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Chapitre VII

Les Francs dans le nord de la Gaule

avant Mérovée

 

Himbaldus

Argument : 

Maxime rencontre une vive résistance de la part d'un groupe de mercenaires Francs, commandés par un chef nommé Himbaldus.

 

 

Approche historique des Francs.

            Il s'agit là d'une approche assez difficile pour des lecteurs non avertis car très peu d'auteurs à part les spécialistes ont étudié la présence des Francs dans le nord de la Gaule avant Clovis et Mérovée.

            Grégoire de Tours, base des données classiques en la matière, ne débute son Histoire des Francs que par un résumé extrêmement bref des mentions de Dèce, Valérien et Gallien, Constantin, Urbicus, et Saint Martin, en précisant en entrée de son livre II :

            " Nous rapportons pêle-mêle et confusément, sans aucun ordre que celui des temps, les vertus des saints et les désastres des peuples...".

            Cela fait que nous manquons de bibliographie et de repères historiques sur ce sujet.

            Quoi qu'il en soit, on rencontre des Francs un peu partout dans l'histoire du Bas-Empire, agissant tantôt comme ennemis de l'Empire, tantôt comme ses alliés, tantôt comme lètes ou fédérés.

            La focalisation de l'intérêt porté par l'Histoire de France officielle, telle qu'elle a été enseignée depuis les classes primaires, à partir des indications de Grégoire de Tours, sur Clovis et les Francs Saliens et Mérovingiens, a eu un effet extrêmement réducteur sur ce que nous aurions dû savoir à propos des Francs d'avant Mérovée.

            Cela a fait que l'on a considéré pendant longtemps que le nom de Francs désignait un peuple d'origine germanique, qui se serait divisé ensuite en Francs Saliens d'une part et en Francs Ripuaires d'autre part, les premiers étant qualifiés de bons et nobles Francs, car alliés de Rome et Catholiques, les seconds étant qualifiés de mauvais Francs, parce que barbares et païens ! (1)

            Là aussi le sentiment des historiens a grandement évolué. Car, plutôt que de penser à un peuple unique bien défini et bien structuré qui aurait porté ce nom de Francs, les historiens pensent désormais que sous cette appellation se cache en réalité une sorte de confédération ou de ligue de peuples germaniques, voisins du point de vue géographique et ethnique, et parmi lesquels on cite les Sicambres, les Chamaves, les Bructères, les Chérusques, les Chattes, les Amsivariens, les Angrivariens, les Hattuaires, les Tubantes, les Tenctères, les Saliens, les Chauques, etc (2). Beaucoup de ces peuples, du reste, sont bien connus des Romains, dès la conquête des Gaules par Jules César. (3)

            Cette appellation de Francs aurait donc servi à désigner à l'origine un ensemble de peuples germaniques situés près de la rive droite du cours inférieur du Rhin, en Germanie non assujettie à Rome, par opposition recherchée aux peuples germaniques de la rive gauche, zone soumise et dépendant de l'Empire. En fait, on pourrait envisager une explication en Germains de zone libre, à l'est du Rhin, par opposition aux Germains de zone occupée, à l'ouest du Rhin.

            Les rapports entre Francs et Romains ont été souvent ambigus, tantôt hostiles et belliqueux, tantôt commerciaux et amicaux, les deux groupes bénéficiant l'un de l'autre réciproquement comme le font habituellement des voisins. En définitive, malgré de nombreuses poussées de fièvre, on peut dire que les relations ont été  normales entre ces deux voisins, pour une période allant de la fin de la Guerre des Gaules jusqu'à l'apparition du problème goth., vers le milieu du IIIè siècle. Le monde d'Europe centrale et d'Europe de l'est s'est alors mis à bouger, et les peuples à se bousculer les uns les autres jusqu'aux confins de l'Occident. C'est ainsi que la ligue alémanique commence à faire des intrusions ravageuses à partir du cours moyen du Rhin, tandis que la ligue franque s'en prend aux provinces du nord est de la Gaule Belgique et que les Saxons commencent à infester la Mer de Bretagne, non en tant que commerçants, mais en tant que pirates.

