roi d'Angleterre, qui avait la confiance des troupes, une réputation militaire et commandait la meilleure division de l'armée; il l'invita à rallier les autres troupes à sa position ou à telle autre qu'il trouverait meilleure, et lui laissa le commandement. II se rendit ensuite à bord de l'amiral Waren, qui se hâta d'envoyer des chaloupes pour emporter ce que la défense et la retraite de M. le comte de Sombreuil pourraient sauver.... Dans ce moment, s'embarqua qui voulut; il n'y eut de perdus que ceux qui arrivèrent trop tard... M. de Sombreuil, qui, arrivé depuis peu de jours, connaissait mal la presqu'île, ne put la défendre, et fut bientôt acculé à Portaliguen, où il y a un petit fort qui, destiné à battre la rade, n'offre aucune défense du côté de terre. Les troupes y arrivèrent dans le plus grand désordre. Les républicains les suivaient de près, mais ils furent arrêtés par le feu épouvantable d'une corvette anglaise l'Alouette, de 24 pièces de canon, qui balayait une plage découverte sur laquelle les républicains étaient obligés de passer." "L'on commença, continue M. de Vauban, à entendre des cris "rendez-vous; bas les armes; on ne nous fera rien !" Il s'élevait d'autres voix des régiments à la solde anglaise, disant : "il faut nous rendre, ils ne nous feront rien.". M. le comte de Sombreuil fut un moment fort incertain du parti qu'il prendrait. Je l'assurai que s'il se rendait il en serait la victime, ainsi que tous ceux qui mettraient bas les armes. Les mêmes cris continuaient. M. de Sombreuil voulut parler au général Humbert, mais il était impossible de l'approcher, à cause du feu de la corvette. Le général républicain exigea qu'on le fit cesser; on eut beaucoup de peine à le faire comprendre à la corvette; enfin on y parvint, et le feu cessa. Alors les républicains s'avancèrent. Les mêmes cris "rendez-vous ! il faut vous rendre!" recommencèrent. On se rendit. " M. de Vauban comprenant que, comme officier général, il n'y aurait pas de quartier pour lui, et aimant mieux être noyé que pris, se jeta à la mer avec plus de quinze cents autres royalistes qui, "comme lui, n'avaient nulle confiance en ces promesses vaguement exprimées". Plusieurs même s'étaient brûlé la cervelle ou passé leurs épées au travers du corps. Tout ce qui était là périt, à l'exception de treize ou quatorze personnes qui furent sauvées par une embarcation de la frégate anglaise la Galathée, et du nombre desquelles fut M. de Vauban. "En nous éloignant, dit celui-ci, nous rencontrâmes toutes les embarcations de l'escadre, qui venaient chercher tout ce qu'il était possible de sauver; elles arrivaient avec peine, ayant à lutter contre la marée et le vent, qui était très fort et absolument contraire. Nous leur apprîmes qu'on s'était rendu, qu'il n'était plus temps, et elles retournèrent à l'escadre. Si M. le comte de Sombreuil eût différé d'une demi-heure cette fatale reddition, lui et tout ce qui a été pris étaient sauvés. Il fut conduit avec trois mille et quelques cents hommes dans les prisons de Vannes et d'Auray, où ils ont été fusillés.... Telle fut la dernière faute commise, et d'autant plus grande que l'on s'était rendu sans capitulation écrite ni faite de chef à chef. " "Ce jour-là même, un côtre venant d'Angleterre ap-... ---------------- (1) Une lettre, trouvée sur un nos émigrés, fut produite à la Convention, comme révélant le secret des affaires de Bretagne "Les chouans, disait elle, pourraient bien se laisser tenter par la modération... Je suis bien fâché que les jacobins se soient laissés abattre si promptement à Paris... Mais nous avons d'autres cordes à notre arc." ---------------- ... portait des pouvoirs plus étendus à M. de Puisaye, et limitait ceux de M. d'Hervilly." Tel fut le dénouement d'une entreprise sur laquelle les puissances étrangères avaient fondé de grandes espérances, et qui, mieux