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Chapitre VIII

La Baie de Somme

L'embouchure de la Somme

Tolente

Portus Calvosus

Approche du sujet.

            Il est important, à ce stade de la recherche, de se pencher sur le cas précis de la Somme, car plusieurs indices de notre étude sont déjà convergents et s'y recoupent déjà :

            - la présence des Francs au IVè siècle, l'intérêt stratégique d'Amiens dans le cadre de la réorganisation entreprise par les empereurs Valentinien et Gratien, ainsi que le voisinage d'un toponyme évoquant Himbaldus, non loin d'une voie de communication directe, traditionnelle et constante vers Paris, lieu de rencontre indiscuté des armées des deux protagonistes Gratien et Maxime.

            Il se trouve que pour compléter notre information et étayer l'objectivité de notre vision, il nous également possible d'observer l'Histoire, bien en aval de l'épopée maximienne.

            On peut en effet rappeler que l'expédition conduite et commandée par Guillaume le Bâtard, en 1066, a pris la mer vers l'Angleterre, non à Bayeux comme certains se plaisent encore à se l'imaginer, mais bien à Saint-Valéry-sur-Somme, à l'embouchure de la Somme, pour arriver le lendemain entre Pevensey, l'antique britto-romaine Anderita, et Hasting, car c'est par cette voie maritime que la trajectoire s'est avérée être la plus commode. (1)

            On peut aussi rappeler que c'est sur la Somme qu'on eut lieu à plusieurs reprises les confrontations entre Français et Anglais (bataille de Crécy); entre Français et Hollandais; et bien plus tard, durant la guerre de 1914-1918, entre Français et Allemands, puisque c'est sur cette ligne qu'a été bloquée l'avance de l'armée allemande.

 

 

La navigabilité dans l'embouchure de la Somme.

            Les niveaux des ouvrages portuaires de l'époque romaine qui ont pu être relevés dans cette embouchure démontrent que celle-ci n'affectait pas encore l'allure d'une embouchure envasée comme elle l'est désormais. La mer remplissait alors l'embouchure bien plus haut en altitude et bien plus en profondeur qu'aujourd'hui.

            Plusieurs ports anciens sont attestés sur la Somme elle-même : Leuconos / Saint-Valéry-sur-Somme; Portus / Port-le-Grand; (Lavatres ?) / Le Grand-Laviers; Portelette, entre Abbeville et Caubert; *Calvus-P°rtus / Caubert (aujourd'hui en Mareuil-Caubert); Sidera / l'Etoile (à 35 km de l'embouchure); sans oublier sur l'affluent principal le Scardon : Centula / Saint-Riquier (à 26 km de l'embouchure).

            Il va sans dire que l'archéologie n'a pas encore tout dévoilé ni tout livré des installations portuaires de la Somme, et que l'on peut imaginer un havre, à défaut d'un port important, dans chacune de ses criques ou de ses confluences.

            Les lieux de passage historiques les plus connus actuellement sont, de la rive sud à la rive nord :

- le gué de Blanquetaque, entre Saigneville et Port-le-Grand / Noyelles-sur-Mer,

- les Planches, qui désigne un pont de bois, une passerelle, entre Caubert et Talenche / Abbeville;

- le gué entre Liercourt et Pont-Remy;

- le gué entre Condé-Folie et l'Etoile;

- le gué entre Picquigny et la Chaussée-Tirancourt;

- Amiens.

 

 

Leuconaus = Port - Liougan ?

            Nous avons eu l'occasion de voir, dès l'introduction de cet ouvrage, que certains auteurs travaillant la Matière de Bretagne ont cherché à identifier un certain Portus Saliocanus avec le lieu-dit Porz Liogan, au Conquet, et qu'ils ont tenté d'identifier ce nom à celui de l'endroit de débarquement de Maxime et son armée britto-romaine.

            Sur quels éléments se sont-ils basés pour tenter cette identification ? Nous ne le savons malheureusement pas.

            Ce qui me paraît surprenant, c'est que l'étymologie proposée pour Liogan semble être la même que celle proposée pour l'ancien nom de Saint-Valery-sur-Somme : Leuconos, dont une variante datée du XIè ou XIIè siècle s'écrit Liugonaus. (2)

 

 

Tolente

            De la même façon, il a été mis en évidence que le cas de Tolente, ville-port revendiquée par des historiens de Petite-Bretagne, posait de réels problèmes de localisation, jusqu'à provoquer chez certains auteurs des doutes réels sur l'existence même de cette ville.

            Alain Bouchard (c.1478-c.1514), qui semble être l'auteur de référence, repris par Albert Le Grand (1599-1644), et Daniel-Louis Miorcec de Kerdanet (1792-1874), donne au nom de cette ville une forme plus ancienne : Talenche.

            Or, en relisant la Vie de Saint Riok dans les textes de Chardronnet et de Pitre-Chevalier, qui reprennent eux-mêmes les précédents, je suis tombé sur cette phrase :

            " ... (Neventerius et Derrien) allèrent à Tolente, lors riche ville, voir le prince Jugonus, père de Jubault ou Jubaltus (que Conan Meriadec défit depuis ...)".