            Malgré ces attaques menées de toutes parts contre l'Empire, les empereurs et les généraux, de Probus à Valentinien Ier, ne font pas moins preuve de détermination et de courage héroïque pour la sauvegarde de l'État, parvenant malgré tout à rendre coup pour coup, à contenir tant bien que mal les envahisseurs, et même à en repousser la plus grande partie hors des frontières.

            Pragmatiques devant cette omniprésence barbare, certains empereurs, pourtant vainqueurs comme Probus en 280 et Maximien en 287 préfèrent traiter avec leurs ennemis et leurs vaincus d'hier, en leur accordant le fœdus, dont K.F WERNER donne un résumé :

             " Maximien, le collègue de Dioclétien, bat les Francs en 287 et conclut avec un de leurs rois, Gennobaude, le premier fœdus, traité spécifique qui sera suivi par beaucoup d'autres: les Barbares doivent rendre tous les prisonniers romains et reconnaître la souveraineté de l'Empire. A partir de 288, ce même empereur installe des Francs dans la région des Trévires et autour de Bavay, ainsi que des prisonniers d'origine germanique en colonies de laeti autour de Beauvais, Amiens, Troyes et Langres. Un groupe important de Chamaves reçoit alors le droit de s'établir dans un Pagus Chamavorum subordonné à la civitas de Besançon : c'est le pays d'Amous... Un groupe important du peuple des Chattuaires s'installe de même dans le Pagus Chattuariorum, dépendant de la civitas de Langres : c'est le pays d'Atuyer." (4)

            Alphonse Leduque apporte comme en soutien concernant l'Ambianie en particulier :

             "Tout plaide en faveur d'une lente pénétration d'éléments germaniques, d'ailleurs vite absorbés par les indigènes, plutôt que pour une invasion dévastatrice". (5)

            Cette disposition, malheureusement, ne concerne pas tous les Barbares. Certains, insensibles aux réactions romaines, n'en continuent pas moins leurs actes de piraterie, surtout en Mer de Bretagne. C'est alors que les Francs et les Saxons entrent réellement en contact avec l'histoire de la Bretagne, en 287, au moment ou Carausius, refusant de restituer à l'État les sommes et les biens récupérés sur les pirates, se fait proclamer empereur en Bretagne avec l'appui, il faut le préciser, d'une partie des cités gauloises riveraines de la Manche. Bien plus, il obtient l'alliance des Francs et des Saxons qu'il est chargé d'éliminer. C'est donc un fait bien intéressant à souligner que sous Carausius les légions britanniques sont alliées à une partie des Gaulois aussi bien qu'à des Francs et à des Saxons. Les Francs tiennent une partie de la côte nord de la Gaule pour le compte de Carausius. Ils en sont extirpés en 288 par l'empereur Maximien Hercule. Le port de Gesoriacum / Boulogne, dépendant de la  Classis Britannica, est repris sur les Bretons par le césar Constance Chlore, en 293.

            Carausius est assassiné par son collègue Allectus peu de temps après. Allectus se fait proclamer à son tour. Mais Constance reprend progressivement les territoires tenus par les Chamaves, puis les Frisons, alliés d'Allectus. En 296, il attaque les forces d'Allectus en Ile de Bretagne par une opération combinée sur l'île Vectis / Wight et l'embouchure de la Tamise. Allectus est tué. Ses alliés Francs se replient sur Londinium / Londres, mais sont pris en tenaille entre les forces d'Asclepiodotus, venant du sud, et celles de Constance pénétrant par la Tamise, et sont exterminés jusqu'au dernier. (6)

            Cette écrasante victoire du pouvoir impérial sur une coalition de citoyens et de barbares rebelles a pour effet de mettre un terme aux activités de pillage en Manche pendant un bon moment et de soumettre les plus turbulents des Francs et des Saxons de cette époque au service de l'Empire. Ainsi voit-on des Saxons intégrés dans le système de défense des côtes sud de l'Ile de Bretagne, connu dès lors sous le nom de Litus Saxonicus.