dirigée, eût certainement causé au gouvernement républicain de sérieux embarras. Nous ayons cru bien faire en retraçant ici rapidement les principales circonstances de la bataille de Quibéron, que l'on ne connaît généralement que par le discours que fit Tallien à la Convention et par les deux rapports de Hoche. Le récit de M. de Vauban a cela de curieux, qu'il nous initie dans les affaires intérieures de l'expédition, et nous démontre combien est vrai ce qu'on en a dit, qu'elle échoua surtout faute d'unité dans le commandement et de discipline chez les chefs. Il n'entre pas dans notre sujet d'approfondir ici les motifs qui guidèrent les émigrés ou de discuter leur agression contre le gouvernement républicain. Nous nous sommes faits rapporteurs de ces tristes journées où des Français firent couler le sang français, laissant à la postérité le soin de juger les uns et les autres, mais, convaincus que quelque tort que Rome ait eus envers Coriolan, ils ne sauraient justifier celui-ci d'avoir mis sa patrie à deux doigts de sa perte. Nous ajouterons cependant à ce qui précède quelques mots qui auront pour but d'éclaircir plusieurs points qui se sont reproduits sous un faux aspect dans les souvenirs contemporains. Conduits à Vannes et à Auray, les principaux prisonniers faits à Quibéron furent pour la plupart fusillés. On a dit que cette terrible exécution eut lieu au mépris d'une capitulation. Ce fait odieux, infâme, doit-il s'ajouter au souvenir d'une affaire où jusque là l'on ne voit que des soldats combattant loyalement d'autres soldats ? C'est là un point sur lequel nous insisterons encore, bien que ce qui précède l'ait suffisamment éclaire! sans doute, car nous serons heureux de prouver que Hoche, général qui a laissé après lui une grande mémoire, n'a pas souillé d'un parjure notre terre de Bretagne. Sombreuil, prisonnier, voulut être traité, non comme émigré pris les armes à la main, mais comme prisonnier de guerre qui s'était rendu sur parole ainsi que ses soldats. La commission appelée à juger les prisonniers de Quibéron repoussa ce moyen de défense. Or, il résulte évidemment de ce qu'on a lu plus haut que, malheureusement pour les émigrés, il n'y avait eu aucune capitulation, car on ne saurait prendre pour telle les paroles de soldats qui crient "rendez-vous! on ne vous fera rien!" Le chef seul, parce qu'il connaît seul la loi de l'Etat et seul peut l'appliquer, le chef seul peut signer une capitulation. Or, il est évident que Hoche ne signa rien, ne promit rien. Il connaissait les lois contre les émigrés, et savait fort bien que la Convention ne se montrerait pas plus indulgente envers des émigrés pris les armes à la main, qu'elle ne s'était montrée envers des émigrés inoffensifs, et qu'elle avait cependant envoyés à l'échafaud. Hoche savait cela, et n'eût pas donné une parole qu'il n'eût pas pu tenir. Tout, au reste, contribue à justifier cette opinion. Tallien, représentant du peuple, présent à l'affaire de Quibéron, exposant peu de jours après à la Convention cette journée, dit : "En vain cherchent-ils (les émigrés) à retarder le coup qui doit les frapper; en vain nous envoient-ils plusieurs parlementaires pour obtenir quelques conditions.... Qu'y avait-il de commun entre nous que la vengeance et la mort !" Terribles paroles, qui apprenaient de reste quel serait le sort des émigrés devant la commission. M. de Vauban, ce témoin actif, avait bien compris aussi le sort qui attendait ceux qui mettraient bas les armes, car il engageait M. de Sombreuil à ne pas écouter des promesses vaguement exprimées, à ne pas se rendre enfin sans capitulation de chef à chef. il n'y a donc rien eu de promis, rien eu de garanti; aussi, quoique Sombreuil fit de ce moyen sa seule chance de salut, il ne l'a jamais dit lui-même. De sa prison il n'a pas réclamé le bénéfice des promesses du chef; il a seulement