            Ces dernières observations ont tout simplement pour effet d'établir une relation directe entre les thèmes de Conan Mériadec, de Jubault (= Himbaldus), et de Talenche / Tolente.

            On peut bien entendu arguer du fait que des historiens ont pu mélanger ou mal interpréter de bonne foi des sources historiques, littéraires, ou légendaires, afin de mettre en doute la possibilité de ne pouvoir jamais trouver un jour une réponse rationnelle à cette question. Je dis que cet état d'esprit est désastreux pour notre connaissance de cet évènement, et qu'il fait en contrepartie le bonheur des mystificateurs.

            Il se trouve qu'une relecture minutieuse des travaux d'Alphonse Leduque concernant l'archéologie de l'Ambianie m'a fait apparaître, d'une part entre Abbeville et Epagne-Epagnette le nom de lieu : Pont de la Talence, et d'autre part au passage de la rivière Authie par la route romaine d'Abbeville à Thérouanne le nom de commune : Tollent, accompagné de son corollaire Bas-Tollent.

            Ceci m'a donc permis de comprendre qu'il y avait là aussi d'autres voies de recherches que celles habituellement dirigées vers la Petite-Bretagne actuelle, et en particulier vers le Léon.

            Renseignements pris sur place, il s'avère que Tollent (sur l'Authie) se trouve à 25 km de l'embouchure de la rivière, que le site n'a jamais été un port, et qu'en conséquence il ne peut théoriquement pas répondre à notre question.

            Le Pont de la Talence, aujourd'hui quartier sud d'Abbeville, représente l'aboutissement de la chaussée venant du nord au moment de traverser la Somme en direction de Caubert , et à l'inverse, l'aboutissement de la route venant de Blangy-sur-Bresle par Caubert. (3)

            Les archéologues répondent traditionnellement qu'Abbeville doit son nom à une résidence dépendant de l'abbaye de Saint-Riquier et qu'on ne trouve guère en ce site de preuves tangibles de l'époque romaine ou gallo-romaine.

            Bien que je sois très attentif et sensible aux arguments des archéologues, je remarque cependant que des gens aussi compétents que Roland Delmaire et Alphonse Leduque font tout de même aboutir des routes romaines en cet endroit qui s'avère être l'un des lieux de passage privilégiés de la Somme, probablement en période de moyennes marées.

            Ainsi, dire que par manque de preuves archéologiques, il ne s'y trouvait pas de village d'une certaine importance, semble être un peu exagéré ou un peu myope du point de vue historique.

            Toujours est-il que le toponyme Talence, en Abbeville, par simple report à la carte routière, se trouve donc bien en communication par voie romaine avec Blangy-sur-Bresle, et par voie de conséquence avec Château-Hubault, Saint-Germain-sur-Bresle et Le Vieux-Rouen-sur-Bresle. Ceci n'est pas de la théorie, c'est un fait !

            Nous pouvons donc établir la double implication suivante suivante :

1 : par la jonction routière : Hubault / Himbaldus >>> Talence

2 : par la relation écrite historico-légendaire : Jubault / Jubaltus >>> Talenche > Tolente et conclure que la ville de Tolente tant recherchée en Petite Bretagne n'est autre que Talence, en Abbeville, point de passage de la Somme, détruite effectivement par fait de guerre.

 

 

Portus Calvosus

            A partir du moment où la relation entre des noms aussi évocateurs que le sont Liugonaus / Saint-Valéry-sur-Somme, Talence (Abbeville), Himbaldus (Château-Hubault), et Lutecia / Paris peut être ainsi établie, il est parfaitement clair que le Portus Calvosus se trouve forcément lui aussi, s'il existe, dans cette aire géographique et à proximité de cette trajectoire.

            Il se trouve que la colline située à l'ouest d'Abbeville, de l'autre côté de la Somme, rive gauche en descendant, au sommet de laquelle les archéologues ont mis à jour un camp gaulois, baptisé comme tant d'autres Camp de César, et qui se trouve sur la trajectoire d'Abbeville à Blangy-su-Bresle, c'est-à-dire en direction de la localisation d'Himbaldus / Hubault, porte le nom de Mont-Caubert.

            Au pied de ce mont se trouve le Cellier (= cella, autel votif ?), à l'aboutissement de la route venant de Blangy-sur-Bresle en direction d'Abbeville. On trouve dans la vallée des toponymes particulièrement signifiants : Portelette (portel = petit port), les Planches ( = pont de bois), etc.

            De l'aveu même de Mr Dovergne, maire de Mareuil-Caubert, il a été trouvé dans la tourbe des pieux de chêne. La question posée à propos de ces pieux : est-ce une estacade, c'est-à-dire : est-ce le quai d'un port ? (4)

            Quant à l'étude étymologique, celle-ci apporte une réponse quasi-évidente au regard de tout ce qui a pu être dit ci-avant :

Portus Calvosus = Portus Caluosus = Port /chauve/dénudé.

Calvosus Portus = Caluosus Portus = CAU - BERT.

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