            Constance Chlore, poursuivant l'œuvre de Maximien, installe à nouveau des lètes Francs dans le système de défense du cours inférieur du Rhin et des côtes belges de la Manche, et en particulier dans le secteur d'Amiens, qui est la cité la plus occidentale de la province Belgique IIè. (7)

            Ausone, Biturigue Vivisque installé à Trèves, fait mention de ces installations barbares dans son poème sur la Moselle. (8)

 

 

Secteurs d'implantations des Francs dans le nord de la Gaule, avant 383.

 

 

La Notitia Dignitatum : des Francs installés à Rennes.

            L'un des arguments des chercheurs favorables à l'idée d'une expédition de Maxime par la Bretagne actuelle repose sur un article de la Notitia Dignitatum, qui place à Rennes un praefectus laetorum Francorum, c'est à dire une unité de lètes francs, sous le commandement d'un préfet. Il convient donc également d'aborder ce sujet de la façon la plus resserrée possible.

            Le nom même de la Notitia Dignitatum n'est guère difficile à traduire : il s'agit en fait d'un répertoire (= d'un rôle) administratif, donnant l'implantation des diverses unités militaires, avec le nom et le type de la garnison, en même temps que le titre ou le grade de son officier commandant.

            Les dates de ce document varient, selon les auteurs, entre 396 et 425, dates buttoirs. On trouvera en notes de bonnes études critiques et comparatives à propos de la datation de la Notitia. (9)

            On peut donc déjà se rendre compte que ce document est postérieur en date à la traversée de Maxime de 13 ans, et à la victoire de Théodose de 8 ans, ce qui peut avoir pour conséquence directe de mettre en cause la présence même de Francs à Rennes avant l'épopée de Maxime.

            La question qui se pose alors aux historiens est de savoir si cette Notitia reflète bien un état des lieux correspondant à l'époque de sa rédaction, ou si au contraire elle peut tenir compte et contenir des dispositions antérieures, à propos desquelles il faudrait encore tenter établir le nombre d'années d'antériorité.

            Les historiens qui ont traité le plus sérieusement de cette question semblent être d'accord pour dire que la Notitia comporte effectivement des dispositions antérieures, soit qu'ils aient donné des dates, soit qu'ils aient fait mention des dispositions de la Notitia pour expliquer un détail historique antérieur, même si la date proposée en aval reste discutée :

- F. LOT : La Gaule, (1936) p 345 : de Valentinien Ier jusqu'aux alentours de 430. (Demougeot précise à l'actif de F. Lot : entre 379 et 406/408 avec quelques additions en Occident jusqu'en 425).

- E. DEMOUGEOT : La Notitia Dignitatum (1975) p 1133 : " Il ne peut s'agir que d'une datation des matériaux qui existaient au moment ou ce document fut rédigé, indépendamment des dates des couches successives de matériaux entassés jusqu'au moment de la rédaction. La date de cette rédaction s'établit en fonction des données récentes les plus nombreuses, qui ne sont pas nécessairement les plus récentes de toutes, celles-ci pouvant n'être que des retouches apportées au document déjà rédigé..."

- Louis PAPE : La Civitas des Osismes (1978)

p 219 : " Il est évident que ce document reprend des éléments antérieurs et rien n'assure qu'il soit complet".

p 213 : " Il est certain que cette ceinture défensive était composite; son édification a pu commencer dès les premières attaques sous Postumus puis se poursuivre en s'élargissant sous les Tétrarques et Constantin, voire encore après. L'étude du territoire des Osismes laisse entrevoir que l'oeuvre fut de longue haleine et plus totale qu'on ne l'imagine..."

- JOHNSON : Later Roman Britain (1982)

p 38 : " The British material in the Notitia, though extremely valuable because it probably dates from about AD 395, is difficult to use, since it may describe a situation several years out of date, or retain items of mutually contradictory information."

p 131: " By 395, the coastal command, originally a simple unit covering both shores, British and Gallic, had been split up. The Count of the Saxon Shore was now limited to Britain, according to the Notitia lists, and two continental Dukes (of the Armoricans tracts, and of the Belgica Secunda), had taken over responsibility for the Gallic side".

