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Amnistie de Théodose. Ainsi que nous l'avons vu, il paraît évident que l'amnistie décrétée par Théodose a concerné également les soldats bretons de Maxime installés en Armorique. Au demeurant, il s'agissait malgré tout de troupes bien organisées et équipées, pour ne pas dire des troupes d'élite, et cela aurait été une erreur de la part de Théodose que de chercher un affrontement avec elles, d'une part parce que le territoire qu'elles occupaient n'était pas vital pour la défense de l'Occident, et que, d'autre part, l'Empire avait déjà assez de soucis comme cela pour ne pas s'éterniser davantage dans des guerres civiles qui auraient fait disparaître encore bien des soldats valides dans chaque camp et, enfin, que les soldats bretons installés là à la faveur d'une amnistie ne pouvaient que devenir favorables au nouvel empereur et lui constituer une force d'appoint éventuel pour le contrôle et le maintien de l'ordre dans cette partie ouest de la Gaule. Aussi, en 388, Théodose confirma-t-il, sous forme d'amnistie, les Bretons dans les territoires dont ils avaient été précédemment gratifiés par Maxime.
Ce qui me fait penser à l'objectivité et à la réalité du personnage, est qu'il est également cité dans le Songe de Maxime, comme étant le petit-fils de Caradec, le fils d'Eudaf, le frère d'Adeon et le beau-frère de Maxime, par le mariage de celui-ci avec sa sœur, Elen. Le texte dit aussi qu'Adeon préféra rentrer en Ile de Bretagne, mais que Conan resta en Armorique. Il me semble que l'on ne peut être plus clair et il n'y a pas de raison d'accepter le principe de la filiation d'Eudaf, si on en excepte Conan. La première partie du nom de Conan Meriadec est tout à fait révélatrice. Il s'agit à mon avis d'un épithète, ou d'une fonction. En effet, il suffit de le comparer à celui de Gwledig, attribué à Maxime. Si on décompose ce dernier, on obtient gwlad, breton moderne glad, qui signifie "pays; nation", d'une part, et -ig, qui est une terminaison accusative à valeur emphatique. L'ensemble signifie "chef du pays" ou "chef de la nation". Conan provient lui-même d'une racine celtique, présente en vieux-breton et en moyen-gallois : cun, signifiant "seigneur, chef". A qui donc Maxime, empereur, aurait-il confié l'autorité du royaume breton créé en Armorique, sinon au chef de la tribu bretonne en question, à savoir Conan, fils d'Eudaf (Kynan ap Eudaf) et de surcroît son beau-frère. Je pense que Conan Meriadec, Kynan ap Eudaf, a bien été le premier roi de la Bretagne armoricaine. Les toponymes en Conan ne manquent pas chez nous. Qu'il me soit permis de faire remarquer que le premier toponyme de commune situé à l'ouest de l'ancien fundus du Vieux-Bourg, c'est-à-dire au point de départ du territoire breton, est précisément celui de Saint-Connan. Curieuse coïncidence, pour le moins.
Évolution des rapports entre les Bretons et les Armoricains.
Le moins que l'on puisse en penser est que l'arrivée des Bretons a dû jeter quelque trouble chez les Ossismes, qui se sont vu dépouiller d'une partie importante de leur territoire. Quelle a pu être l'attitude de ces derniers à l'égard des nouveaux arrivants? Il n'est guère facile de le savoir, bien entendu. Cela demanderait à être approfondi. Il faut dire que les graves événements qui se sont déroulés en Italie et à Rome, au début du cinquième siècle, ont quelque peu éclipsé l'histoire du reste du monde occidental à cette époque. Mais les Bretons d'Armorique se sont-ils sentis concernés par l'abandon de la Grande-Bretagne par les Romains, à partir de 410. Je pense que Conan a dû se sentir plus solidaire de sa famille insulaire que l'autorité romaine du continent. Certains écrits nous laissent à penser que la situation a dû être assez troublée à cette époque. Il faut reconnaître que la situation politique des Bretons d'Armorique était forcément pour le moins ambiguë (1). Quoi qu'il en soit, le processus d'établissement de l'hégémonie bretonne sur l'ensemble du territoire des Ossismes semble évident, surtout à partir du cinquième siècle. Ceci se reflète dans un passage des romans de la Table ronde, intitulé la Bataille de Carohaise. Si on observe bien les textes, il apparaît que les Bretons sont dans la ville de Carohaise (Carhaix) et que les Gaulois, avec le soutien des Romains et des Allemands, cherchent à les en déloger. Arthur est, bien entendu, de la partie. Peut-être s'agit-il d'Ambroise Aurèle, qui sait ? Une date figure dans le texte : un mardi 30 avril, sans indication d'année. On obtient l'année par recoupement avec l'un des chapitres précédents, celui qui parle de Jules César. Il ne peut, bien entendu, être question du Jules César, le fameux conquérant des Gaules. Il s'agit, en fait, de Flavius Julius Nepos, empereur d'occident, en 474 et 475. Étant empereur, il était bien entendu 'auguste' et 'césar ', d'où son identification sous le nom de Julius Cesar, Julius (le) césar. On remarquera qu'il a été le seul empereur de cette époque à se prénommer Julius. De plus, il se trouve qu'en 474, le 30 avril tombait effectivement un mardi. On peut donc placer cette 'bataille de Carohaise' le mardi 30 avril 474. Ceci reste conjectural, bien entendu, mais on peut estimer qu'avant 476, date de la disparition définitive d'un empereur en Occident, le Poher était aux mains des Bretons (2). La dernière partie de la cité des Ossismes, à savoir le pays de Quimper, a été rattaché à l'évidence par des moyens diplomatiques, et surtout par les interventions de saint Corentin et de saint Gwennolé auprès du roi Gradlon. Ceclui-ci, païen, ivrogne, et impuissant à faire face aux exigences de ses barons et de sa propre fille, finira par accepter les conseils des deux missionnaires bretons et à se convertir au christianisme. L'extension matérialisée sur une carte du culte de saint Gwennolé est tout à fait explicite de l'hommage que lui ont rendu les habitants de cette partie de la cité des Ossismes. On place traditionnellement la fondation de l'abbaye de saint Gwennolé, à Landévennec, vers 485. La réunion de l'ensemble de l'ancien territoire des Ossismes semble être opérée vers les années 490. Ceci permet à Fleuriot de dire qu'en 497, "les Bretons se voyaient reconnaître un territoire accru de la cité des Curiosolites". Et pour cause, il était préférable à Clovis de trouver un arrangement avec les Bretons, qui avaient montré leur détermination sur ce secteur, plutôt que de les affronter. L'étape suivante était Vannes. Celle-ci tomba aux mains des Bretons en 579. Rennes et Nantes le seront vers 850. La Bretagne armoricaine avait atteint ses limites historiques.. ----------------- 1.- Cf. Zosime (1). note rajoutée : cette voie de recherche est obsolète. Elle était en effet basée sur le 'faux -postulat' que l'Armorique désignait la Petite Bretagne et que la Cornouaille répondait au nom des Cornovii du Cornwall, selon une littérature en vogue chez les historiens de cette époque. Voir à ce sujet notre étude sur la Genèse de la Bretagne armoricaine. (2) note rajoutée : cette question a été développée dans notre étude Emgann Karaez. ***** |