parlé des cris proférés par les soldats. "Le cri général de l'armée m'a répondu, écrit-il, que tout ce qui était émigré serait prisonnier de guerre et épargné comme les autres (1). Je suis seul excepté." Et plus tard il écrit encore à Hoche : "Toutes vos troupes se sont engagées envers le petit nombre de ceux qui me restaient... La parole de ceux qui sont venus la donner jusque dans nos rangs doit être chose sa- -------------- (1) Ce mot comme les autres s'explique par ce fait que plus de 3000 chouans, hommes, femmes et enfants, ainsi que les prisonniers des pontons, furent mis en liberté, et que les seuls émigrés furent envoyés devant la commission. Tallien, dans son discours à la Convention, annonça, dans le style pompeux de l'époque, que trois mille bras avaient été rendus à l'agriculture. -------------- ... crée pour vous! » Rien ne rappelle là une capitulations et en vain M. de Sombreuil veut-il, par une admirable générosité, que lui seul soit excepté : cette condition, qui n'a pas plus été posée que les autres, est vaine et illusoire. M. de Vauban, l'un des généraux émigrés, M. de Sombreuil, Tallien disent qu'il n'y a pas eu capitulation ! Faut-il, en terminant, évoquer à son tour le témoignage de Hoche, qui, dans une lettre publiée par toute l'Europe, a juré qu'il n'en avait même pas été question ? Mais l'Angleterre, quel rôle a-t-elle joué dans l'affaire de Quibéron. A-t-elle, comme on l'a dit, abandonné lâchement les émigrés aux coups de leurs adversaires? A-t-elle tiré sur ceux d'entre eux qui voulaient rejoindre l'escadre? C'est lu une autre infamie, qui ne résulte pas non plus, ce nous semble, du récit de M. de Vauban. Sans doute, quand les Anglais firent feu sur la presqu'île, pour défendre le petit groupe retiré à Portaliguen, ou pour protéger rembarquement des débris de l'expédition, leurs boulets purent atteindre quelques-uns de ceux qu'ils voulaient protéger, mais ce n'est pas là tirer sur eux. L'Angleterre avait fait à la France tout le mal qu'elle pouvait lui faire, en jetant sur ses côtes une armée destinée à opérer une diversion puissante, à ranimer la guerre civile; elle avait en vain dépensé son or, donné ses vaisseaux, mais elle pouvait espérer, en sauvant les débris de cette expédition, renouveler la même tentative. Croire qu'elle voulut anéantir ses alliés momentanés, c'est montrer l'Angleterre plus bassement cruelle qu'habile spéculatrice. Après avoir rembarqué les troupes à sa solde, sauvé quelques émigrés qui s'étaient jetés à la nage, que pouvait l'escadre anglaise pour ceux qui s'étaient rendus ? Mais on tente naturellement d'expliquer tout désastre qui, comme celui de Quibéron, est inattendu, immense; et, dans cette recherche de l'inconnu, l'on est porté à rejeter les événements plus sur les autres que sur soi. Le désordre qui éclata dans la presqu'île après la prise inopinée du fort Penthièvre, et l'absence de toute unité dans le commandement, ont achevé ce qu'avait commencé l'attaque inutile et malheureuse contre le camp de Sainte-Barbe : on ne pouvait pas accuser l'ennemi, on a accusé ses alliés; c'est dans la nature des choses. Le butin fait à Quibéron fut immense; cependant nous ne saurions croire à ce qu'en rapporte le général Lemoine à la Convention. "Je doute, écrivait cet officier supérieur, qu'avec quatre mille voitures on puisse transporter toutes les marchandises dans un mois.....; d'après l'aperçu de quelques connaisseurs, on les estime à 1800 millions." Ceci est tout bonnement absurde. 