- Loïc LANGOUET : Les Coriosolites (1988)

p 236. "Il semble plus plausible que, sous le règne de Valentinien Ier, ces soldats (Martenses) se soient installés à Alet en même temps qu'à Altrip... Simultanément il y a eu l'aménagement du castellum de Solidor. On peut constater que cette datation est cohérente avec celle du Fort de la Nunnery à Aurigny (Johnson, 1977) et avec les observations faites lors des fouilles du castellum de Cherbourg. On a bien l'impression d'une installation du Tractus Armoricani entre 365 et 375 ap J.C..."

p 236. " Pour l'installation des Martenses à Alet, un fait est localement sûr, le castellum d'Alet connut une construction intérieure vers 390 ap J.C".

            Pour parler plus précisément des Lètes francs de Rennes, on peut souligner curieusement que c'est l'auteur de référence qui a travaillé sur cette cité, Anne-Marie Rouanet-Liesenfelt qui semble la plus dubitative sur le sujet. (10)

            Si elle dit, p 141 et 142 : " En ce qui concerne les Riedones, elle (la ND) nous donnerait donc leur situation administrative dans les toutes dernières années du IVè siècle ou dans le premier quart du Vè", elle donne ensuite une image peu flatteuse et peu guerrière de ces Lètes francs : " Les Lètes francs chargés de défendre la région sont des troupes de dernier ordre; barbares francs, prisonniers de guerre ou personnes déplacées, enrôlés dans les auxilia de l'armée romaine, ils étaient établis par les autorités sur des terres abandonnées qu'ils ne pouvaient quitter, mais devaient cultiver et défendre. Comme nous le verrons plus loin, l'impression prévaut que les Lètes placés sous l'autorité du Dux Tractus Armoricani et Nervicani étaient au total peu nombreux ; leurs garnisons s'étiraient tout au long de la côte ouest de la Gaule. Il y en avait sans doute peu dans la Civitas des Riedones. On voit donc que l'importance de celle-ci dans l'empire romain a toujours été minime".

            Pour le dénombrement de ces lètes francs de la Civitas des Riedones, voici ce qu'elle en dit à la page 180 :

            "Il est difficile de savoir l'importance du groupe franc qui s'établit chez les Riedones. Ces prisonniers de guerre, incorporés dans les auxilia de l'armée romaine avec le statut de déditices (ils n'avaient donc pas droit à la citoyenneté romaine), puis installés comme soldats-paysans sur des terres qu'ils n'avaient pas le droit de quitter, formaient en Gaule douze légions. D'après l'abbé Masselin, les Riedones reçurent une légion entière, soit, selon l'auteur qui base ses calculs sur les indications de Végèce, un peu plus de 6000 hommes. Il nous paraît impossible qu'à une époque ou l'Empire manquait de troupes, l'administration romaine ait continué à former des légions de 6000 hommes, et surtout, pour peu sûrs qu'ils fussent, ait pu en laisser un tel nombre inactif, et si loin des champs de bataille qu'il devenait hors de question de faire appel à eux. Il semble que l'on puisse davantage se fier aux estimations de E.Morin, ou même de son contradicteur La Borderie. Le premier, d'après Böcking, établit que la Préfecture de Lètes Francs de Rennes, comme toute autre préfecture, devait comporter 1000 ou 500 hommes, le premier nombre étant le plus vraisemblable. Pour le second, les troupes irrégulières comportant en moyenne 1500 hommes, tel devait être l'effectif de la garnison installée chez les Riedones. Mais il faut bien avouer que, en fait, on ne peut avancer que des probabilités, car les fluctuations des effectifs de l'armée romaine au Bas Empire sont nombreuses et mal connues."

            Enfin, on peut faire sur les propos de l'auteur un intéressant retour en arrière, qui, lorsqu'il est relié aux indications précédentes, ne manque pas de conforter mon idée à propos du manque de réalisme d'imaginer une opposition de "Francs" de Rennes à Maxime au moment du débarquement, à supposer que cela aurait pu se passer dans ce secteur , p 59 :

            " On constate en effet à la lecture de la Notitia Dignitatum que les Riedones sont classés comme civitas terrestre, puisqu'ils dépendent du magister militum praesentalis. Le préfet des Lètes francs réside à Rennes; en cas d'attaque sur la côte, la garnison aurait eu du mal à la défendre, puisqu'elle se trouvait à l'intérieur des terres et n'appartenait pas aux corps de troupes chargés de la défense du front de mer.

            Au contraire, les Coriosolitae sont une civitas maritime obéissant au dux tractus Armoricani et Nervicanni. La garnison est sur la côte même, à Aleto (Alet, aujourd'hui en Saint Malo). Il est très vraisemblable que la défense de la côte des Riedones leur était confiée; les Milites Martenses d'Alet étaient donc chargés du littoral, de l'embouchure du Gouet à celle du Couesnon. Là, ils étaient relayés par les Milites Dalmati d'Abrincatuis (Avranches). "

            Enfin, ce même auteur dit clairement, p 77 :

            " Les seules troupes attestées chez les Riedones, au début du Vème siècle, sont celles des Lètes francs, c'est à dire des soldats-colons".

            Une autre indication, mais à propos des Vénètes, mérite aussi d'être soulignée. Toujours selon la Notitia Dignitatum, la cité des Vénètes aurait reçu une unité identifiée de cette façon : "Praefectus militum Maurorum Venetorum", par laquelle on voit apparaître une unité de Maures. Ce n'est d'ailleurs pas la seule, puisque la Notitia indique aussi un "Praefectus Militum Maurorum Osismiacorum" dans la cité des Osismes.

            Mais (M.) Merlat conteste la présence de cette unité Maure chez les Vénètes avant 383 ! Il est suivi dans son raisonnement par Patrick André, qui dit :

            " Ainsi à Vannes, à la fin du IVè siècle et au début du Vè, était établie une garnison de cinq à six cents hommes, destinés à défendre la ville et la cité contre un coup de main saxon. Ce corps de troupes serait venu d'une province éloignée puisque la défense de la cité des Vénètes était confiée à des soldats maures. Il est difficile d'admettre que ces équipes aient été levées dans le pays depuis déjà longtemps, puisque la première mention des Maures en Gaule remonte à 383." (11)

            L'observation de Merlat est reprise en note par Léon Fleuriot. De plus, Léon Fleuriot fait justement remarquer que des Maures ont été les premiers à se rallier à Maxime au moment des escarmouches qui ont opposé ses troupes à celles de Gratien, en Juillet 383, à Lutecia / Paris. (12)

            Une autre approche du problème commence donc à se dessiner en filigrane. A savoir : si Maxime avait débarqué, comme le pensent certains chercheurs, à Porz Liogan ou à Tolente, sites supposés du Léon armoricain, il serait tombé sur des Mauri Osismiaci si ceux-ci avaient le contrôle de cette côte avant 383, et non sur des Francs. De cela on ne trouve aucune trace ni dans les documents ni dans l'archéologie.

            De même, s'il avait débarqué entre la baie de Saint-Brieuc et celle du Couesnon, il serait tombé sur des Martenses, et non sur des Francs. De cela non plus, aucune trace ni dans les documents, ni dans l'archéologie.

            Or, compte tenu de la prudence exprimée par A-M Rouanet-Liesenfelt à propos des lètes Francs de Rennes, et du refus de Merlat, appuyé par Patrick André et semble t-il par Léon Fleuriot en ce qui concerne les Mauri Veneti, on est donc en droit de se demander si ce système était bien en place avant l'arrivée de Maxime, en 383.

            Ceci aurait donc pour effet de permettre de contester ou nier les Maures chez les Vénètes et les Osismes, et de nier les lètes francs de Rennes même si, de leur côté, les Martenses et les Dalmates sont déjà installés ou en cours d'installation à Alet et à Avranches.

 

 

Installation des Francs en Gaule avant le printemps 383.

            Nous voilà donc confrontés à un problème de fond.

            D'un côté, nous avons la parfaite certitude, établie à partir de documents attestés et confortés par l'archéologie que des Francs, au sens ethnonymique global du nom, issus de plusieurs peuples faisant partie de la ligue franque, sont installés en tant que lètes dans une grande partie de la Gaule Belgique, au moins dès Maximien chez les Trévires et les Nerviens, et au moins dès Constance Chlore chez les Ambiani, les Bellovaci, les Tricasses et les Lingones. La limite ouest des Ambiani et des Bellovaci correspond à la frontière entre la Belgique IIè et la Lyonnaise IIè.