1500 émigrés n'avaient pas pu débarquer chacun plus d'un million de valeurs. Ce qu'écrit Hoche est au contraire très croyable : "Puisaye avait sur lui plus de 10 milliards de faux assignats; tous ont été brûlés.... Nos soldats, chargés de l'or des émigrés, ne les ont touchés que pour les mettre en pièces, et aucun d'eux n'en a gardé. Quibéron offre à l'il le spectacle du port d'Amsterdam; il est couvert de ballots, de tonneaux, de caisses remplies d'armes, de farines, de légumes secs, de vins, de liqueurs, d'effets d'équipement, etc. Il paraîtra surprenant qu'un bataillon d'infanterie se soit emparé d'un bâtiment chargé de riz., légumes et sucre; ce fait est cependant réel.... Vous savez, citoyens, qu'en d'autres temps je ne vous ai pas caché la vérité; je lui dois aujourd'hui ce témoignage : aucun soldat n'a commis d'excès." Ces derniers mots "aucun soldat n'a commis d'excès" sont à recueillir, et terminent heureusement tout ce douloureux récit, car ils sont dans la bouche de tout le monde. Si, après le combat à ciel ouvert, le soldat eût pu épargner les émigrés, il l'eut fait; quand le soldat criait sous le feu de la corvette anglaise "rendez-vous, on ne vous fera rien", il était sincère; il croyait qu'on pouvait épargner les vaincus, et ne songeait pas aux lois de la Convention. Pour lui, ceux qui se battaient en ligne n'étaient pas des conspirateurs, mais des soldats, comme lui. Cette généreuse erreur, les chefs ne voulurent pas aussi la partager ? c'est ce que donne encore à penser la relation de M. de Vauban. "M. le comte de Sombreuil et tous les prisonniers, dit-il, n'arrivèrent que le lendemain dans les prisons d'Auray et de Vannes. Ils marchèrent avec une très-faible escorte, et passèrent une partie de la nuit très obscure dans un bois considérable. Pendant cette halte, qui fut de plusieurs heures, ils furent à peine gardés. Des personnes qui y étaient, entre autres un aide-de-camp à moi, m'a assuré que tous, sans employer aucun moyen de force, auraient pu se sauver... L'on prétend (et ce fait m'a souvent été assuré depuis) que les autorités militaires, mécontentes de ce que l'envoyé du peuple, Tallien, avait manifesté ne pas reconnaître de capitulation, car il avait seul le droit d'en faire, avaient voulu donner aux prisonniers le moyen de sauver leur vie eu les faisant à peine escorter." |
Armorial des victimes * Ardamezeg
non noble, ou supposé non noble par défaut |
blason en attente |
AAA
Charles d'Albert-Mivel 25 ans |
Alexandre Allanic | Allary | Pierre l'Allemand 37 ans |
Pierre-Louis-Nicolas Allieaume
19 ans |
Antoine Aloy 22 ans |
Louis-Joseph Aloy 21 ans |
Joachim Alys 26 ans |
Charles d'Amboix 24 ans |
Pierre-Jean d'Amboix 29 ans |
Joseph Amelin 29 ans |
Charles-Louis d'Anglars 21 ans |
Marc Aniéré 24 ans 1/2 |
Jean-Bptiste-François-Marie Pallet d'Antraize
25 ans |
A.-M. d'Apchier 24 ans |
Gilbert d'Apchier ?? ans |
Jean-Louis Beuquet d'Arblade
36 ans |
Philippe Arbon 34 ans |
Louis-Ch-Hor d'Arbouville | R.-V. Cilart de Larchantel 46 ans |
Louis-Auguste d'Arnaud |
Pierre Arnoult 42 ans |
Charles d'Astier | de Bullion d'Attilly | Jq.-Ate. Aubin de Botcouard
34 ans |
Furcy Aubry 43 ans |
Pierre d'Audebard 55 ans |
Mathurin Audrein |
François Auffrey | Marc-Antoine de Beaupoil Saint-Aulaire
32 ans |
Armand-Louis-Théophile de Beziade,
vicomte d'Avaray 29 ans |
René Avril 47 ans |
BBB
Michel Bachelot 36 ans |
Mathurin Bachelot 47 ans |
de Bahuno sous-lieutenant au régiment du Boulonnais |
Nicolas-Jacques
Ballet de la Chenardière
capitaine des dragons, chevalier de Saint-Louis. 56 ans |
Jean-Pierre-Raymond Le Baillif de
Portsaluden 39 ans |
Pierre Bans 50 ans |
Jn.-Jim.-Ane de Borrassol
57 ans |
Louis de Baraudin 35 ans |
Jean-Joseph Barba 25 ans |
François Barbaroux | Jean-Marie Barbut | François-René de la Barre
57 ans |
Yves Barré 45 ans |
Michel Barret | Louis-François-Henri Morisson de la
Bassetière 25 ans |
Calixte-Charles Morisson de la
Bassetière 23 ans |
François Bassou | Louis-Charles de Baudrand 55 ans |
Baudut / Baudiot / Baudal 26 ans |
Gabriel Baulavon 26 ans |
Joseph-Antoine-Bernard-Marie de Tertulle
de la Baume de Pluvinel 40 ans |
Louis-Charles de Baupte 54 ans |
Cher Caqueray de Bavière |