            Pour être plus précis, c'est le Pagus Catuslogus, inclus dans l'Ambianie, qui est l'ultime pagus de la Belgique IIè à l'ouest. Sa rivière est la Bresle, et sa ville-port est Eu / Le Tréport. C'est sur la Bresle que se trouve le Vieux-Rouen-sur-Bresle, fief d'Himbaldus, chef franc et païen. (13)

            De l'autre côté, la certitude d'une présence franque à Rennes est tout à fait hypothétique, et le peu d'argument qu'on pourrait encore trouver en sa faveur est mis fortement à mal par le caractère ridiculement inefficace de cette unité qui de toute façon n'a pas vocation de défense maritime, ce qui exclut d'office une confrontation avec les troupes britto-romaines de débarquement de Maxime, quant à elles parfaitement encadrées, équipées et motivées.

 

 

Des chefs Francs au service de l'Empire, avant 383.

           Dans l'ordre chronologique, chefs ayant traité avec l'Empire, ou s'étant mis au service de l'Empire, ou ayant accédé à de hautes fonctions :

- Bonitus : officier (général ?) de Constantin, 316/324.

- Magnentius : tribun des Iovii et Herculi, Protector, Comes rei militaris ap. 340.

- Silvanus : Tribunus scholae, 351; Magister peditum, 355.

- Teutomer : Protector domesticus, 354.

- Mallobaude : Tribunus scholae, 354/355. Rex francorum et Comes domesticorum, 378.

- Mausio : 355. ?

- Malarichus : Tribunus gentilium, 355.

- Lutto : Comes, 355.

- Bappo : Tribunus, 355.

- Charietto : engagé sous Julien, 355/358. Comes per utramque Germaniam, 365.

- Sylvanus : Magister peditum de Constance, 355.

- Machamaeus : commandant de régiment. 363.

- Maurus : frère de Machamaeus , tribun, 363. Dux Phoenices ap. 363.

- Merobaude : Officier, 363. Magister peditum, 375/388. Consul, 377. Consul II, 383.

- Barchalba : Tribun, 366.

- Fullofaude : Dux britannorum. 367.

- Fraomarius : Rex Bucinobantium, puis Tribunus numeri Alamanorum, 372.

- Bappo : Praefecus Urbi, 372.

- Bitheridus : Tribunus, 372.

- Barzimeres : Tribunus scutariorum, 374/377.

- Arbogast : Comes rei militaris en 380;

 

 

Himbaldus.

            Geoffroy de Monmouth est le seul à avoir nommé ce personnage Himbaldus en tant que chef franc à s'être opposé au débarquement de Maxime. Compte tenu de l'extrême défiance des historiens pour Geoffroy, Himbaldus a donc été laissé pour compte et rangé au placard des curiosités historiques, pour ne pas dire celui des fables, sort peu enviable qu'il partage de fait avec Conan Mériadec.

L'écriture de son nom :

- Imbaldus, chez Geoffroy de Monmouth.

- Urbaldus, dans le Livre des Faits d'Arthur (Fleuriot. Origines. p 246)

- Imbault, chez Ogée,

Dans la Vie de Saint Germain l'Écossais, le nom du chef Franc qui a fait assassiner le saint est donné sous la forme Chuchobald (prononcer Hubaud);

Plusieurs observations peuvent être faites dès à présent sur le personnage Himbaldus :

1. Himbaldus est désigné comme le chef des Francs qui s'opposent à Maxime au moment du débarquement. Cela implique de le rechercher dans une zone ou se trouvent des troupes franques. Nous savons que nous avons le choix, a priori, entre la Belgique maritime ou Rennes.

2. Son intervention immédiate, le jour même du débarquement, implique qu'il commande près du littoral.

3. Maxime et Conan s'emparent dans la même journée de ce qui semble être le lieu de résidence ou de commandement d'Himbaldus, et cette prise leur ouvre la route de Paris !

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