Emile de Bayard | Pre.-Ph. Galard de Barn | J.-J. de Beaucorps 57 ans |
de Beaudenet | Joseph-Marie-Jean-Michel de Beaufort
48 ans |
Cher de Beaugendre | Charles du Val de Beaumetz 19 ans |
de Beaumont | Joseph-Pascal du Chérou de Beaumont
43 ans |
F.-A.-M. Dubois de Beauregard
55 ans |
Etienne Beauvais 44 ans |
de Beauvillié 35 ans |
Charles-Sylvain de Bechillon
52 ans |
P.-E. Beghin 20 ans |
Louis Belisson 22 ans |
André-Marie Gouzillon de Bélizal
54 ans |
Jean-François-Florent Gigault de
Bellefonds 35 ans |
Jean-François Vassal de Bellegarde
28 ans |
Henri Bénizet 24 ans |
C.-J. Benoit 26 ans |
François de Béon de la Guttère
17 ans |
Jq. Bérienne 31 ans |
Raymond de Bermond 22 ans |
Charles Bernard 40 ans |
Jean-Michel Bernard 25 ans |
Jean Berney 53 ans |
Joseph-Armand Brethé de la
Guignardière 17 ans |
Augustin Berthelot 25 ans |
J.-M. Berthelot 30 ans |
Jean-Henri de Berthou de la Violaye
29 ans |
François Bertrand 49 ans |
Lucien-Pierre-Joseph Besnard
35 ans |
Gme Bessin 21 ans |
Pierre Bétard 25 ans |
Jacques-Félix-Augustin Briard
23 ans |
Jean-Marie Le Bideau | de Bideran | Jean Bigouen 29 ans |
Séraphin-Marie Colin de la Biochaie
25 ans |
Henri Biot voir Henri Guyot |
Pierre Biot voir Pierre Biot |
Louis Blaize 55 ans |
Jq. Blanchouin de Villecourte
40 ans |
P.A.J. Bleu 23 ans |
Joseph Bluherne 28 ans |
Armand-Jacques-Guillaume Gouyquet de
Bocozel 46 ans |
A.-J. du Bocquet 30 ans |
Nicolas Bocquet 36 ans |
Lis.-Hor. Boguais de la Boissière
18 ans |
Jacques Boilleteau 35 ans |
Antoine-François du Boisbaudry tué le 16 juillet 1795 26 ans |
Jean-Marie-Michel-Isaac de
Boisboissel 23 ans. tué au combat |
Marc-Antoine-Bertrand-Marie de
Boisboissel 18 ans. tué au combat |
Jean-Jacques-Christophe Le Barbier de la Bourdonnière | Thomas Charles Armand Nicolas Bréart
de Boisanger 39 ans |
Jn-Mte-Mie de Brie | Auguste-Louis-Joseph de Broglie |
CCC
Cabon | Jacques Cadart | Philippe de Cafarelli, comte d'Anceau | François Comparot de Longsols | Jean Candols |
du Crozet de la Regnaude | Pierre Maffre de Cruzel | Charles Cunier |
DDD
Jacques Dagord | François Dallot | Charles, baron de Damas-Cormaillon | Frédéric-François-Joseph Damoiseau de la Bande |
Jean-Constantin-Théodore d'Anceau (de
Danceau) 54 ans |
Etienne Danic 48 ans |
François Daniel 24 ans |
Joseph Daniel ? |
Lt Daniel 21 ans |
Isidore Dano 28 ans |
Jean David 45 ans |
Antoine-François Delcroix 20 ans |
Antoine Delebarre 27 as |
Paul-Louis de l'Isle de la Ferté et
de Barsauvage 21 ans |
Jean Delaunay 30 ans |
Jean-Pierre Desmote 55 ans |
Jean Dessat 27 ans |
Emmanuel Dethort ??? |
Joseph Dietrich 39 ans |
Louis Diserdille 40 ans |
A. J. Doco 24 ans |
C. M Dorigné 24 ans |
Jean-Nicolas-Thomas Doudement
31 ans |
Jean-Antoine Douroux 57 ans |
Julien-Jean-François du Dresnay
tué le 16 juillet, à l'âge de 22 ans |
François Drouin 19 ans |
François Dufério 22 ans |
Jean Dumaine ? |
Claude-Dominique Dupuy ? |
Alexis Duquesne 24 ans |
Ch. Duret 60 ans |
Louis Dury 20 ans |
Florentin Dusaultoir 20 ans |
Pierre Dutertre 60 ans |
Louis-Marie-Joseph Dutertre-Delmarq
43 ans |
Tranquille Duval 30 ans |
EEE
C.-L. D'Elbèque 21 ans |
Nel Elec
35 ans |
? D'Elque (tué au combat du 16 juillet) |
Jh Enamf
30 ans |
D'Enneval (tué au combat du 16 juillet) |
Joseph-Jean-Marie Hyacinthe de Derval
30 ans |
Nicolas Esleven 41 ans |
FFF
GGG
HHH
du Haffont capitaine d'infanterie |
III
KKK
Joseph Lorne 22 ans |
MMM
Joseph-Christophe de Malbec de Montjoc, comte de Briges |
NNN
OOO
l'Olivier de Villeneuve lieutenant de vaisseau |
PPP
Panou de Faymoreau deux officiers au régiment d'Hervilly |
(?) du Parc de Penanger lieutenant au régiment Colonel-général |
QQQ
RRR
SSS
TTT
de Talhouët * un major au régiment du Roi * son fils aîné, commandant du régiment du Dresnay |
Hervé-Jean-Goueznou Thépault du Breignou |
UUU
Urvoy lieutenant de vaisseau |
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